Remèdes de grand-mère efficaces contre la toux?
La recette, parfois secrète, se transmet de génération en génération. Gargarismes et autres infusions sont préparés pour calmer la toux et les maux de gorge, et la plupart de ces remèdes dits de grand-mère soulageraient bel et bien. Pourtant, il reste très rare qu’un médecin de famille les recommande.
Est-ce par manque de connaissances sur ces traitements non pharmacologiques que les professionnels de la santé ne les conseillent pas? Ou parce qu’ils considèrent qu’ils ne sont pas efficaces? «Pour les remèdes de grand-mère, nous possédons quelques preuves d’une efficacité, mais modérée, décrit le Dr Hubert Maisonneuve, médecin de famille, chercheur et Privat Docent à l’Université de Genève. Cette efficacité reste tout de même comparable, voire supérieure à celle de la plupart des médicaments vendus en pharmacie.»
Quand s’inquiéter et consulter?
La durée moyenne d’un épisode de toux après une infection respiratoire est de deux à six semaines. «La toux est un mécanisme de défense, rappelle la Pre Anne Bergeron, médecin-cheffe du Service de pneumologie des HUG. Elle n’est la plupart du temps pas grave mais il est important d’en connaître la cause quand elle perdure.» Ses causes sont multiples: un reflux gastro-œsophagien, un asthme, une sinusite, un rhume par exemple… Une toux qui dure n’est toutefois pas toujours synonyme de gravité. «Deux infections peuvent se succéder ou une atteinte virale peut se cumuler à une allergie, illustre le Dr Hubert Maisonneuve, médecin de famille. C’est davantage l’aggravation qu’il faut surveiller.» Et lorsque la toux devient chronique, c’est-à-dire qu’elle dure depuis plus de huit semaines et reste sans cause clairement identifiée, il devient important de prendre rendez-vous chez son médecin. «Un examen complet est alors nécessaire pour comprendre ce qui se passe et en traiter la cause, explique la Pre Bergeron.Il ne faut pas se précipiter mais il ne faut pas non plus hésiter à consulter dès que la toux devient chronique.»
Côté patients, les remèdes de grand-mère sont largement plébiscités. Ainsi, dans le cadre d’un projet de recherche de l’Institut universitaire de médecine de famille et de l’enfance de la Faculté de médecine de Genève, environ 90% des utilisateurs interrogés les jugeaient efficaces. «Les bienfaits obtenus par les traitements non pharmacologiques peuvent être apportés par le produit lui-même ou par le fait qu’en le prenant, les personnes prennent soin d’elles, ce qui leur est bénéfique», suggère le médecin-chercheur.
Cinq remèdes adoptés
Les cinq remèdes les plus fréquemment utilisés pour lutter contre la toux et les maux de gorge sont le thym en infusion, le citron, le thé, le lait chaud et le miel, ce dernier étant le plus souvent cité. En infusion et associé au citron, le miel est d’ailleurs recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour soulager les maux de gorge chez l’enfant. Il possède une activité antimicrobienne notable, ce qui expliquerait en partie son intérêt. De plus, en tapissant le pharynx, il diminuerait la douleur et l’irritation. Quant au thym, il permettrait de calmer l’inflammation.
A priori aucune raison de s’en priver
Scientifiquement validés ou non, ces remèdes naturels jugés efficaces par certains sont-ils fiables en cas de toux? «Les recettes de grand-mère sont à mon avis des solutions intéressantes, à essayer, souligne le médecin de famille, sans toutefois perdre de vue les quelques précautions à prendre», notamment lors de l’utilisation d’eau bouillante (lire encadré). D’autant plus que ces produits n’ont que de très rares effets secondaires. «Lorsque la cause de la toux est clairement identifiée, le plus souvent dans le contexte d’un rhume, les remèdes de grand-mère peuvent avoir leur place, estime pour sa part la Pre Anne Bergeron, médecin-cheffe du Service de pneumologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), à condition de réussir à se dire que, si ce remède ne fonctionne pas, il est nécessaire de consulter.Il ne faut pas prendre du miel durant plusieurs semaines et ne rien faire d’autre si la toux persiste.»
En discuter avec son médecin?
Les personnes convaincues de l’intérêt de leur remède de grand-mère n’en parlent généralement pas à leur médecin, souvent de peur d’être jugées. «Je crois pourtant qu’il est souhaitable d’en discuter en consultation, partage le Dr Maisonneuve. Cela permet au patient d’apporter son expertise de terrain et de partager un vécu et, au médecin, de l’accompagner dans sa démarche d’autosoins.»
Disposer de données fiables sur l’utilisation de ces remèdes pourrait finalement inciter les médecins à se pencher davantage sur ce sujet et en discuter avec leurs patients. «Mais devons-nous absolument chercher à obtenir des preuves scientifiques d’efficacitéalors que les patients sont largement convaincus de leurs bienfaits et qu’il existe de nombreux autres sujets sur lesquels il est nécessaire d’obtenir des évidences dans le champ de la médecine de famille? Alors qu’il s’agit de plus de produits que l’être humain utilise partout dans le monde et depuis très longtemps?» s’interroge le médecin genevois. Avant d’ajouter qu’à efficacité égale, il est préférable de privilégier les remèdes naturels aux médicaments, notamment pour leur moindre coût et la préservation de l’environnement.
Pas de miel pour les nourrissons
Même si les remèdes de grand-mère sont a priori sans danger car sans effet secondaire notable, des précautions doivent être prises, notamment chez les tout-petits. Le miel ne doit ainsi pas être donné à des enfants de moins d’un an. La raison? Un risque d’intoxication chez des bébés de cette tranche d’âge a été décrit, le miel pouvant contenir des spores de microbes susceptibles de produire, exceptionnellement, des toxines à l’intérieur du tube digestif des nourrissons. «Ce sont des cas très rares mais qui existent, rappelle le Dr Hubert Maisonneuve, médecin de famille, chercheur et Privat Docent à l’Université de Genève. Nous ne pouvons pas négliger cette possibilité et déconseillons donc le miel pour les tout-petits.»
Un autre risque des remèdes de grand-mère est domestique et lié à la manipulation de l’eau chaude. Un danger de brûlure existe, avec des conséquences qui peuvent être graves. «Les inhalations sont des autosoins avec un risque à ne pas sous-estimer, insiste le médecin. Il ne faut par exemple absolument pas laisser un jeune enfant seul avec un bol d’eau bouillante devant lui.»
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Paru dans Le Matin Dimanche le 19/11/2023
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