Fatigué(e), oui mais pourquoi?

Dernière mise à jour 11/12/18 | Article
fatigue_oui_pourquoi
Dans une société aussi trépidante et riche en sollicitations, on a tous des raisons d’être fatigués. Mais si ce sentiment s’installe et devient invalidant, il peut cacher autre chose. Une consultation médicale est parfois nécessaire.

«Raide», «crevé», «naze», «flagada», «hors service», «plus de batterie», etc. Dans le langage courant, les expressions de la fatigue ne manquent pas. Les raisons de l’être non plus, la faute d’abord à une société trépidante et hyperconnectée, où les sollicitations et l’exigence de performance sont très fortes. On est nombreux à se sentir fatigués et à s’en plaindre, comme en témoigne le Pr Bernard Favrat, médecin adjoint à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne (PMU): «C’est presque 20% des cas de consultation». Mais comment faire la différence entre une fatigue normale et anormale?

Lorsqu’elle est le fruit d’un effort physique ou mental important, ou qu’elle est consécutive à une nuit de sommeil trop courte, elle peut être considérée comme normale. En revanche, lorsqu’elle survient sans raison particulière, qu’elle est inhabituelle et surtout qu’elle persiste, il faut s’en inquiéter. «Et consulter, surtout si elle est source de frustration et un obstacle pour faire autant de choses que l’on souhaiterait», conseille le Pr Favrat.

Le contexte de vie

Mon adolescent(e) traîne ses baskets

L’adolescence est une période de vie souvent marquée par une fatigue plus importante. Les nombreux changements à la fois physiques et psychologiques y sont pour quelque chose. Mais les adolescents vivent aussi un retard de phase qui les plonge dans une forme de jet lag. La mélatonine, l’hormone inductrice de sommeil, est sécrétée plus tardivement chez eux et retarde ainsi le moment de l’endormissement. Le temps passé sur les écrans en soirée repousse d’autant plus l’heure du coucher, ce qui accentue le problème. En ce qui concerne les comportements propres à l’adolescence, il faut aussi évoquer le contact avec des substances telles que l’alcool ou le cannabis qui peuvent entraîner une baisse d’énergie et de motivation conséquente. Dans un autre registre, une carence en fer chez les filles en raison des règles peut engendrer une fatigue nouvelle.

Les causes de la fatigue peuvent être multiples. Le travail du médecin généraliste sera de découvrir ce qui se cache derrière la plainte de son patient, en l’interrogeant d’abord sur son contexte de vie. Car des facteurs psychosociaux peuvent l’expliquer: «Le fait d’avoir des enfants en bas âge par exemple occasionne beaucoup de stress. On dort moins bien et on est souvent tiraillé entre sa vie de famille et son travail. La tension qui en résulte vient alors s’ajouter à cette fatigue, illustre le Pr Favrat. Des problématiques professionnelles (épuisement, burnout, etc.) peuvent aussi entrer en ligne de compte.

Le sommeil, bien sûr, est capital pour être en forme et se sentir reposé. Un manque de sommeil ou un sommeil de mauvaise qualité, avec ou non la présence d’une pathologie du sommeil, sont souvent en cause. Par exemple, la survenue d’apnées du sommeil péjore la qualité du sommeil et entraîne des épisodes de somnolence diurnes. Même l’utilisation de somnifères peut entraîner une fatigue résiduelle durant la journée.

Gare aux substances

La fatigue peut aussi être un effet secondaire de traitements médicamenteux, ce qui est fréquent avec les bêtabloquants (prescrits en cas de maladies cardiaques ou d’hypertension), les antihistaminiques (contre les allergies), les psychotropes, certains remèdes à base de plantes, etc. Le spécialiste met en garde en particulier contre les médicaments ayurvédiques achetés sur internet, qui sont riches en plomb et en mercure. Il faut également se méfier des drogues et de l’alcool, qui est un grand pourvoyeur de fatigue. Si l’alcool peut induire une somnolence passagère, en réalité il déstructure le sommeil et ne permet pas un repos de qualité.

La fatigue peut également être le signe d’un déficit vitaminique (vitamine B, par exemple) ou d’une carence en fer, très fréquente. Les femmes, qui perdent en moyenne 70-80 ml de sang par mois au cours de leurs menstruations, y sont plus sujettes. «Non traité, un manque de fer peut engendrer une fatigue importante. A l’inverse, une supplémentation en fer, même à un stade débutant, est profitable au patient», indique le Pr Favrat. A cet égard, il faut se méfier du thé et du café qui diminuent l’absorption du fer.

A un stade plus sévère, la carence en fer peut conduire à une anémie (manque de globules rouges). L’anémie elle-même peut être consécutive à une maladie chronique, inflammatoire ou plus gravement à la présence d’une tumeur. D’autres maladies sous-jacentes telles qu’une hypothyroïdie, une insuffisance cardiaque ou respiratoire peuvent se traduire par une grande fatigue.

Un signe de dépression

Mais la fatigue peut aussi être le symptôme de troubles psychologiques. Associée à une humeur dépressive, à une absence de joie, une perte d’élan vital, une grande fatigabilité peut être le signe d’une dépression. Une anxiété chronique fatigue énormément ceux qui en souffrent.

Pour chasser la fatigue, il est essentiel d’en connaître les origines. Un diagnostic est indispensable pour un traitement adéquat. Pour la prévenir, les recommandations usuelles sont de rigueur, à savoir une alimentation saine et variée, la pratique d’une activité physique régulière et des nuits réparatrices. «Nous sommes génétiquement programmés: certaines personnes ont besoin de dormir 4 heures et d’autres 9 heures. Il faut dormir selon ses besoins.» Les compléments alimentaires (vitamines) et les médicaments vendus librement en pharmacie pour retrouver la forme ne sont pas recommandés si l’on mange de manière équilibrée, selon le spécialiste.

Le mystère du syndrome de fatigue chronique (SFC)

C’est une fatigue inhabituelle, persistante (plus de six mois), qui s’accompagne de nombreux autres symptômes tels que des difficultés de concentration, des troubles de l’attention, de la mémoire à court terme, des douleurs diffuses, des céphalées de tension, etc. Des symptômes disparates qui s’aggravent de manière disproportionnée à l’effort. Le sommeil est souvent très perturbé et ne permet pas de juguler cet état de fatigue profond et invalidant, qui conduit le plus souvent à un arrêt de travail partiel ou prolongé. Le syndrome de fatigue chronique est un trouble encore mal compris, qui toucherait près de 1% de la population suisse. Il peut s’installer progressivement ou survenir brutalement, généralement suite à un stress physique (une infection), psychologique ou les deux. Très souvent, cet état donne lieu à de nombreux examens, mais «les analyses ne montrent rien d’anormal», relève le Pr Bernard Favrat, médecin adjoint à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne (PMU). Malgré les recherches scientifiques, il n’existe à ce jour pas de marqueurs biologiques permettant d’affirmer un tel diagnostic. Ce dernier n’est alors établi que sur la base de critères cliniques.

La reconnaissance du SFC par le médecin est une étape clé qui permet au patient de se sentir enfin reconnu dans sa souffrance. Cela met généralement fin à une poursuite effrénée d’investigations pour trouver l’origine du mal. La prise en charge repose essentiellement sur un reconditionnement physique très progressif avec l’aide d’un physiothérapeute et parfois sur une thérapie cognitive et comportementale pour lutter contre la peur de l’effort et retrouver un système de pensée positif. Une hygiène de vie saine et régulière (heures de lever et coucher) est également très importante.

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Paru dans le Quotidien de La Côte le 05/12/2018.

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