Le tabou de l’incontinence
La maternité a ses bonheurs, mais aussi ses aléas. L’incontinence urinaire en fait partie. Le plus souvent taboue, elle est pourtant assez fréquente puisqu’elle touche 20% des femmes ayant donné naissance à un enfant. Heureusement, dans de nombreux cas, les problèmes se résorbent après quelques semaines, voire quelques mois. Il existe deux types d’incontinence. L’incontinence d’urgence d’abord. Elle est liée à une vessie dite «hyperactive», qui se contracte trop fréquemment, soit avant que la vessie ne soit pleine. La femme ressent un besoin urgent d’uriner qui se solde par des fuites incontrôlées. Mais les femmes qui viennent d’avoir un enfant sont plus souvent confrontées à l’incontinence d’«effort». Course à pied, soulèvement d’un poids, toux, éternuement ou éclat de rire peuvent entraîner une augmentation subite de la pression sur l’abdomen et donner lieu à des fuites d’urine. «Or, pour pouvoir résister à des pressions brusques, l’urètre doit avoir un ancrage ligamentaire solide», explique le Dr Chahin Achtari. En effet, l’urètre est le conduit musculaire par lequel l’urine est acheminée de la vessie vers l’extérieur. Le sphincter s’ouvre et se ferme pour permettre son évacuation. Si la base ligamentaire est affaiblie, alors l’urètre devient trop mobile et ne peut plus être comprimé en cas de pressions brusques. Les muscles du périnée participent également au soutien secondaire de l’urètre et peuvent aussi avoir été affaiblis.
Une élongation, une distension ou carrément une déchirure de ces ligaments peuvent expliquer les problèmes d’incontinence. De telles lésions peuvent survenir durant la grossesse déjà et entraîner des problèmes par la suite. Elles peuvent être causées par le poids du bébé, mais pas seulement. Lors de la grossesse, il se produit un relâchement naturel des tissus, dû à l’augmentation de sécrétion de progestérone qui va permettre l’accouchement. L’accouchement par voie basse, selon la façon dont il se déroule, est clairement un facteur de risque. En effet, le passage du bébé par les voies naturelles peut abîmer le nerf honteux ainsi que les structures ligamentaires qui soutiennent l’urètre. Le sphincter urétral est innervé par ce nerf, qui chemine le long de la voie pelvienne. L’accouchement traumatique (utilisation d’instruments, importantes déchirures) peut causer une incontinence urinaire, de même qu’un gros bébé, un accouchement prolongé, par exemple lorsque la tête du bébé reste longtemps dans la cavité pelvienne venant comprimer le nerf honteux qui innerve le sphincter urétral, ou encore des accouchements multiples. «Bien que la plupart des lésions graves se produisent lors du premier accouchement, des accouchements successifs par voie basse abîment la musculature urétrale et périnéale, impliquées dans le mécanisme de continence», confirme le spécialiste.
Est-ce à dire que la césarienne protège de l’incontinence? «C’est vrai, admet le Dr Achtari. On rencontre un peu moins de problèmes d’incontinence après une césarienne. Toutefois, ce n’est pas une raison suffisante pour choisir d’accoucher de cette façon», pose le spécialiste. Surtout que des solutions existent. Après un accouchement instrumenté, un gros bébé ou des déchirures importantes du périnée, un traitement de physiothérapie sera proposé. Au CHUV notamment, une consultation spécialisée reçoit les femmes gênées par ce problème. Très souvent, la prise de conscience de son anatomie, la pratique d’exercices de contraction musculaire (technique du bio-feed-back) ou l’électrostimulation (pose d’électrodes pour contracter et stimuler les tissus et les muscles) permettent de dépasser ces problèmes. S’ils persistent, une intervention chirurgicale pourra être proposée.
La ménopause, un stade à risque
Les problèmes d’incontinence urinaire peuvent également se manifester à la ménopause. Les spécialistes constatent en effet un pic des plaintes des patientes entre 50 et 60 ans. Pourquoi? «En raison de la chute des hormones à la ménopause, les tissus du sphincter, qui sont dotés de récepteurs hormonaux, s’atrophient et se fragilisent», explique le Dr Chahin Achtari. Pour y remédier, on administre des œstrogènes par voie locale qu’on associe à de la rééducation. Si cela ne suffit pas, la prise de médicaments ou un traitement chirurgical pourront être envisagés.