Les LED arrivent: pas de panique, mais prudence
Saviez-vous que la lumière de certaines LED (lampes à diodes électroluminescentes) peut endommager la rétine, en particulier celle des enfants jusqu’à l’âge de 8-10 ans ? En effet, le cristallin de leurs yeux n’absorbe pas les rayonnements de courtes longueurs d’onde (bleues). Or, dès 2016, ce seront les seules lampes encore autorisées, avec les ampoules fluocompactes et certains halogènes. Selon l’industrie, les LED, très économiques, occuperont le 90 % du marché d’ici 2020. Et elles éclairent déjà notre quotidien: dans les lieux publics (rues, gares, hôpitaux, écoles, supermarchés…), dans les phares de nos voitures (et donc à hauteur des yeux des bébés en poussette et des enfants) et dans nos maisons (luminaires, éclairage d’appareils électriques, lampes de poche, jouets et vêtements pour enfants, écrans TV, PC, Smartphones, tablettes numériques, etc.)
Le danger de la lumière bleue
Ce sont les LED à lumière blanche froide ou les LED bleues (et non celles à lumière chaude, de couleur plus jaunâtre) qui sont en cause. Le procédé de fabrication le plus utilisé, car le plus simple et le moins cher, consiste à associer une diode bleue à un phosphore jaune. «Or, ces diodes émettent une plus forte proportion de lumière bleue que la lumière naturelle, pouvant conduire à une réaction chimique nocive pour la rétine», explique la Dresse Francine Behar-Cohen, directrice médicale de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne. Ce phénomène nocif, le blue light hazard, est d’ailleurs connu et décrit dans de nombreuses études. Il peut entraîner un vieillissement prématuré de l’œil, favorisant la dégénérescence maculaire (DMLA) ou pouvant l’aggraver. Cela suite à une exposition de niveau faible et répétée à cette lumière bleue, ou lors d’une exposition ponctuelle et intense.
D’autres personnes que les enfants courent également un risque. Notamment celles sans cristallin (aphaques), les gens opérés de la cataracte avec un cristallin artificiel – sauf s’il est jaune (pseudoaphaques) – et ceux sous traitement photosensibilisant, ainsi que les professionnels exposés à de fortes intensités de lumière (électriciens, éclairagistes, gens du spectacle, chirurgiens, etc.).
En 2010 une étude de l’Anses (l’Agence nationale française de sécurité sanitaire), dirigée par Francine Behar-Cohen, a mis en lumière les risques sanitaires des LED grand public. «Nos essais se basaient sur la norme européenne de sécurité photobiologique, qui évalue le risque toxique pour la rétine selon l’intensité de la lumière et sa distance des yeux», explique-t-elle.
Sur une échelle de 0 à 3 (risque élevé), les experts ont constaté qu’une majorité des neuf produits testés était sans risque ou à risque faible, mais trois présentaient un risque de niveau 2 (risque modéré). Cela lors d’une durée limite d’exposition d’au mieux quelques dizaines de secondes. Un résultat inquiétant quand on sait que les éclairages traditionnels à usage domestique ne doivent pas dépasser le groupe de risque 1.
Pas de contrôle de qualité
«De plus en plus de diodes à risque vont envahir le marché, la plupart venant de Chine, sans contrôle de qualité», craint la spécialiste. L’Anses avait recommandé l’introduction d’un tel contrôle et l’obligation d’indiquer la classe de risque sur l’emballage, et encore de ne commercialiser que des LED à moindre intensité et sans risque. Par ailleurs, l’Agence recommandait d’éviter d’installer ces lampes dans les lieux fréquentés par les enfants (maternités, crèches, etc.) ou dans les objets qu’ils utilisent.
A ce jour, seule la France a suivi l’une de ces recommandations, et a rendu obligatoire depuis 2013 l’indication de la classe de risque des LED sur les emballages. En Suisse, une interpellation de la Conseillère nationale verte Yvonne Gilli (SG), en avril 2013, a tenté de remettre le sujet sous le feu des projecteurs. Elle demandait comment Berne comptait protéger les enfants et la population des risques de la lumière bleue. Sa demande a été balayée par le Conseil fédéral, arguant que ce risque n’était pas connu « de manière précise » et que la Suisse participait aux discussions internationales en cours à ce sujet.
En attendant des normes en la matière, la Dresse Behar-Cohen enjoint les fabricants d’adapter au plus vite cette technologie prometteuse, afin d’assurer un éclairage optimal et économique en toute sécurité.
Autres risques
La forte luminance (luminosité) des LED blanches, jusqu’à 1000 fois plus élevée que celles d’autres éclairages, peut aussi créer l’éblouissement et donc un risque d’accident accru. L’Anses a donc recommandé de diminuer les luminances des LED, notamment par des filtres à lumière bleue.
Par ailleurs, ces LED peuvent perturber les rythmes circadiens (veille – sommeil) provoquant des troubles du sommeil lors de l’exposition à ces lumières le soir, par exemple en utilisant des appareils munis de LED (ordinateurs, consoles de jeu, Smartphones, etc.).
Mesure de prévention
Pour l’heure, le consommateur ne peut donc que réduire les risques en évitant l’emploi des LED blanches ou en préférant celles à lumière chaude. Et, bien sûr, en ne regardant jamais directement une diode non protégée (par un verre, un abat-jour) et en s’en éloignant le plus possible. Mieux vaut ainsi les éviter comme lampe de chevet, veilleuse, etc. Par ailleurs, il existe des lunettes de protection contre la lumière bleue ainsi que des lunettes de soleil de conduite qui la filtrent. Un fabricant français de verres à lunettes propose depuis peu des verres optiques filtrant cette lumière bleue.
Pour en savoir plus:
Article issu de Planète Santé magazine - No 17 - Mars 2014