Mieux choisir sa consommation d’alcool
Pour la plupart d’entre nous, l’alcool n’est rien de plus qu’un plaisir que l’on s’accorde avec un bon repas ou sur une terrasse avec des amis. Mais que se passe-t-il lorsque ce n’est plus uniquement un plaisir, lorsqu’on le consomme pour ses effets: pour affronter des soucis personnels ou simplement pour «passer une bonne soirée»? C’est le moment de demander de l’aide. Aujourd’hui, plus besoin d’être «au fond du trou» pour changer ses habitudes. La tendance est à la consommation contrôlée. Georges-Alain Claret, intervenant en addictions à Addiction Valais nous explique ce qui a changé et comment demander de l’aide.
Planète santé: Faut-il être dépendant pour demander de l’aide?
Georges-Alain Claret: Non, car la perception des problèmes d’alcool a changé. Avant, la question était souvent considérée de manière dichotomique: soit on avait un grave problème, soit on n’en avait pas du tout. Aujourd’hui, on s’adresse aussi aux personnes non-dépendantes mais qui pourraient le devenir, car elles consomment de façon abusive de l’alcool. Le programme Alcochoix+ (voir encadré) va dans ce sens: il part du principe que le consommateur sait ce qui est bon pour lui et l’aide à décider de sa consommation avant que celle-ci ne décide pour lui.
Il peut donc y avoir consommation excessive sans dépendance?
Une boisson alcoolisée standard (10 grammes d’alcool pur) correspond à:
- 10 cl de vin (rouge ou blanc) à 12°
- 10 cl de champagne
- 25 cl de bière ou cidre à 5°
- 1 alcopop
- 2,5 cl d’alcool fort à 45° (whisky, gin, etc.)
Oui. On parle de consommation excessive lorsque celle-ci entraîne des comportements à risques tels que la conduite en état d’ébriété ou des rapports sexuels non protégés. Ou qu’elle est à l’origine de blessures, d’un sommeil de mauvaise qualité ou qu’elle a des conséquences (possibles ou avérées) sur le système cardiovasculaire, le foie, etc. La dépendance signifie la perte de maîtrise de la personne sur sa consommation. On ne parle donc pas d’une quantité d’alcool consommée, mais de l’incapacité d’une personne à ne pas en consommer.
Sera-t-on traité de la même manière, que l’on soit dépendant ou non?
Oui et non. Dans un cas comme dans l’autre, l’objectif de l’accompagnement visera à reconstruire ce qui a été détruit par la consommation d’alcool dans la vie de la personne, ou simplement d’atteindre le but souhaité. L’alcool aura pu affecter le réseau social, la situation professionnelle, les loisirs, la gestion de l’emploi du temps, etc. Par contre, le temps nécessaire pour y arriver, ainsi que le moyen seront probablement différents. Plus le problème de consommation est grand, plus les conséquences dans ces différents domaines de vie le seront également. Et plus il sera difficile de retrouver une vie normale sans passer par l’abstinence complète.
Être dépendant à l’alcool, est-ce la même chose que d’être dépendant à une autre substance, comme à une drogue?
L’alcool est une drogue légale. L’une des difficultés spécifiques de la consommation d’alcool est que celui-ci est extrêmement valorisé dans notre société. Apprécier une bonne bouteille de vin, une bière fraîche ou un digestif fait partie de notre culture. Pour beaucoup, c’est une source de plaisir souvent associée à des moments festifs sans que cela ne pose problème pour autant. Une personne qui souffre de sa consommation et a pris la décision de ne plus boire sera souvent sollicitée et parfois mal comprise par certains proches, même si cette décision découle de conséquences graves de l’alcool sur sa santé.
Sommes-nous tous égaux face à la dépendance à l’alcool?
Non. Hommes et femmes ne sont pas égaux par exemple. Les femmes sont plus vulnérables, puisqu’à poids égal, leur alcoolémie (le taux d’alcool dans le sang) est plus élevée que chez un homme. Il en est de même pour les personnes âgées. En prenant de l’âge, l’organisme élimine moins vite l’alcool. Comme pour toutes les maladies, des facteurs héréditaires et biologiques entrent aussi en compte. Ces facteurs ne suffisent pas à expliquer la dépendance, mais peuvent s’ajouter à des éléments de l’histoire personnelle, comme le fait d’avoir un parent alcoolique, pour augmenter les risques d’une dépendance.
Peut-on «guérir» d’une dépendance à l’alcool?
Non, mais on peut se rétablir, il s’agit d’une sorte de guérison partielle. On peut très bien se sortir d’un problème d’alcool. Au Québec, où est né Alcochoix+ (voir encadré), près de 90% des gens qui ont suivi le programme considèrent qu’il les a aidés à modifier leurs habitudes de consommation d’alcool de manière durable.
La dépendance laisse toutefois en général une emprunte définitive sur une personne qui en a souffert. Dans ce cas, le retour à un rapport «normal» à l’alcool peut être très compliqué. L’abstinence complète sera alors le seul moyen de revenir à une vie plus sereine.
Abstinence complète signifie-t-elle risques de rechute?
Le rapport à la rechute a beaucoup évolué. Le dérapage ou la rechute est de plus en plus considéré par les professionnels comme une règle plutôt qu’une exception. Dédramatiser la rechute permet de mieux la comprendre. Le patient pourra se sentir libre de parler d’un dérapage (reconsommation qui ne se transforme pas en rechute complète) ou d’une rechute (perte de maîtrise). Le rôle du professionnel sera d’analyser avec lui cet épisode afin de préparer les futures situations à risque.
L’apprentissage de la vie sans alcool peut être très difficile au début, mais l’est beaucoup moins avec le temps. L’arrêt de l’alcool permettra à la personne de se reconstruire dans tous les domaines de sa vie et cette reconstruction consolidera le choix d’abstinence petit à petit. On parle alors de sobriété.
Alcochoix: remettre le consommateur au centre
Alcochoix+ est un programme qui vise à redonner aux consommateurs la capacité de choisir où, quand, avec qui et quelle quantité d’alcool ils consomment. Il s’adresse aux personnes qui s’inquiètent des conséquences de leur consommation d’alcool et qui désirent modifier leurs habitudes. Le programme a donc également des visées préventives.
La méthode part du principe que le consommateur sait ce qui est bon pour lui et que l’expert est là pour l’accompagner dans sa démarche. Chaque geste, même discret, allant dans le sens d’une diminution des risques associés à la consommation d’alcool est considéré comme bénéfique et encouragé.
L’accompagnant va donc aider le consommateur à fixer lui-même ses objectifs de consommation à long terme. La méthode va également lui fournir des outils stratégiques pour aider à les atteindre, de même que des clés pour augmenter sa confiance en soi.
Plusieurs institutions et cabinets médicaux privés proposent le programme dans toute la Suisse romande. La plupart des institutions le font à un prix symbolique, voire gratuitement. Par ailleurs, il est remboursé par l’assurance maladie de base. Pour trouver un cabinet proche de chez soi : www.alcochoix.ch
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