Consommation d’alcool: la pente de la dépendance
«Trop, c’est combien?» Cette question est souvent posée au Dr Thierry Favrod-Coune, médecin adjoint à l’unité des dépendances de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Parce que boire un verre d’alcool apporte du plaisir, est bien vu en société et a même des effets bénéfiques sur la santé, mais qu’en est-il ensuite? «On place des jalons dans la consommation d’une substance: modérée, excessive, ou avec une dépendance. Mais cela ne se fait pas d’un coup. La problématique est insidieuse. Elle s’installe par la bande, tranquillement: un peu de perte de contrôle, moins de performance au travail, des conflits conjugaux, etc.», répond l’alcoologue.
En Europe occidentale, le tableau demeure assez stable avec environ 15% d’abstinents, 60% de consommateurs modérés, 15% d’excessifs et 5% de dépendants. En Suisse, on estime que cette dernière catégorie rassemble plus de 250 000 personnes, «dont au moins les trois quarts ne sont pas pris en charge par un médecin», précise le Dr Favrod-Coune.
De l’excessif à la dépendance
Selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé, les buveurs excessifs prennent plus de trois verres (deux pour les femmes) par jour ou ne s’abstiennent pas de boire au moins un jour par semaine. Ces personnes sont à risque de développer une maladie cardiovasculaire, de l’hypertension, un cancer, une cirrhose, des problèmes comportementaux ou psychiques (anxiété, trouble du sommeil, dépression) et de devenir accros souvent lors d’une difficulté (perte d’emploi, deuil). «Elles ont souvent peu conscience qu’elles boivent plus que les recommandations. Pourtant, ce serait le bon moment pour elles de réduire plutôt que d’attendre quelques années lorsqu’elles auront peut-être glissé vers la dépendance», explique le Dr Favrod-Coune.
Il existe six critères pour la dépendance:
- l’envie compulsive de boire;
- l’augmentation des doses pour avoir le même effet (tolérance);
- le manque à l’arrêt (sevrage);
- la perte de contrôle (boire plus et plus souvent que prévu);
- la poursuite malgré les effets négatifs ;
- la diminution des activités habituelles au profit de la consommation.
«Le diagnostic est posé si trois de ces six critères ont été constatés durant un mois lors de la dernière année. La majorité de ces personnes nient pendant longtemps leur problème, mènent tant bien que mal leur vie et consultent tardivement avec des atteintes à la santé, parfois même une désinsertion totale», détaille l’alcoologue.
Trois piliers du traitement
Tant pour le buveur excessif que pour l’alcoolodépendant, le traitement repose sur trois piliers. En premier lieu, un suivi psychologique avec des entretiens motivationnels où le patient détermine ses objectifs et une thérapie cognitivo-comportementale afin de repérer les situations à risque. Deuxièmement, une approche globale visant à reconstruire l’aspect psychosocial des personnes, en rendant le cadre de vie favorable à la guérison. Enfin, la prise de médicaments qui diminuent l’envie de boire.
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