Quand nos yeux vieillissent
Miser sur les bons réflexes
À l’instar de nos artères et de notre organisme dans son ensemble, les yeux profitent d’une hygiène de vie saine. Parmi les bonnes résolutions:
- Adopter une alimentation de type méditerranéenne, riche en légumes, fruits, oléagineux (noix, amandes), céréales complètes et huile d’olive; modérée en poisson et volaille; et faible en produits laitiers, viande rouge, viandes transformées et sucreries.
- Adopter une activité physique régulière (150 minutes d’activité physique modérée réparties sur la semaine).
- Éviter le tabagisme.
En partie inéluctables, les signes de vieillissement de nos yeux peuvent être subtils et s’installer progressivement. Mais certaines pathologies liées à l’âge sont loin d’être anodines et une prise en charge s’impose en cas de symptômes – que les changements de vision soient progressifs ou soudains – ou d’antécédents familiaux de maladies ophtalmologiques liées à l’âge. Tour d’horizon de quatre d’entre elles, avec le Pr Thomas J. Wolfensberger, directeur médical de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, à Lausanne.
Presbytie: l’incontournable dès 45-50 ans
Indispensable à la vision de près, le cristallin –sorte de lentille transparente située à l’arrière de l’iris– modifie sa courbure pour permettre aux rayons lumineux de converger correctement sur la rétine (on parle d’accommodation). Le problème: avec le temps, le cristallin perd progressivement cette capacité de faire la «mise au point» et les images se forment en arrière de la rétine. La vision de près devient floue. Si certaines personnes conservent une capacité d’accommodation durant quelques années, celle-ci devient impossible à partir de 60 ans en moyenne. Plusieurs approches sont envisageables lorsque la presbytie est confirmée: lunettes ou lentilles de contact adaptées ou encore recours à la chirurgie (chirurgie laser pour modifier la courbure de la cornée par laquelle passent les rayons lumineux ou pose d’implant pour remplacer le cristallin).
- Les symptômes à surveiller: une difficulté à voir de près. Lors des prémices de la presbytie, la gêne est surtout marquée dans les environnements sombres.
Cataracte: quasi inéluctable à l’âge de la retraite
Au fil du temps, le cristallin perd donc sa capacité de courbure mais aussi sa transparence. Il peine à remplir sa capacité à faire converger les rayons lumineux sur la rétine. Selon l’endroit du cristallin touché par l’opacification, c’est la vision de loin qui est d’abord affectée (si le phénomène se produit en périphérie du cristallin) ou celle de près (si l’opacification se situe au centre). Le degré de gêne ressentie dépend des atteintes visuelles en jeu ainsi que des activités menées. Mais le processus évolue et la perte de vision s’accentue irrémédiablement, nécessitant tôt ou tard une prise en charge médicale. Le traitement proposé repose alors sur la pose d’un implant visant à remplacer le cristallin devenu opaque et rigide. Le plus souvent, l’intervention chirurgicale se déroule en ambulatoire sous anesthésie locale.
- Les symptômes à surveiller: une baisse de vision (de près ou de loin), une sensibilité accrue à la lumière, une sensation d’éblouissement (lors de la conduite par exemple).
DMLA: en partie génétique, mais pas uniquement
Touchant environ 10% des personnes de plus de 65 ans, la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) est une atteinte de la macula, zone centrale de la rétine indispensable à la vision de près. D’origine génétique ou liée à des facteurs de risque comme le surpoids ou le tabagisme, la DMLA présente deux formes. La première, dite «sèche» (ou atrophique), est liée à une dégénérescence des cellules de la macula. Son évolution est lente, mais elle est à ce jour incurable. Des études explorent toutefois la piste de compléments alimentaires spécifiques pour freiner les dommages qu’elle produit. La seconde, forme dite «humide» (ou exsudative), évolue beaucoup plus dangereusement et rapidement (en quelques jours ou semaines). Elle est liée à la prolifération de vaisseaux sanguins anormaux. Des traitements médicaux existent sous forme d'injections dans l’œil atteint afin de freiner la maladie, voire rétablir une partie de la vision perdue.
- Les symptômes à surveiller: l’impression que des lignes observées sont déformées, de «tâches» dans le champ visuel central ou encore le besoin accru de lumière pour lire.
Glaucome: l’importance du dépistage
Si plusieurs formes de glaucome existent, la plus fréquente, appelée «glaucome à angle ouvert», voit son risque d’apparaître augmenter avec le temps. Lié à un défaut de drainage de l’humeur aqueuse circulant dans le globe oculaire, ce glaucome témoigne d’une pression trop importante dans l’œil occasionnant une destruction progressive du nerf optique. Le plus souvent, la maladie évolue sur plusieurs années sans donner lieu à des symptômes. D’où l’importance d’un dépistage dès l’âge de 40 ans pour vérifier la pression oculaire. Sans traitement, le glaucome expose à la cécité de l’œil atteint. Si la maladie ne se soigne pas, elle peut être ralentie par des traitements adaptés (collyres spécifiques, intervention au laser ou acte chirurgical selon les cas).
- Les symptômes à surveiller: l’impression d’«angles morts», sortes de zones non visibles au niveau du champ visuel périphérique, faisant rater des marches d’escalier ou des mots écrits sur une page par exemple.
Diabète, hypertension: attention les yeux!
Elles ont en commun de s’installer d’abord très discrètement en faisant des ravages en divers points du corps, y compris au niveau des yeux: coup de projecteur sur deux maladies à surveiller de près.
Le diabète: associé à des taux de sucre dans le sang (glycémie) régulièrement trop élevés, le diabète (de type 1 comme de type 2) fragilise les veines et artères de l’organisme. Au fil du temps et en l’absence de traitement adapté, ce phénomène affecte divers organes, y compris les yeux eux-mêmes. Une complication est alors particulièrement à craindre: la rétinopathie diabétique. Non prise en charge, elle peut conduire à une importante baisse de vision, voire à la cécité. D’où l’importance, en cas de diabète, d’un dépistage régulier chez l’ophtalmologue (au moins une fois par an ou plus fréquemment encore selon les indications du spécialiste).
L’hypertension artérielle: se caractérisant par des valeurs de pression trop élevées (supérieures ou égales à 140/90 mm Hg à plusieurs reprises lors des mesures effectuées au cabinet médical), l’hypertension artérielle met à rude épreuve le système sanguin ainsi que de nombreux organes irrigués par ces pressions trop élevées. Pour les yeux, les conséquences peuvent être redoutables, sans donner lieu à des symptômes immédiats. En cas de diagnostic d’hypertension artérielle, un bilan global s’impose, y compris au niveau ophtalmologique pour écarter toute souffrance oculaire.
À noter que d’autres pathologies en apparence sans lien avec la santé visuelle peuvent impacter les yeux. Il s’agit notamment de maladies endocrinologiques (dysfonctionnement de la thyroïde par exemple), rhumatologiques, inflammatoires ou neurologiques. Autant d’atteintes justifiant une vigilance accrue, y compris donc au travers d’un bilan chez l’ophtalmologue.
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Paru dans le hors-série «Votre santé», La Côte/Le Nouvelliste, Novembre 2023.