La diversification alimentaire, une période clé
Les recommandations actuelles soulignent l’importance de l’introduction précoce d’aliments*, en complément du lait (maternel ou en préparation) qui reste la nourriture principale du bébé. En effet, le microbiote des nouveau-nés, encore faiblement diversifié, s’enrichit progressivement de tous les micro-organismes apportés par l’alimentation. Une richesse intestinale encore mal connue il y a quelques années, qui, on le sait désormais, joue un rôle prépondérant dans le fonctionnement immunitaire de l’organisme.
Les aliments à éviter avant 1 an**
Bien que les recommandations en matière de diversification alimentaire chez le bébé incitent à une grande variété de saveurs, certains aliments sont inappropriés durant la première année de vie. Parmi eux:
- Les aliments qui présentent un risque d’étouffement: par exemple fruits à coque non moulus, bonbons, grains de raisin entiers, mie de pain, etc.
- Les préparations contenant des sucres ajoutés, trop de sel ou de condiments.
- Les aliments d’origine animale crus ou insuffisamment cuits (jambon cru, poisson cru ou fumé, plats contenant des œufs crus, lait cru, fromages au lait cru, etc.).
- Les produits carnés transformés comme les saucisses ou la charcuterie, trop salés et contenant des additifs.
- Le gibier, le foie et certaines espèces de poisson (marlin, makaire, espadon, requin).
- Les céréales crues fraîchement moulues ou broyées.
- Le miel et le sirop d’érable, car ils présentent un risque de contamination bactérienne.
Les recommandations pédiatriques suisses, sur la base de récentes études, incitent ainsi à proposer des aliments variés dans le cadre de la diversification dès l’âge de 4 mois révolus. Il n’est plus recommandé d’attendre davantage, y compris pour introduire les aliments dits «allergéniques» tels que le poisson, les œufs, les céréales, les légumineuses et les oléagineux moulus. «Entre 4 et 6 mois, l’organisme présente ce qu’on appelle une "fenêtre de tolérance" face à de potentiels allergènes comme les œufs et les arachides, explique la Dre Avigael Benhamou Senouf, allergologue pédiatre à Genève. C’est donc le bon moment pour le mettre régulièrement en contact avec les aliments que la famille a l’habitude de consommer.» Bien entendu, si l’enfant présente déjà un terrain atopique (tendance à développer des maladies allergiques), un avis médical est nécessaire avant d’entamer la diversification.
Et la DME?
De nombreux parents ont comme projet éducatif la recherche du développement de l’autonomie. Il peut s’agir d’endormissement autonome, d’apprentissage de la langue des signes ou encore de diversification alimentaire menée par l’enfant (DME). L’idée, derrière ces pratiques, plus que de laisser l’enfant faire «tout seul» sans surveillance de l’adulte, est de l’accompagner dans son exploration du monde et dans le développement de ses compétences, motrices notamment. Dans le cadre des repas, cela se traduit par la mise en place de différentes étapes en fonction de son âge, qui amèneront petit à petit l’enfant à manger seul. En pratique, l’idée est de laisser par exemple l’enfant toucher la nourriture avec ses doigts et porter à sa bouche des morceaux mous, ou bien cuits, avec ses mains ou un couvert adapté. «Au début, à 6-7 mois, les aliments devraient être en forme de bâtonnets, lanières ou croquettes et ne pas dépasser la taille du poing fermé du bébé. Ensuite, vers 8 mois, il sera possible d’évoluer vers des aliments de la grosseur d’une balle de golf et, enfin, entre 9 et 12 mois, des aliments en dés», détaille Laïla Porta Monney, diététicienne chargée de projets en alimentation à Unisanté.
Si cette méthode favorise la découverte sensorielle et le développement de la coordination, elle requiert aussi plus de patience de la part des parents car les repas en autonomie sont généralement plus longs et plus salissants que ceux durant lesquels l’enfant est nourri par l’adulte.
Bien entendu, lorsque les premiers morceaux sont introduits dans l’alimentation, il faut rester vigilant face au risque d’étouffement, le réflexe de déglutition et la mastication étant encore en plein développement durant les premières années de vie.
À chacun son rythme
Si la DME séduit aujourd’hui de nombreux parents, il est à noter que ni la Société suisse de pédiatrie ni l’Office fédéral de la santé publique n’ont publié de recommandations particulières à son égard. «À l’heure actuelle, Il n’existe pas vraiment d’études solides mettant en avant les bénéfices de cette méthode sur la santé des enfants», souligne Avigael Benhamou Senouf. Par ailleurs, certaines conditions sont requises et adressées aux parents souhaitant mettre en pratique cette approche. Par exemple: «La DME ne devrait pas commencer avant l’âge de 6 mois environ afin que le développement psychomoteur de l’enfant soit suffisamment avancé pour le faire», insiste Laïla Porta Monney. Ainsi, il est préconisé d’attendre que l’enfant soit en capacité de tenir assis seul sans aide et qu’il ait commencé à développer une utilisation coordonnée de ses mains. Il est important également que l’assiette soit composée d’aliments variés, de qualité et riches en vitamines et en minéraux à chaque repas, pour éviter un apport insuffisant. «Cela, tout en continuant en parallèle à proposer du lait (allaitement ou biberons) à la demande», conclut la diététicienne.
Réussir la diversification alimentaire
Durant les premiers jours de la diversification alimentaire, quelques cuillères de purée lisse de légumes suffisent. Ces derniers sont idéalement à choisir frais, de saison et locaux, cuits à l’eau ou à la vapeur et sans sel. «Commencer par les légumes permet au bébé de s’habituer à leur goût et d’éviter qu’il ne développe une préférence pour la saveur plus sucrée des fruits, souligne Laïla Porta Monney, diététicienne chargée de projets en alimentation à Unisanté. On peut par exemple y ajouter une cuillère d’huile de colza pour son apport en acides gras favorables au développement du cerveau». Après les légumes viendront les fruits, les féculents, les céréales, puis, au plus tard à 6 mois, les protéines telles que la viande, le poisson, les œufs. Il est conseillé de tester un même aliment plusieurs jours de suite, afin de pouvoir rapidement repérer s’il déclenche une allergie. S’il n’entraîne aucune réaction anormale, l’idéal est de maintenir sa présence dans l’assiette régulièrement –deux fois par semaine– afin d’entretenir la tolérance du système immunitaire.
Tout comme l’introduction de nouveaux aliments, les textures doivent évoluer progressivement: d’abord bien lisses, puis grumeleuses, elles deviendront grossièrement écrasées à la fourchette, puis hachées, avant de proposer des petits morceaux mous. Enfin, le repas doit rester un moment de découverte et de plaisir. En cas de refus ou si l’enfant a des réflexes de rejet, il ne faut pas insister mais réessayer plus tard, et ne pas hésiter à s’adresser à son médecin ou pédiatre si le problème persiste.
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* Recommandation de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.
** Selon les recommandations de la Société suisse de nutrition.
Paru dans Le Matin Dimanche le 27/10/2024