L’échinococcose peut contaminer nos potagers
«Ne mange pas les fraises des bois, sinon tu seras malade à cause des renards!» Un avertissement qui sonne comme un conseil de grand-mère. Pourtant, le risque est bien réel. Les œufs de parasites présents dans les excréments d’une majorité des renards peuvent provoquer une maladie rare mais grave au nom barbare: l’échinococcose alvéolaire.
Dans les années huitante, cette pathologie était surtout présente en Suisse, en Allemagne, en France et en Autriche. Mais aujourd’hui, en partie à cause du réchauffement climatique, le parasite atteint toute l’Europe. On peut désormais en trouver en Pologne, dans tous les pays Baltes ou même jusqu’en Suède. Le problème, c’est qu’il ne suffit pas de se priver de baies des bois pendant les randonnées. Les fruits et légumes dans les potagers non clôturés auxquels les renards ont accès peuvent également être contaminés.
Des œufs microscopiques
Lavez vos fruits et légumes!
Toute ingestion d’œufs du ténia du renard, même en faible quantité, peut entraîner à terme une échinococcose alvéolaire. Des mesures de prévention sont donc à respecter :
- Lavez à grande eau les légumes, la salade, les plantes ramassées près du sol dans la nature ou la forêt (par exemple les pissenlits ou les champignons). Consommez-les de préférence cuits. Attention, la congélation n’est pas suffisante pour tuer les œufs.
- Clôturez votre jardin potager pour empêcher les renards d’y pénétrer.
- Si vous trouvez des excréments de renards dans un jardin, mettez-les dans un sac plastique avant de les jeter à la poubelle (jamais dans un compost). Si les crottes sont fréquentes, contactez les autorités locales compétentes.
- Lavez-vous toujours les mains après avoir jardiné, travaillé la terre ou après avoir été en contact avec un chien.
- Si vous trouvez un renard mort, ne le manipulez qu’avec des gants en plastique et éliminez l’ensemble dans un sac prévu pour le transport des cadavres d’animaux.
Provoquée par un parasite du nom d’Echinococcus multicularis, l’échinococcose alvéolaire estaussi appelée ténia du renard. Ce petit ver de deux à cinq millimètres, vit dans l’intestin grêle des canidés. En Suisse, entre 30 et 70% des renards sont contaminés. «Ils s’infestent en mangeant des souris dont le foie contient des milliers de petites têtes de vers, détaille le Pr Bruno Gottstein, spécialiste en parasitologie à l’Université de Berne. Ces parasites se développent ensuite en vers adultes dès qu’ils se trouvent dans l’intestin de leur nouvel hôte». Les renards ne souffrent cependant pas de cette contamination. La très petite quantité de nourriture retenue par les ténias n’affecte pas leur santé.
«Mais à partir de quatre semaines d’infection, le renard – et parfois aussi le chien (lire encadré) – défèque des œufs du parasite avec ses excréments», avertit le Pr Gottstein. Or, ce sont précisément ces œufs microscopiques qui constituent un risque pour les humains. S’ils se trouvent sur des fruits ou légumes, par exemple, une personne peut en ingérer sans s’en rendre compte.
Quand l’échinococcose se développe
L’homme n’étant pas un hôte naturel du parasite, le corps parvient généralement à éliminer les œufs ingérés. Mais dans de rares cas et en fonction de certaines prédispositions, le parasite s’installe. Lorsque les œufs arrivent dans le système digestif, ils pénètrent dans les veines à travers les parois de l’intestin. Ils sont ensuite filtrés et arrêtés au niveau du foie. C’est là que les parasites finissent par se développer, en formant des membranes et des kystes de forme alvéolaire envahissants. Cette structure grandit et se comporte comme un cancer: au bout d’un certain temps, elle se propage jusqu’aux organes alentour et crée des métastases de tissus parasitaires. «Le temps d’incubation de l’échinococcose est très long, explique le Pr François Chappuis, médecin chef du service de médecine tropicale et humanitaire aux Hôpitaux universitaires de Genève. Il s’écoule en moyenne cinq à dix ans avant l’apparition des premiers symptômes». Ceux-ci se manifestent généralement par une douleur au niveau du foie et parfois une jaunisse si les voies biliaires sont comprimées. Mais dans la moitié des cas, la découverte de cette maladie s’effectue de manière fortuite, par exemple via une prise de sang lors d’un contrôle de routine.
«C’est une maladie grave qui doit absolument être traitée, mais les cas de décès sont devenus très rares», rassure le Pr Chappuis. En effet, 50% des masses parasitaires peuvent être complètement retirées grâce à la chirurgie. Le traitement doit ensuite être consolidé pendant deux ans avec un médicament antiparasitaire. «En revanche, si la masse est trop étendue, une opération à but de guérison n’est plus possible», avertit le spécialiste. «Le patient doit alors prendre le traitement antiparasitaire sur le long terme, le plus souvent à vie, afin de stopper l’évolution des kystes». Les récents progrès médicamenteux et chirurgicaux ont révolutionné la prise en charge de l’échinococcose. Un patient touché par cette maladie a désormais une espérance de vie très proche de la normale.
Randonneurs, jardiniers amateurs, propriétaires d’animaux: soyez toutefois vigilants. Les renards sont très répandus en Suisse et se déplacent de plus en plus dans les villes. Ils sont donc susceptibles de contaminer de nombreux aliments. Une clôture à votre potager et un généreux lavage des denrées récoltées ne sont jamais de trop.
Les chiens et chats représentent-ils un risque?
En tant que chasseurs de souris, les chiens et chats peuvent aussi être infestés. «Les chats sont cependant des très mauvais hôtes pour le parasite, rassure le Pr Bruno Gottstein, spécialiste en parasitologie à l’Université de Berne. Dans leur système digestif, les vers ne vont pratiquement jamais produire d’œufs infectieux».
Les chiens domestiques, en revanche, sont un vecteur de contamination plus fréquent. En Suisse, environ 1800 d’entre eux sont infestés par le parasite responsable de l’échinococcose alvéolaire. Si vous êtes propriétaire d’un ou plusieurs chiens en région campagnarde, quelques règles de prévention doivent donc être respectées:
- Empêchez autant que possible votre chien de chasser les rongeurs.
- Traitez-le tous les mois avec un vermifuge spécifique.
- Douchez régulièrement les chiens qui aiment se rouler dans les excréments.
- Si une infection parasitaire de votre chien est avérée, contactez immédiatement votre vétérinaire et votre médecin. Évitez tout contact direct avec ses excréments, lavez-vous soigneusement les mains après chaque contact, désinfectez les surfaces solides contaminées par les matières fécales avec de l’eau de javel et donnez à votre animal le traitement recommandé par le vétérinaire.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 31/03/2019.