Dépistage VIH: des tests à domicile trop faciles d’accès et dangereux

Dernière mise à jour 15/01/14 | Article
Dépistage VIH : des tests à domicile trop faciles d’accès et dangereux
En Suisse, la vente aux particuliers de matériel de diagnostic de maladies transmissibles n’est pas autorisée. Pour autant, les sites internet n’en tiennent nullement compte. Enquête.

Avec l’avènement d’internet, les sites qui commercialisent des autodiagnostics médicaux (glycémie, cholestérol, infection urinaire, etc.) suscitent un réel engouement auprès du grand public, qui n’a plus besoin de sortir de chez lui. Une partie des autorités européennes s’en méfie, en particulier en ce qui concerne les autotests de dépistage du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), émettant des réserves aussi bien sur leur fiabilité qu’en matière de santé publique, voire éthique. Comme laisser une personne découvrir seule qu’elle serait séropositive… Pis: il pourrait s’agir d’un résultat erroné, car effectué, par exemple, trop tôt!

L’OFSP très sceptique

La FDA, l’Agence américaine des médicaments, a autorisé en juillet 2012 la vente dans les pharmacies d’un autotest salivaire nommé OraQuick in-Home, déjà en vente libre sur le web. Pour son fabricant, OraSure Technologies, ce produit permet de détecter la présence du VIH dans 92% des cas. En revanche, toujours selon ce dernier, l’autotest est fiable à 99% lorsque la personne est séronégative. Des chiffres sur lesquels l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) émet de gros doutes, insistant sur la nécessité de conseils et d’encadrement professionnels en Suisse. Un avis partagé par la Commission fédérale pour la santé sexuelle, qui s’est prononcée le 13 mars à ce sujet. Car, dans notre pays, cette pratique n’est pas autorisée, aussi bien sur internet que via les officines. Reste que les sites dédiés à ce business pullulent, basés le plus souvent outre-Atlantique, en Asie, en Ukraine, en Allemagne ou en Grande-Bretagne. La FRC (Fédération romande des consommateurs), en partenariat avec l’OFSP, a voulu vérifier si un client suisse pouvait se procurer aisément un autotest VIH. Pour ce faire, huit de nos enquêteurs bénévoles ont joué les clients lambda et commandé à double ces produits sur une vingtaine de sites (en français, en anglais, en allemand et en italien) durant la période du 15 décembre 2012 au 11 janvier 2013. Le résultat est sans appel: sur les 40 commandes, 33 kits d’autodiagnostic ont été livrés, soit 82,5% de l’échantillon!

Pas de nationalité sur le net

Pour les sept produits manquant à l’appel, ce n’est aucunement la nationalité suisse du client qui a freiné le e-commerçant. Cinq commandes ont bien été encaissées par les sites, mais les colis ne sont jamais arrivés à destination, pour des raisons inconnues. Les demandes des enquêteurs sont restées lettre électronique morte. Enfin, deux commandes ont été impossibles à enregistrer sur le même site ukrainien. De nouveau, il ne s’agissait pas du passeport rouge à croix blanche qui posait un cas de conscience quelconque, mais tout bêtement un problème technique lié aux moyens de paiement. En conclusion, aucun des vingt sites sélectionnés par notre enquête n’a eu cure de respecter l’interdiction de livrer à un client privé suisse un autotest de dépistage VIH.

La FRC riposte

La situation que nous avons découverte est totalement inacceptable, s’agissant d’un problème aussi sensible de santé publique. Pour faire bouger les choses, la FRC va transmettre aux autorités douanières helvétiques le rapport d’enquête détaillé et le nom des entreprises qui ont fourni les autodiagnostics interdits, afin de les sensibiliser au problème et de leur permettre d’intercepter les envois à l’avenir.

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