Sommeil et écrans: la lumière bleue à l’origine de nos nuits blanches
On ne présente plus les smartphones, ces petits appareils qui allient les capacités du téléphone mobile et de l'ordinateur de poche. Ils inondent le marché (notamment européen) depuis plusieurs années déjà. Souvent utiles, ils suivent leurs propriétaires du lever au coucher, à la maison comme au bureau. De ce fait ils brouillent chaque jour un peu plus la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Mais depuis peu on commence à prendre conscience que leur omniprésence peut s'avérer néfaste pour notre sommeil et saper nos réserves d'énergie.
Effets néfastes
Chez l'homme, l'alternance entre la veille et le sommeil obéit à un rythme circadien. La lumière joue un rôle de premier plan dans ce rythme: notre organisme l'associe à l'éveil, tandis que l'obscurité est liée au sommeil. Lorsque notre corps se trouve face à une source importante de lumière (et notamment de «lumière bleue»), notre horloge biologique se remet à zéro, ce qui perturbe la sécrétion de la mélatonine, une hormone participant à la régulation du sommeil.
Problème: les écrans de nos smartphones émettent une grande quantité de cette fameuse «lumière bleue». Voilà plusieurs années que ses effets néfastes font l'objet d'études. En 2012, l'Association médicale américaine s'était penchée sur la question. Ses conclusions: «La nuit, l'exposition à une lumière excessive, et notamment la consultation prolongée d'appareils électroniques, peut perturber le sommeil ou exacerber ses troubles».
C'est aussi ce qu'explique le spécialiste du sommeil Steven Lockley, de la Harvard Medical School (cité dans un article du Chicago Tribune): «La lumière bleue met le cerveau en éveil, réduit les niveaux de mélatonine et perturbe votre horloge biologique –tout cela à la fois. Votre cerveau est plus alerte, il se croit en plein jour, et pour cause: au cours de notre évolution, nous n'avons vu de lumière vive que pendant la journée».
Contrairement à la télévision, qui émet également de la lumière bleue, nous tenons les écrans de nos smartphones proches de notre visage. Ce qui, la nuit venue, décuple l'effet qu'ils peuvent avoir sur notre cerveau.
Nouvelles confirmations
Une double étude à paraître dans la revue Organizational Behavior and Human Decision Processes1 confirme ces informations. Selon le directeur d'équipe, Russel Johnson, chercheur et professeur de management à l'Université d'Etat du Michigan, «on pourrait presque dire que les smartphones ont été conçus pour perturber notre sommeil. Ils nous stimulent intellectuellement jusque tard dans la nuit. Il est donc particulièrement difficile de mettre le travail de côté, de se détendre et de s'endormir». C’est là une mauvaise habitude prise par de nombreux possesseurs de smartphones: le chercheur admet lui-même conserver le sien sur sa table de chevet pendant la nuit.
Loin de se contenter de confirmer ce fait, Russel Johnson s'est concentré sur un nouvel angle d'étude: les effets de l'utilisation professionnelle du smartphone sur notre sommeil et notre énergie.
Pour sa première étude, l'équipe a demandé à 82 cadres supérieurs de répondre à des questionnaires quotidiens pendant deux semaines. Pour la seconde, 161 employés travaillant dans différents secteurs professionnels ont été interrogés.
Dans les deux cas, les résultats ont montré que l'utilisation nocturne du smartphone à des fins professionnelles entamait le temps de sommeil des participants et sapait leurs réserves d'énergie pendant la journée de travail du lendemain. La seconde étude a par ailleurs comparé l'utilisation du smartphone à celle d'autres appareils électroniques. Elle a ainsi permis d’affiner les conclusions des précédents travaux menés sur ce thème: outre la télévision, les téléphones intelligents sont plus néfastes que les ordinateurs portables et les tablettes.
Russell Johnson reconnaît que les smartphones sont particulièrement utiles pour les professionnels. Une efficacité qui «peut être à double tranchant». L'utilisation nocturne des smartphones semble avoir des effets à la foi psychologiques et physiologiques sur le sommeil, influant sur la capacité de s'endormir facilement et sur la fonction récupératrice du sommeil.
Des solutions à l'étude
La solution? Eteindre son portable le soir, bien sûr. Plus facile à dire qu'à faire, surtout dans certains milieux professionnels. Mais en règle générale, plus on dort, mieux c'est. Pour les férus de nouvelles technologies, l'espoir est encore permis: selon l'article du Chicago Tribune, des constructeurs de smartphones seraient en train d'élaborer des fonctionnalités permettant de limiter ou de stopper les émissions de lumière bleue pendant la nuit.
Une personne sur trois se plaint aujourd'hui de troubles du sommeil, et si la popularité des smartphones progresse, cette proportion pourrait bientôt augmenter. Si vous en faite partie, vous savez que qui vous reste à faire: laissez votre téléphone intelligent à la porte de votre chambre à coucher.
1. Un résumé (en anglais) de cette étude fait par l’Université du Michigan est disponible ici.
Insomnies
Les troubles du sommeil constituent un véritable problème de santé publique, tant par leur fréquence que par leurs répercussions humaines, sociales et économiques.