Le désir, ça se travaille
L’été attise les sens et stimule la libido. Et ce n’est pas une idée reçue. Avec la belle saison, notre environnement change et nous y réagissons. Le surcroît de luminosité influence positivement l’humeur. Des études ont même montré que certaines personnes augmentent leur activité sexuelle si elles se rendent dans une région au climat plus ensoleillé.
Autre phénomène typiquement estival: chacun s’habille plus légèrement, ce qui produit une stimulation visuelle certaine. De même, «l’accès aux odeurs des autres est plus important, explique Francesco Bianchi-Demicheli, médecin spécialiste en sexologie aux Hôpitaux universitaires de Genève. C’est un élément mal connu mais essentiel de la mécanique du désir.»
Enfin, les beaux jours correspondent souvent à une période de vacances, où, débarrassé des soucis quotidiens, on a le loisir de se faire plaisir. Même si l’inverse peut aussi arriver, rappelle le Dr Bianchi-Demicheli: «Dans certains couples, se retrouver en tête-à-tête peut être problématique… »
Bonheur, repos et un peu de sport
HUMEUR - Plus heureux
Des sociologues du Colorado ont suivi 15’000 personnes pendant plus de dix ans jusqu’en 2006. Celles-ci devaient décrire leur vie et leur niveau de bonheur. Les personnes faisant l’amour deux à trois fois par mois étaient 33% plus enclines à se déclarer heureuses que celles qui n’avaient pas eu de relation sexuelle dans l’année écoulée.
HYGIÈNE DE VIE - Sommeil propice
Le résultat semble trivial mais il n’en est pas moins intéressant: si l’on dort davantage, on est plus porté à faire l’amour. C’est ce qu’ont montré des chercheurs du Michigan en se basant sur les pointages quotidiens de 171 étudiantes. Dans cette population, accroître la durée du sommeil d’une heure augmentait de 14% les chances d’avoir un rapport sexuel avec un partenaire dans la journée qui suivait.
ACTIVITÉ PHYSIQUE Combien de calories?
Au fait, une relation sexuelle, est-ce vraiment de l’exercice physique? Des chercheurs québécois ont voulu le mesurer et ont pour cela recruté 21 couples. Ils leur ont fait porter un brassard dans lequel un accéléromètre permettait de mesurer l’énergie dépensée dans leurs ébats. Résultat: un rapport exige en moyenne 69 calories chez les femmes et 101 calories chez les hommes. C’est davantage que la marche mais moins que la course.
Communiquer l’envie
Dans un couple établi, l’arrivée de l’été ne suffit pas toujours à ranimer la flamme. Le sexologue insiste: «Une relation n’est pas quelque chose d’acquis: et c’est aussi vrai sur le plan sexuel. Il faut s’occuper du désir, le nourrir. Et il poursuit: Il existe en fait deux types de désirs, le désir spontané qui surgit de lui-même, subitement et sans raison apparente, et le désir évoqué qui apparaît en réaction à une sollicitation. Or, chez une femme en couple hétérosexuel, le désir spontané a tendance à diminuer avec le temps tandis que le désir évoqué se maintient. L’homme peut alors croire qu’il n’est plus désiré même si ce n’est pas le cas.» Et c’est sans compter tous les autres facteurs qui influencent négativement le désir sur la durée (lire encadré).
Alors, que faire pour réanimer le désir? D’abord, créer des conditions pour qu’il puisse se déployer. Par exemple, sortir à deux «plutôt que rester chez soi à faire toujours la même chose». Mais il importe d’aller plus loin aussi, et de s’engager vis-à-vis de l’autre, insiste le médecin: «Il faut des changements significatifs et qui durent dans le temps.» Il est aussi important de communiquer à ce sujet. «Les couples qui «fonctionnent» sexuellement explorent et retiennent ce qui leur convient, remarque le Dr Bianchi-Demicheli. La capacité d’adaptation est l’une des clés d’un couple qui «marche» sur ce plan.»
Ces riens tue-l’amour
Changement
Dans un couple établi, plusieurs facteurs peuvent faire varier le désir. Les grandes étapes de la vie comme le mariage, une naissance ou le départ des enfants ont souvent un effet temporaire sur la sexualité. Mais dans certains cas, cet effet peut se prolonger. Les conflits entre partenaires, évidemment, n’incitent pas non plus à la bagatelle. Au niveau personnel, une maladie somatique ou psychique peut détourner des ébats. La ménopause également, alors que son traitement hormonal a parfois l’effet inverse.
Le travail
Les éléments logistiques ne sont pas non plus à sous-estimer: les horaires de travail peuvent ainsi empiéter sur des moments qui pourraient être dévolus au couple. De même, des appartements étriqués aux murs trop fins, des enfants à proximité et des voisins atrabilaires ont tendance à inhiber la sexualité. «Il faut un espace vital pour que le désir se déploie», résume le Dr Bianchi-Demicheli. Une situation de chômage ou des difficultés économiques importantes sont aussi liées à une baisse de la libido. Dans la plupart de ces cas, le désir ne baisse que provisoirement. Mais lorsque les difficultés sexuelles persistent et deviennent chroniques, il faut consulter, explique le sexologue. Qui préconise de s’adresser en premier lieu à son médecin généraliste.
Le jeu en vaut la chandelle
La sensualité passe également par le toucher: il s’agit de maintenir une communication tactile, des caresses (pas forcément équivoques), des baisers. Autant de signes de disponibilité et d’ouverture. C’est aussi une question d’attitude: «Occupez-vous de l’autre, soyez généreux», recommande le spécialiste. Autre élément capable d’attiser le désir: la surprise. Chez la plupart des gens, elle est un levier puissant d’excitation.
Enfin, de manière très simple, faire attention à son apparence a un impact sur le désir que l’on inspire. «Un partenaire qui s’est fait beau pour vous n’évoque pas les mêmes sentiments que le même partenaire en pantalon usé et chaussettes trouées, remarque le Dr Bianchi-Demicheli. C’est peut-être banal, certes, mais le laisser-aller peut construire une image difficile à changer. Dans tous les cas, il ne valorise pas le partenaire.»
Tout cela suffit-il? Non, «le désir est une fonction complexe dont les variables sont plus subtiles que ce que l’on pense», résume le sexologue. Mais le maintenir vivant est un jeu qui en vaut la chandelle. «La sexualité ne se réduit pas à une pulsion physiologique. C’est aussi une recherche de soi, un monde inédit et à explorer en termes émotionnels, sensoriels et spirituels.»