En finir avec les ballonnements
Le chiffre
10 à 15% de la population souffre du syndrome de l’intestin irritable, qui se caractérise par un inconfort digestif associé à des douleurs abdominales, des ballonnements et parfois des troubles du transit.
Une sensation désagréable mais souvent bénigne
Les ballonnements se caractérisent par une sensation de gonflement du ventre, des douleurs, des spasmes, des torsions du tube digestif… et se traduisent par la présence de gaz dans l’abdomen qui est, dans certains cas, excessive. «Certaines personnes sont plus sensibles physiologiquement à ces ballonnements, sans pour autant qu’il s’agisse réellement d’un excès de gaz», souligne Laurent Bochatay. D’autres individus en revanche présentent une surproduction de gaz liée à une fermentation alimentaire exagérée. Elle peut provenir de la nourriture elle-même - les aliments contenant plus ou moins de sucres fermentables (voir encadré)- ou des bactéries du microbiote intestinal qui interagissent avec ces aliments pour produire du gaz. «Nous possédons tous une empreinte intestinale différente, qui joue un rôle majeur dans notre façon de digérer, explique le gastro-entérologue. À régime alimentaire égal, certains individus vont produire plus de gaz.»
Chez une petite catégorie de patients des troubles fonctionnels liés à la déglutition ou au fait de manger trop vite provoque une ingestion d’air (aérophagie) qui peut entraîner des ballonnements. Enfin, l’aspect psychologique et environnemental joue aussi un rôle. «Être stressé ou manger trop vite et dans de mauvaises conditions peut agir sur notre digestion, constate Laurent Bochatay. Mais c’est plutôt un catalyseur de sensations qu’une réelle augmentation du volume de gaz.»
Penser au syndrome de l’intestin irritable
Les ballonnements sont souvent liés au syndrome de l’intestin irritable (SII), une pathologie qui concernerait pas moins de 15% des femmes et 10% des hommes. Au-delà de l’inconfort abdominal, le SII peut également provoquer des troubles du transit tels que des diarrhées ou au contraire des épisodes de constipation. Il se définit par la présence de douleurs abdominales (maux de ventre) au moins trois fois dans le mois durant les trois derniers mois, et ce, depuis au moins 6 mois avant la consultation. Ces douleurs peuvent être associées à un changement dans la fréquence ou la consistance des selles. Malgré les désagréments qu’il occasionne, le SII n’est en revanche pas un facteur de risque de maladie plus grave rassure Laurent Bochatay: «Il est bien établi qu’il n’y a pas d’association entre ce syndrome et le développement d’un cancer ou d’une maladie inflammatoire du tube digestif dans les années qui suivent.»
Les femmes plus concernées
Parmi les facteurs de risque des ballonnements figurent le sexe et l’âge. Paradoxalement, les ballonnements semblent en effet disparaître en vieillissant. Un constat qui s’expliquerait par une plus grande exposition des jeunes actifs à des facteurs favorisants comme le stress, la pression au travail, les problèmes familiaux…
Les femmes seraient également trois fois plus à risque que les hommes de développer un SII. «Chez certaines femmes, le rôle des œstrogènes (via une contraception orale ou une substitution hormonale à la ménopause) peut être l’une des explications», note Laurent Bochatay.
Mettre fin aux ballonnements
La première des choses est de revoir son hygiène de vie : prendre des repas équilibrés à heure fixe en prenant son temps pour manger, pratiquer une activité physique régulière… car «le système digestif aime la régularité», constate Laurent Bochatay. On peut également mettre en place une approche diététique qui a pour but de diminuer la fermentation alimentaire avec un régime pauvre en FODMAP (voir encadré).
Les interventions sur le microbiote intestinal sont plus difficiles, les études menées sur le sujet n’étant pas convaincantes. «À l’échelle individuelle en consultation, on peut parfois proposer des probiotiques en cas d’échec des autres approches, concède le gastro-entérologue. Mais ce n’est pas la première recommandation pour soulager des ballonnements.» Du côté des médicaments, des antispasmodiques peuvent aider à moduler les symptômes digestifs, ou encore l’Iberogast®, un produit phythotérapeutique qui diminuerait l’hypersensibilité intestinale. Enfin, des approches complémentaires peuvent apporter des bénéfices comme l’hypnose ou la relaxation. «Ces méthodes interviennent davantage sur l’aspect catalyseur environnemental des symptômes, plus que sur l’hypersensibilité intestinale elle-même», précise néanmoins Laurent Bochatay.
Si ça dure…
Si les ballonnements ne passent pas ou sont associés à d’autres symptômes, il est important de consulter. Certains symptômes du SII sont en effet similaires à ceux de pathologies plus sérieuses comme la maladie cœliaque ou les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). La première résulte d’une destruction du tube digestif liée à une réaction immunitaire face à l’ingestion de gluten, et peut se détecter par analyse sanguine. Quant aux MICI (maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique), elles peuvent être diagnostiquées par l’analyse des selles. «Les "red flags" sont des signaux d’alerte tels que la présence de sang dans les selles, une modification brutale du transit sans explication ou encore une perte de poids inexpliquée, et doivent amener à voir son médecin, conseille Laurent Bochatay. On effectue alors un bilan général et un examen clinique pour exclure des maladies organiques».
Où se cachent les FODMAP?
Cet acronyme anglais (Fermentescibles Oligosaccharides Disaccharides Monosaccharides and Polyols) regroupe plusieurs catégories de molécules qui, si elles ne sont pas dégradées et absorbées par l’intestin, peuvent fermenter et entraîner des ballonnements. Il peut donc être recommandé de réduire la consommation des aliments riches en FODMAP :
- toute la famille des choux: chou-fleur, brocoli, chou de Bruxelles, etc.
- certaines légumineuses et céréales: soja, blé, pois chiche, petits pois, lentilles, etc.
- certains légumes et fruits: artichaut, poireau, betterave, avocat, pomme, pêche, abricot, cerise, mangue, kaki, pruneaux, etc.
- certains fruits secs: noix, noisettes, amandes, etc.
- lait et fromages non affinés.
__________
Paru dans L’Illustré le 02/12/2020.