Revivre après un cancer
Des mois, parfois des années de galère, et la bonne nouvelle arrive enfin : le traitement est terminé, vous êtes en rémission. Les rendez-vous avec les médecins s’espacent, vos proches sont heureux pour vous, le quotidien reprend ses droits. Si certaines personnes considèrent alors leur maladie comme une étape positive qui les a renforcés, pour beaucoup d’autres, la réalité est bien différente. Un cancer laisse des marques, parfois physiques, parfois psychologiques, et il faut apprendre à vivre avec. D’après la Dre Diane Hebert, médecin chef en oncologie au Groupement Hospitalier de l’Ouest Lémanique (GHOL), «certains symptômes dus au traitement peuvent perdurer pendant des années encore et de nombreuses personnes supportent moins bien le stress et la pression».
Quelques conseils pour mieux revivre
En parler
Une fois qu’on est guéri, difficile d’avouer à ses proches qu’on ne se sent pas bien psychologiquement. Pourtant, parler de ses inquiétudes reste la plupart du temps la meilleure manière d’accepter une situation. «Il ne faut pas hésiter à discuter ouvertement de ses soucis avec son partenaire et le personnel soignant», rassure le Pr Pierre-Yves Dietrich. «Car prendre conscience de la problématique, c’est déjà un début de solution». Les employeurs sont également encouragés à nouer le dialogue et envisager des adaptations du rythme de travail.
Rester actif
Pendant le traitement, les patients sont encouragés à continuer de faire des projets et surtout rester actifs physiquement. Des conseils qui sont aussi valables pendant la période de rémission. En effet, l’activité physique stimule les endorphines et aide à lutter contre la dépression. D’ailleurs, on constate que le taux de survie est meilleur chez les patients atteints de cancer qui restent actifs.
Réapprivoiser sa sexualité
Pas toujours facile, après un cancer, de renouer avec sa sexualité. Le corps mais aussi la vision de la vie et du couple ont souvent changé. De plus, certains traitements hormonaux, qui doivent parfois être pris pendant des années après la chimiothérapie, perturbent l’équilibre hormonal. Cela peut donc entraîner une importante baisse de la libido. Difficile, dans ces conditions, de retrouver une sexualité totalement épanouie. Il ne faut donc pas hésiter à en parler au personnel soignant ou à s’adresser à un sexologue.
Alors que la période de traitement est très chargée, rythmée par de nombreux rendez-vous médicaux, celle de rémission fait place au calme et à la solitude. L’estime et l’image de soi peuvent alors être mises à mal. «Pendant cette période de transition, les patients ont du temps pour réfléchir, les angoisses reviennent et les dépressions sont fréquentes», explique la Dre Hebert. Il est donc important de bien préparer son retour dans la vie active.
Une réinsertion professionnelle compliquée
Se battre contre un cancer, c’est aussi faire face à un mur administratif. Les institutions regardent différemment une personne qui a été gravement malade et les assurances perte de gain ont tendance à émettre des réserves. En outre, réintégrer son activité professionnelle peut faire surgir de nouvelles difficultés. Pour le Pr Pierre-Yves Dietrich, médecin chef du service d’oncologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), «le monde du travail est cruel. Dans un système à flux tendu, on n’accepte pas la baisse de performance». Pourtant, après un cancer, il est parfois difficile d’atteindre la même efficacité qu’auparavant. Si beaucoup d’entreprises font des efforts pour soutenir leurs employés, la sensation de dévalorisation est difficile à vivre.
L’employeur doit lui aussi faire face à une situation compliquée, ne sachant pas toujours comment s’adapter à ces changements. La peur de la rechute est notamment présente dans les esprits. «Je me souviens d’une patiente qui parlait systématiquement de son cancer pendant les entretiens d’embauche», témoigne la Dre Hebert. «Elle n’a jamais été engagée, jusqu’au jour où elle a décidé de passer cette partie de sa vie sous silence pendant l’entrevue». Même si les employeurs ne le reconnaissent pas toujours, la maladie au travail reste encore souvent un sujet tabou.
Un problème de société
Les récentes avancées de la médecine en matière de traitement du cancer ont donc des conséquences sur la réinsertion professionnelle et sociale des personnes guéries. «C’est maintenant la société qui doit réagir, s’adapter et construire de nouveaux modes relationnels», analyse le Pr Dietrich. La question de l’intégration des différences sur le lieu de travail est aujourd’hui au cœur de la problématique. De plus en plus de patients guérissent, les entreprises doivent donc prendre en compte les capacités individuelles de leurs employés, modifiées par l’épreuve de la maladie.
Les services médicaux ont également leur rôle à jouer. Pour le Pr Pierre-Yves Dietrich, «nous devons nous soucier de l’avenir de nos patients, même une fois qu’ils sont guéris. Nous devons aussi témoigner, car les changements rapides initiés par les progrès de la médecine doivent être urgemment intégrés par notre société. Il est nécessaire que les entreprises participent à cette réflexion». Car pour beaucoup de ces patients, pouvoir reprendre le travail, c’est aussi reprendre la vie.
Et quand il faut vivre avec…
Si aujourd’hui de nombreuses personnes guérissent de leur cancer, d’autres n’ont pas cette chance. En effet, environ un tiers des malades vivront des mois, voire des années avec leur cancer. Une population qui va sans doute fortement augmenter au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux traitements. Or, pour ces patients, l’équilibre socio-professionnel est particulièrement compliqué à reconstruire. Lors des périodes de traitement, ils sont régulièrement dans l’incapacité physique de travailler. En revanche, le reste du temps, le personnel soignant les encourage à pratiquer leur métier. Rester actif et avoir des projets est primordial pour la santé psychologique.
Face à cela, les entreprises, qui doivent jongler avec les compensations financières, peuvent être démunies. «Cette situation intermédiaire est bien souvent incompatible avec le fonctionnement de notre société, tournée vers la performance», explique le Pr Pierre-Yves Dietrich. Face à l’importante augmentation du nombre de patients dans ce cas, la problématique n’a pas fini de faire parler d’elle.
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Cancer de la vésicule et des voies biliaires
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 310 nouveaux cas de cancer de la vésicule ou des voies biliaires. Le cancer de la vésicule biliaire touche un peu plus souvent les femmes (53 %) que les hommes (47 %). Il survient presque exclusivement à un âge avancé : deux tiers des patients ont 70 ans et plus au moment du diagnostic.
Myélome multiple (plasmocytome)
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 560 nouveaux cas de myélome multiple (plasmocytome), ce qui représente environ 1 % de toutes les maladies cancéreuses.
Cancer de la thyroïde
Chaque année en Suisse, près de 600 personnes développent un cancer de la thyroïde, ce qui correspond à presque 2% de toutes les maladies cancéreuses.