Les allergies alimentaires
«J’adore les carottes, mais elles ne m’aiment pas...». En réalité, c’est plutôt l’inverse qui se passe. En effet, l’allergie alimentaire est une réaction anormale du système immunitaire chez les sujets prédisposés lorsqu’ils mangent des denrées aussi courantes que le céleri, le lait, les œufs ou le poisson.
Pourquoi est-on allergique à tel aliment et pas à un autre? Comme toujours dans le domaine de l’allergie, il y a peu ou pas de règle générale. Ainsi, on sait que certaines denrées arrivées récemment dans notre assiette, type avocat ou kiwi, sont connues pour provoquer des réactions. On pourrait croire que notre système immunitaire, surpris par ces substances nouvelles venues d’ailleurs, réagit par manque d’«ouverture d’esprit». Pas si sûr, puisqu’on observe également l’inverse. Au Japon, les aliments les plus consommés, le riz et le poisson, sont aussi ceux qui provoquent le plus d’allergies. Tout se passe alors comme si, à force de consommer un aliment, l’organisme finit par en avoir assez et par fabriquer des anticorps contre lui.
Une seule goutte suffit
Pour couronner le tout, l’allergie alimentaire n’est pas proportionnelle à la quantité absorbée: une pincée de paprika dans le ragoût ou la fameuse cerise sur le gâteau suffisent à transformer, parfois très vite, un repas convivial en un véritable calvaire. Pire, même quand on croit éviter l’allergène, il en reste encore assez pour rendre malade. Un exemple: une casserole mal nettoyée ayant contenu du poisson ou des cacahuètes peut garder suffisamment d’allergènes pour déclencher des réactions au prochain repas. Autre cas de figure: une personne hyperallergique aux noix de cajou prend un risque en mangeant une noisette issue d’un sachet de noix mélangées contenant également des noix de cajou.
Des symptômes multiples
Avec l’allergie alimentaire, il faut s’attendre à tout. Tous les organes sont potentiellement concernés. Les manifestations peuvent être digestives, cutanées, respiratoires ou généralisées.
Les symptômes apparaissent généralement dans les deux heures qui suivent le repas. Mais, parfois, les signes surviennent déjà au bout de deux minutes. Les plus courants? Vomissements, diarrhées, sensation de malaise, voix rauque, urticaire, gonflement des lèvres et des paupières, picotements dans la bouche ou dans la gorge, poussées d’eczéma chez les enfants. A noter que la peau et la pulpe des fruits peuvent donner des démangeaisons qui se limitent à la bouche et à la gorge. D’autres manifestations, telles qu’asthme, gonflement du larynx ou choc anaphylactique, peuvent avoir des conséquences graves. Les réactions sévères ou fatales sont moins fréquentes chez les petits enfants.
Allergie ou intolérance?
Dans l’allergie, une seule goutte suffit pour déclencher les hostilités alors que dans l’intolérance, c’est la quantité qui compte. Chez l’enfant, dans la plupart des cas, il s’agit d’une réaction allergique impliquant le système immunitaire. Plutôt sévères, les symptômes apparaissent dans les minutes qui suivent l’ingestion. Chez l’adulte, dans 80 % des cas, il s’agit d’une intolérance qui peut se manifester jusqu’à 24 heures après l’ingestion et les symptômes sont moins sévères.
L’intérêt de savoir si l’on est sujet à une intolérance plutôt qu’à une allergie est simple: l’allergie est beaucoup plus grave. Etre intolérant aux fraises est certes ennuyeux, mais ne porte pas à conséquence. En revanche, continuer à manger du poisson auquel on est allergique est dangereux et, dans certains cas, ne pardonne pas. On ne sait jamais si les prochains filets de perches ne seront pas les derniers, car avec l’allergie alimentaire, on n’est jamais à l’abri d’un choc anaphylactique.
L’enquête-diagnostic
Lorsqu’il est aussi «visible» qu’une pomme ou des moules, la recherche puis l’éviction de l’aliment fauteur de troubles ne causent habituellement pas trop de problèmes. En revanche, la tâche est autrement plus ardue quand il s’agit de denrées «cachées» comme la poudre de céleri dans une soupe instantanée ou les protéines de lait de vache dans un biscuit.
Armé d’un bloc-notes, l’allergologue passe au crible la nourriture de son patient afin de repérer l’éventuel intrus. La première chose est de vérifier si l’aliment suspecté est vraiment impliqué dans une réaction. Deuxième étape: si une origine alimentaire est effectivement décelée, le diagnostic d’allergie ne coule pas de source pour autant. En effet, il faut d’abord exclure d’autres causes plus courantes comme une intoxication ponctuelle ou une intolérance alimentaire.
Ensuite, de suspicions en déductions, on parvient à isoler un ou plusieurs aliments allergisants. Des tests sanguins et cutanés permettent, entre autres, de mesurer l’ampleur de la réaction immunitaire. Très fiables, les tests de provocation, effectués sous contrôle médical, sont la référence en la matière. Sans eux, il est parfois difficile de distinguer une allergie d’une intolérance. Une fois l’aliment fautif découvert, la personne pourra adapter son alimentation en connaissance de cause, avec l’aide d’un-e diététicien-ne si nécessaire.
Evolution et pronostic
Chez les enfants, les allergies alimentaires sont souvent violentes. Elles peuvent, dans certains cas, déclencher une poussée d’eczéma atopique. Heureusement, ces allergies (lait, blé, œuf, soja, etc.) disparaissent la plupart du temps pendant l’enfance. A l’exception, toutefois, des réactions aux noix, aux cacahuètes, fruits de mer et poissons qui ont tendance à durer toute la vie. Chez les adultes, l’allergie alimentaire vraie ne représente qu’une minorité des cas. Ce qui n’empêche pas les individus concernés d’être gênés, parfois même gravement, pendant le reste de leur existence. Et de rester toujours en alerte pour éviter les mauvaises rencontres.
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Extrait de:
J’ai envie de comprendre… Les allergies, de Suzy Soumaille, en collaboration avec Philippe Eigenmann, Ed. Planète Santé, 2013.