E-cigarette: quel impact sur nos poumons?

Dernière mise à jour 17/02/22 | Article
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En 2019, une étrange épidémie de pneumonie semait le trouble chez les utilisateurs de e-cigarette. Depuis, le calme semble revenu. Mais que sait-on vraiment des effets de la vapoteuse sur nos poumons?

E-cigarette: certaines précautions s’imposent

Tour d’horizon des recommandations clés pour limiter l’exposition aux substances nocives avec la Dre Isabelle Jacot Sadowski, responsable de l’Unité tabacologie d’Unisanté.

  • Utiliser un liquide conçu pour les cigarettes électroniques et homologué (norme «Afnor» par exemple).
  • Vérifier si le liquide est conforme aux directives européennes (flacon de 10 ml maximum, taux de nicotine ne dépassant pas 20 mg/ml.
  • Ne procéder à aucun mélange ou ajout de substance (huile, cannabis, etc.).
  • Opter pour un appareil homologué (norme CE).
  • Changer la résistance régulièrement. Toutes les trois semaines en moyenne ou si le goût devient désagréable.

Même si son souvenir semble avoir été balayé par la déferlante «Covid» survenue quelques mois plus tard, l’épidémie de pneumonie amorcée à l’été 2019 aux États-Unis a marqué l’esprit de nombreux vapoteurs. Et pour cause, l’affection pulmonaire en question, baptisée «Evali» (E-cigarette or vaping product use associated lung injury), a rapidement été reliée à l’utilisation de la e-cigarette. À ce jour: 2'807 cas recensés aux États-Unis, 68 décès, moins d’une dizaine de signalements en Europe. Le tout pour une épidémie qui s’est finalement éteinte en 2020. Mais que s’est-il passé ? «Tout porte à croire que la majorité des cas d’Evali a été causée par l’acétate de vitamine E, une substance huileuse retrouvée dans les poumons de plusieurs malades», indique la Dre Georgia Mitropoulou, médecin au Service de pneumologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et co-auteure d’une récente publication* sur le sujet. Les liquides des e-cigarettes qui ont alors pu être passés au crible d’analyses toxicologiques se sont en effet révélés non homologués et associés à des substances diverses, telles que le tétrahydrocannabinol (THC). Quant à la raison de la chute du nombre de cas? «Elle est sans doute directement liée à l’intensification des contrôles et au retrait du marché de produits contenant de l’acétate de vitamine E», rapporte la Dre Mitropoulou.

La e-cigarette est-elle pour autant lavée de tout soupçon? Il semble bien trop tôt pour le dire. «L’épidémie d’Evali a mis en lumière l’un des écueils des cigarettes électroniques: le fait que les produits ne soient pas suffisamment standardisés et contrôlés. Dès lors, les utilisateurs peuvent utiliser un vaste choix d’appareils et de liquides. Or ceux-ci sont en constante évolution et potentiellement non conformes à la réglementation qui, en Suisse, se réfère aux directives européennes, alerte la Dre Isabelle Jacot Sadowski, responsable de l’Unité tabacologie d’Unisanté à Lausanne. Or, chauffées puis inhalées, certaines substances peuvent s’avérer toxiques, notamment pour les poumons.» Ainsi, certaines molécules révèlent leurs méfaits de façon retentissante, comme dans le cas d’Evali, mais pour d’autres, le mystère reste entier. Et qu’en est-il des composants «de base» des liquides, que sont le propylène glycol, le glycérol, la nicotine et les arômes alimentaires? «Les études montrent que leur usage réduit considérablement l’exposition aux substances toxiques en comparaison du tabagisme», note l’experte. 

À peine vingt ans de recul

Reste que le vapotage est un phénomène encore récent. «Nous avons à peine vingt ans de recul, ce qui est peu pour évaluer les effets d’une telle pratique», souligne le Pr John-David Aubert, médecin au Service de pneumologie du CHUV et co-auteur de la récente publication* sur l’Evali. Avant de rappeler: «Aussi évidents soient-ils aujourd’hui, les méfaits de la cigarette sur la santé ont mis plus de soixante ans à être clairement démontrés.»

Mais les recherches sur la cigarette électronique se multiplient et les premiers constats apparaissent: «On ne peut affirmer aujourd’hui que le vapotage est anodin, poursuit l’expert. On sait par exemple qu’il engendre fréquemment de la toux, mais aussi parfois des maux de tête, une accélération du rythme cardiaque (en lien avec la nicotine). Certaines études menées en laboratoire évoquent également de possibles effets sur le système immunitaire, l’inhalation de particules ultrafines ou encore un impact sur la virulence de certaines bactéries.» 

Toutefois, un fait majeur semble faire l’unanimité: «Tout porte à croire que la cigarette électronique est bien moins néfaste que la cigarette classique ­– et les centaines de substances toxiques qu’elle contient – et qu’elle est une aide efficace au sevrage tabagique », souligne le Pr Jean-Paul Humair, directeur du Cipret (Centre d’information et prévention du tabagisme) à Genève.  

Alors, la cigarette électronique, une bonne idée pour arrêter de fumer? Cette question est au cœur de la vaste étude ESTxENDS** menée depuis 2019 par l’Université de Berne en collaboration avec Unisanté et les hôpitaux universitaires de Genève, Zurich et St-Gall. Son objectif? Évaluer l’efficacité, la sécurité et la toxicologie des vapoteuses avec nicotine pour faciliter l’arrêt du tabac. Les premiers résultats sont attendus cet été.

Jeune vapoteur = futur fumeur?

Arômes «barbapapa», «caramel» ou «mojito», appareils au choix discrets ou ultra-voyants, les dispositifs de vapotage rusent d’inventivité pour séduire les adolescents et cela fonctionne: chez les jeunes de 15 ans, 51 % des garçons et 35 % des filles ont déjà utilisé au moins une fois une cigarette électronique, des proportions plus élevées que pour la cigarette traditionnelle***. Trois périls majeurs inquiètent les spécialistes: les méfaits potentiels du vapotage sur les poumons des plus jeunes, l’exposition précoce et donc plus néfaste encore à la substance extrêmement addictive qu’est la nicotine, et le risque de passage vers le tabagisme classique. Sur ce point, les avis divergent: «Les études sur ce phénomène, particulièrement difficiles à mener, ne sont à ce jour pas unanimes, indique le Dr Jean-Paul Humair, directeur du Cipret. Certaines laissent entrevoir un facteur "protecteur", freinant l’entrée dans le tabagisme classique, mais rien n’est moins sûr.» En 2017, chez les 15-24 ans, la proportion de fumeurs atteignait 31,7 %. Des chiffres légèrement en baisse mais qui inquiètent. «Commencer à fumer jeune expose à des risques accrus de dépendance à la nicotine, d’asthme, mais met aussi en péril la santé et la capacité pulmonaire future», explique le Pr John-David Aubert, médecin au Service de pneumologie du CHUV. Et de détailler: «La capacité pulmonaire atteint son apogée vers 25 ans. Si le tabagisme débute avant, il entrave le phénomène de maturation et la capacité pulmonaire n'atteint pas le pic attendu.»

____________________

* Mitropoulou Georgia, Aubert John-David, Pneumopathie associée à l’utilisation des produits de ­e-cigarette ou au vapotage, Forum Med Suisse. 2021;21(4546):776-781

** www.unisante.ch/fr/formation-recherche/recherche/projets-etudes/estxends

*** Enquête réalisée en 2018 par Addiction Suisse

Paru dans Le Matin Dimanche le 13/02/2022

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