L’intoxication massive d’alcool, symptôme de désarroi
Homme de 40 à 45 ans, célibataire, séparé ou divorcé, sans emploi ou chômeur, le profil type de la personne prise en charge aux urgences pour intoxication massive d’alcool ne correspond pas à celui du jeune fêtard, selon une étude menée au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) en 2008. Cette année-là, 411 personnes sont arrivées aux urgences du CHUV avec un taux d’alcoolémie supérieur ou égal à 3‰, seuil fixé par l’étude pour définir une intoxication massive d’alcool. Sur ces 411 admissions, un cas sur cinq, soit 83 admissions et 73 patients (certains ont été admis à plusieurs reprises), a été retenu dans l’étude qui s’est fixée comme objectif de considérer les aspects sociodémographiques, médicaux ainsi que la prise en charge des patients.
La crise de la quarantaine
Les résultats sont clairs: près de 80% des patients sont des hommes, 56,6% ont entre 40 et 59 ans (avec un pic de 41 à 45 ans), plus de 70% sont célibataires, séparés ou divorcés et la majorité est sans emploi ou au chômage. 45,8% sont Suisses, 38,6% Européens et 15,7% viennent d’un autre continent. Plus de la moitié des patients sont arrivés à l’hôpital en ambulance, le motif de recours le plus fréquent est l’intoxication alcoolique, suivie des traumatismes et des symptômes neurologiques. La plupart n’ont développé aucune complication; parmi celles qui ont surgi, figurent l’agitation, des tremblements et des problèmes respiratoires. Une petite moitié a présenté des troubles psychiatriques par le passé et une grande majorité était déjà connue pour être alcoolique. La plupart des patients sont arrivés dans la soirée ou la nuit. Ils restent en moyenne 20 heures à l’hôpital avant de rentrer, pour la plupart, directement à leur domicile.
D’autres études confirment que les hommes d’une quarantaine d’années sont plus souvent admis pour une intoxication alcoolique que les autres et ont tendance à revenir pour le même motif. Cette prédominance peut s’expliquer par une plus grande population dans la pyramide des âges, mais aussi par un comportement de consommation différent. Les adolescents ont par exemple tendance à boire de grosses quantités en une fois, notamment le week-end et les jours de fête, tandis que les adultes boivent plutôt sur le long terme. Les jeunes, moins tolérants aux effets de l’alcool, sont également plus susceptibles de développer des troubles du comportement qui les conduiront au poste de police plutôt qu’aux urgences. L’étude du CHUV, en révélant la précarité, sociale et émotionnelle, des gros buveurs, confirme les résultats d’une enquête menée aux Etats-Unis. Cette dernière recense comme personnes alcooliques une majorité de Noirs, sans assurance, fumeurs et dépressifs.
Le désarroi peut encourager les personnes à boire davantage, mais l’alcool peut également être à l’origine de leur situation. Les personnes présentant un syndrome de dépendance à l’alcool ont par exemple un risque plus élevé que la population générale de présenter des symptômes psychiatriques. L’alcool lui-même peut induire des troubles psychiatriques, mais il est souvent difficile de savoir lequel apparaît en premier.
Plus d’un cas par jour
La consommation globale d’alcool par habitant en Suisse a diminué ces dernières années (pour atteindre 10,2 litres d’alcool pur par habitant et par an, dès 15 ans, en 2008), mais les cas d’intoxication massive semblent, eux, en nette augmentation, selon les observations des responsables des services d’urgences et des médias. En 2008, 34’245 adultes ont été admis aux urgences du CHUV. Parmi ceux dont on a vérifié le taux d’alcoolémie, 1729 ont présenté un dosage positif. Parmi eux, 411 personnes présentaient un taux d’alcoolémie massive (supérieur ou égal à 3‰), ce qui représente 23,8% de tous les dosages positifs et 1,2% des admissions totales. Autrement dit, plus d’un patient intoxiqué massivement par l’alcool arrive aux urgences du CHUV chaque jour.
Ces cas engendrent des coûts importants pour la société, eux qui nécessitent de nombreux moyens diagnostiques et thérapeutiques en milieu hospitalier et représentent une charge de travail supplémentaire pour les services d’urgences. La plupart des diagnostics de sortie sont pourtant bénins, les complications rares et la majorité des traumatismes sans gravité. Pour réduire les coûts et décharger les services d’urgences, l’aménagement de centres de dégrisement, capables de distinguer les cas bénins des autres et prenant en charge les problèmes psychosociaux, pourrait être une option à étudier pour le futur.
Références
Adapté de « Intoxications alcooliques massives aux urgences: combien, qui, quoi et comment ? », P. Neves, Université de Lausanne, Dr N. Neuffer, Pr B. Yersin, Département des centres interdisciplinaires et logistique médicale, CHUV, in Revue médicale suisse 2011; 7: 1445-9, en collaboration avec les auteurs.
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