Attention, les plantes peuvent être toxiques
«Les substances les plus toxiques et les poisons les plus violents se trouvent aussi dans la nature», rappelle en forme d’avertissement Kurt Hostettmann, professeur honoraire de pharmacognosie et phytochimie aux universités de Lausanne et de Genève. Et l’auteur de Tout savoir sur les poisons naturels (éditions Favre) d’enfoncer le clou en ajoutant que «tout ce qui est naturel n’est pas forcément bon».
Les intoxications par les végétaux sont en effet fréquentes. Parmi les quelque 15 000 cas d’empoisonnements enregistrés chaque année par le Centre suisse d’information toxicologique de Zurich, 11% sont dus aux plantes –alors que seulement 2% d’entre eux sont provoqués par des champignons, dont on se méfie pourtant beaucoup plus que des fruits ou des fleurs.
Le phénomène est d’ailleurs en constante augmentation, «du fait de la tendance au retour à la nature et de la mode qui incite à consommer des plantes sauvages», selon Kurt Hostettmann.
Les enfants en première ligne
Les enfants sont les plus menacés. Alors qu’ils apprécient peu les champignons, ils sont «fascinés par les plantes et par les fruits. Leur regard est attiré par ces baies luisantes de couleur rouge ou noire» qui ressemblent souvent aux myrtilles, raisinets ou cassis, mais qui sont en fait toxiques.
Les adultes ne sont pas épargnés par ces confusions, qui les amènent à confondre des espèces comestibles avec d’autres qui ne le sont pas (lire à ce sujet Plantes: des confusions dangereuses). Kurt Hostettmann rappelle à ce sujet la triste aventure qui est arrivée, en 2005, à une institutrice du canton de Vaud. «En mai, elles avaient emmené ses élèves pour une promenade dans les bois et elle leur a demandé de cueillir des bourgeons de sapin pour faire du sirop. Mais il s’agissait en fait de bourgeons d’if et après avoir consommé la boisson, les enfants se sont retrouvés en observation à l’hôpital».
Les plantes sauvages ne sont d’ailleurs pas les seuls fauteurs de troubles. Celles qui ornent nos appartements peuvent aussi présenter des dangers. C’est notamment le cas du philodendron ou encore du poinsettia, appelé aussi «étoile de Noël», en raison de la forme de ses grandes feuilles rouges qui décorent nos intérieurs au moment des fêtes de fin d’année.
Des intoxications aux irritations de la peau
Une fois ingérés, ces végétaux provoquent souvent des troubles digestifs. Certaines de ces intoxications sont sans gravité, mais d’autres se révèlent sévères, voire mortelles. Ce n’est pas un hasard si, «dans l’Antiquité, la belladone et diverses espèces de la famille des solanacées étaient considérées comme des poisons redoutables», constate le spécialiste de phytochimie.
Les plantes, et plus particulièrement leur pollen, sont à l’origine des rhumes des foins et de l’asthme. Mais leur simple contact peut aussi suffire à provoquer des irritations de la peau ou des allergies cutanées. C’est notamment le cas du chrysanthème, de la tulipe, du lys ou de la primevère (lire aussi Allergies: quand la peau réagit aux plantes). Quant aux euphorbes, leur latex, toxique, entraîne des atteintes oculaires.
Il faut par ailleurs se méfier des interactions néfastes qui se créent entre certaines espèces végétales et les médicaments. «Le pire, dans ce domaine, est le jus de pamplemousse», souligne Kurt Hostettmann. Ce fruit fait en effet très mauvais ménage avec de nombreux produits pharmaceutiques, notamment les benzodiazépines prescrites comme anxiolytiques, les inhibiteurs calciques contre les troubles cardiaques, ou les statines utilisés pour abaisser le taux de cholestérol. Dans ce dernier cas, la consommation du jus de fruit peut augmenter jusqu’à quinze fois l’absorption du médicament qui se trouve ainsi dangereusement surdosé.
Certaines espèces peuvent encore se révéler psychotropes. On connaît les effets du pavot ou du chanvre, mais de jeunes Allemands ont récemment découvert ceux de l’hortensia et se sont mis à voler ces fleurs dans les jardins et les cimetières. Après avoir fait sécher leurs feuilles et leurs pétales, ils les roulent en joints aux effets hallucinogènes et euphorisants. Ces fumettes peuvent toutefois avoir «des effets secondaires très néfastes pour la santé», souligne Kurt Hostettmann, en précisant que «fumées à haute dose, certaines substances contenues dans la plante libèrent de l’acide cyanhydrique qui provoque une mort rapide par étouffement.»
Certes, tous les végétaux ne conduisent pas à de telles issues fatales. Malgré tout, les plantes peuvent être néfastes pour la santé. On peut les aimer, mais il faut aussi savoir s’en méfier.