Fantasme sexuel: à partir de quand faut-il s’inquiéter?

Un travail de chercheurs du Québec vient d’être publié dans le Journal of Sexual Medicine1. Dirigés par le Pr Christian Joyal et Vanessa Lapierre (département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières), ces chercheurs ont repris les différentes définitions des fantasmes sexuels «anormaux» (ou «troubles paraphiliques») telles que l’on peut les trouver dans la dernière édition du Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux (DSM-5). Le DSM-5 décrit différents troubles paraphiliques: le trouble exhibitionniste, le trouble fétichiste, le frotteurisme, la pédophilie, le masochisme sexuel, le sadisme, le travestisme (du moins s’il est cause de détresse) et le voyeurisme.
Souffrances
«Cliniquement, nous savons bien ce qu’est un fantasme sexuel pathologique, explique le Pr Joyal. Il implique des partenaires non consentants, il induit une souffrance, ou est absolument nécessaire pour obtenir une satisfaction. Mais ceci mis à part, qu’est-ce qu’un fantasme "anormal" ou "atypique"? Pour le savoir, nous avons très simplement interrogé des gens de la population générale. Notre principal objectif était de spécifier la norme en matière de fantasmes sexuels, une étape essentielle avant de passer aux définitions pathologiques. Et comme nous le soupçonnions, il y a beaucoup plus de fantasmes communs que de fantasmes atypiques.» Pour le Pr Joyal, on retrouve donc en réalité dans le DSM-5 une bonne part de jugements de valeurs.
La majorité des études précédentes sur les fantasmes ayant été réalisées auprès d’étudiants universitaires, cette recherche nécessitait de trouver un échantillon d’adultes qui accepteraient de décrire leurs fantasmes. C’est ainsi que 1517 adultes québécois (799 hommes et 718 femmes; âge moyen de 30 ans) ont répondu à un questionnaire décrivant leurs propres fantasmes sexuels. Ils ont aussi décrit «en détail» leur fantasme favori.
Très grande variété
Les résultats sont, selon les chercheurs, plus qu’intéressants. Il apparaît notamment que:
- La nature des fantasmes sexuels est variée parmi la population générale. Très peu de fantasmes peuvent être considérés comme statistiquement «rares», «inhabituels» ou «atypiques».
- Les hommes ont plus de fantasmes et les rapportent avec une plus grande intensité que les femmes. Une proportion importante de femmes (30 à 60%) évoque des thèmes associés à la soumission (par exemple, être attachée, recevoir des «tapes» sur les fesses, être forcée à avoir une relation sexuelle, etc.).
- Contrairement aux hommes, les femmes, en général, distinguent bien les «fantasmes» des «souhaits». C’est ainsi que plusieurs d’entre celles qui expriment des fantasmes de soumission plus extrêmes (par exemple, se faire prendre par un inconnu dominant) soulignent ne surtout pas vouloir qu’ils se réalisent. A l’inverse, les hommes, en majorité, accepteraient volontiers de réaliser leur fantasme (à commencer par le classique triolisme).
- La présence du partenaire amoureux est significativement plus grande au sein des fantasmes féminins que masculins. De façon générale, les hommes en couple fantasment beaucoup plus à propos de relations extraconjugales que les femmes en couple.
Fantasmes combinés
«Globalement, ces résultats nous permettent d’élucider quelques phénomènes sociaux, tels que la popularité sans précédent du livre 50 Shades of Grey (50 nuances de Grey) auprès des femmes, affirme le Pr Joyal. Le sujet est passionnant! Nous sommes en train de mener des analyses statistiques avec les mêmes données afin de démontrer l’existence de sous-groupes homogènes de personnes en fonction de combinaisons de fantasmes. Par exemple, les gens qui ont des fantasmes de soumission rapportent souvent aussi des fantasmes de domination. Ces deux thèmes ne sont donc pas exclusifs, bien au contraire. Ils semblent aussi associés à un niveau plus élevé de satisfaction générale.» Voilà de nouveaux résultats qui risquent d’être très prometteurs.
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1. Un résumé (en anglais) de la publication du Journal of Sexual Medicine est disponible ici.

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