La gastroentérite se soigne le plus souvent toute seule
De quoi on parle?
Les faits
A la fin du mois dernier, plus de 10 000 écoliers de Berlin et de trois régions de l’est de l’Allemagne ont souffert de gastroentérite. L’épidémie semble avoir été provoquée par des fraises surgelées en provenance de Chine, consommées à la cantine.
Le bilan
Le fournisseur des repas a annoncé qu’il dédommagerait les familles touchées. Quant aux autorités allemandes de la santé, elles ont fait immédiatement rappeler les fraises incriminées.
C’est certainement un pur et malencontreux hasard. Une nouvelle fois, l’Allemagne s’est retrouvée sous les feux de l’actualité médicale pour cause d’épidémie de gastro-entérite. En mai 2011, environ 4000 personnes avaient été infectées – et 47 étaient décédées – après avoir consommé des graines germées renfermant une redoutable bactérie du genre Escherichia coli (E. coli). En septembre dernier, plus de 10 000 écoliers du pays ont été affectés par la maladie. Cette fois, ce sont des fraises surgelées en provenance de Chine qui sont pointées du doigt. Les fruits auraient été contaminés par un microbe vraisemblablement beaucoup moins dangereux, puisqu’on ne déplore aucune victime. Ces deux épidémies ont donc eu des causes – et des conséquences sanitaires – très différentes. Mais dans les deux cas, il s’agissait de gastroentérite. Ce terme recouvre une kyrielle de maladies plus ou moins graves qui ont cependant un point commun: ce sont toutes des infections du tube digestif qui se manifestent par les mêmes symptômes (diarrhées, nausées, vomissements, crampes d’estomac, fièvre ou maux de tête).
Virus ou bactéries
Les similitudes s’arrêtent là car, à y regarder de plus près, on constate que des germes de natures très diverses peuvent être à l’origine de l’infection. Au premier rang des coupables se trouvent des virus. On parle alors souvent de «grippe intestinale», à tort car le virus de la grippe n’y est pour rien. Les germes responsables sont en fait le Rotavirus, qui provoque notamment la gastroentérite infantile, le Norovirus et quelques autres, qui circulent principalement en hiver. Si les gastroentérites d’origine virale sont de loin les plus fréquentes, «les infections d’origine bactérienne sont les plus graves», souligne Gilbert Greub, médecin-chef responsable du secteur diagnostic à l’Institut de microbiologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
Parmi les principaux fauteurs de troubles, on trouve Campylobacterdont les animaux d’élevage sont porteurs. Cette «bactérie des barbecues», comme on l’appelle aussi, sévit surtout en été parmi les amateurs de grillades qui ne cuisent pas suffisamment leurs viandes. Elle est à l’origine «d’un peu moins de 10000 cas de gastroentérite déclarés par an en Suisse», selon Nicolas Troillet, médecin-chef du service des maladies infectieuses de l’Institut central à l’Hôpital du Valais.
Les bactéries les plus menaçantes restent toutefois les Escherichia coli. Tous les membres de cette famille bactérienne n’ont pas le même degré de nuisance. Certaines souches, comme celles qui colonisent notre tube digestif, sont même totalement inoffensives. Quant à celles qui déclenchent la fameuse turista, elles ne provoquent chez les voyageurs que des diarrhées sans gravité. Mais d’autres peuvent être «particulièrement méchantes», dit Gilbert Greub, et causer des décès, comme cela a été le cas en Allemagne au printemps 2011.
Personne n’est à l’abri
Des épidémies dues à des E. coli virulentes restent, heureusement, exceptionnelles. Mais les autres formes plus «banales» de gastroentérite affectent des milliers de personnes chaque année en Suisse. Les personnes ayant un système immunitaire déprimé, comme les gens âgés et les enfants, sont certes plus sensibles aux infections, mais globalement, «on est tous à risque», précise le Dr Greub.
On peut en effet contracter une infection intestinale simplement en buvant de l’eau contaminée. Ou en mangeant des aliments – fruits de mer, fruits ou légumes mal lavés, volaille, bœuf ou œufs – renfermant des bactéries pathogènes ou des toxines secrétées par ces dernières.
Quant aux infections virales, elles se transmettent essentiellement d’une personne à l’autre «par exposition féco-orale (lire encadré)», reprend le médecin du CHUV, c’est-à-dire par contact avec les selles ou les vomissements des personnes contaminées. Mieux vaut donc prendre des précautions, ce d’autant plus que l’on peut transmettre ses microbes avant l’apparition des symptômes et même quelques jours après leur disparition.
Guérison spontanée
Lorsque l’infection intestinale est provoquée par un virus, il n’existe aucun médicament spécifique pour la soigner. En revanche, si une bactérie est en cause, il est possible d’utiliser des antibiotiques. Cependant, «ces médicaments ne doivent pas être prescrits systématiquement, souligne Nicolas Troillet. Ils sont même contre-indiqués pour lutter contre les E. coli les plus dangereuses, car la gastroentérite est due à des toxines bactériennes; s’ils sont tués, ces micro-organismes libèrent encore plus de substances toxiques».
On peut aussi soulager les symptômes de la gastroentérite en prenant des médicaments antivomitifs ou antidiarrhéiques. Il faut toutefois garder à l’esprit que «la diarrhée permet d’éliminer l’agent pathogène, explique Gilbert Greub. En la stoppant, on accroît la durée de séjour du microbe dans le tube digestif, ce qui peut aggraver les lésions intestinales lors d’infections bactériennes».
Il est parfois indiqué de consulter rapidement un médecin, en particulier, souligne Nicolas Troillet, lorsque l’infection intestinale «s’accompagne d’une forte fièvre, d’importantes douleurs abdominales, de sang dans les selles ou encore si l’on souffre d’un trouble immunitaire». Toutefois, dans la majorité des cas, «on guérit spontanément au bout de quelques jours». L’important, ajoute-t-il, «est de bien s’hydrater».
Voilà de quoi nous rassurer. La gastroentérite est une affection désagréable et dérangeante mais, la plupart du temps, elle est sans conséquence.
Quelques précautions utiles
Prévention
Une épidémie de gastroentérite sévit dans votre région? Un membre de votre famille est infecté? Des gestes simples permettent de vous protéger. Pour éviter de consommer des aliments contaminés, il faut être attentif lors de la préparation des repas. «Il ne faut pas utiliser les mêmes instruments ménagers, comme les couteaux ou planches à découper, pour couper les légumes et la viande», conseille Nicolas Troillet, infectiologue à l’Hôpital du Valais. Une prudence indispensable pour ne pas contaminer les végétaux avec les bactéries pathogènes dont les bovins et les poules sont porteurs.
C’est aussi pour cette raison qu’il faut se laver les mains après avoir touché de la viande, qu’il est recommandé de bien cuire les steaks hachés et la volaille et que les plans de travail de la cuisine doivent être très propres. Il s’agit de «précautions bien connues des ménagères et elles sont importantes». D’une façon générale, il faut veiller à «bien se laver les mains après être allé aux toilettes ou après avoir changé un nourrisson, précise le médecin valaisan, car les microbes se transmettent aussi par contact main/bouche à partir des selles d’une personne infectée», poursuit le médecin. Quant à la désinfection de la cuisine ou d’autres pièces de l’habitation avec des produits spéciaux, «elle est en règle générale inutile», selon Nicolas Troillet, qui préconise surtout «d’axer la prévention sur l’hygiène personnelle et la préparation de la nourriture».