Soigner le cancer de la prostate par une approche thérapeutique différenciée
Le traitement de la maladie localisée se résumait jusqu’à récemment à l’ablation chirurgicale totale de la glande ou à son irradiation complète (radiothérapie). Avec comme risque la perte de la fonction érectile et l’incontinence. Aujourd’hui, un arsenal thérapeutique renouvelé offre des possibilités de traitements différenciés selon le stade de la maladie. Tour d’horizon des nouveautés disponibles au Centre interdisciplinaire du cancer de la prostate des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), qui sera officiellement inauguré le 24 novembre prochain (lire encadré) et qui vient de recevoir une certification d’excellence de la Société allemande d’oncologie.
1. Des ultrasons pour traiter un cancer localisé
Si le cancer est découvert assez tôt et qu’il est toujours localisé à l’intérieur de la prostate, un traitement par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) peut être proposé au patient. Grâce aux progrès effectués dans le diagnostic (IRM et biopsies prostatiques de meilleure qualité qu’auparavant), les médecins sont maintenant capables de modéliser la prostate en trois dimensions. Ils repèrent ainsi exactement les lésions tumorales afin de cibler ces seules régions lors du traitement et épargner la prostate saine. «Une sonde insérée par le rectum délivre les ultrasons sans aucune incision, explique le Dr Daniel Benamran, urologue aux HUG. Cela permet d’éviter les cicatrices et les irradiations. Mais surtout, cette technique minimalement invasive très précise permet de préserver à la fois les bandelettes, qui sont nécessaires à l’érection, et le sphincter, qui assure la continence. Le tout est effectué en une séance sous anesthésie légère durant un court séjour hospitalier de 24 heures. Après le traitement, les cas d’incontinence et de perte de fonction érectile sont rares.» Conçu il y a une quinzaine d’années, ce traitement a été affiné et offre désormais une prise en charge ciblée conservatrice d’organes des cancers peu agressifs. Il permet également d’apaiser le débat autour du dosage du PSA (enzyme produite par la prostate), dont l’interprétation est complexe. «Le risque avec le dosage du PSA, c’est de détecter des patients dont le cancer est indolent puis de leur administrer un traitement trop lourd, détaille le Dr Benamran. Le traitement peut certes être différé, en surveillant la tumeur sans la traiter activement, mais cela est parfois pénible ou risqué pour le patient, qui doit vivre avec la menace psychologique permanente de voir son cancer devenir agressif. Pour ces cas de risque faible ou intermédiaire, l’HIFU constitue une nouvelle arme de première ligne très peu morbide dans l’arsenal thérapeutique. En cas d’évolution ou de récidive, le recours à un traitement plus lourd de l’ensemble de la glande reste possible.»
Invitation à l'inauguration du Centre du cancer de la prostate des HUG
Premier à avoir obtenu un label de qualité en Suisse romande, le Centre du cancer de la prostate des HUG invite le public à son inauguration, le mardi 24 novembre 2015 à 11h. Maladie complexe, le cancer de la prostate nécessite une synergie entre de multiples spécialistes. La consultation multidisciplinaire du centre regroupe notamment des oncologues, des urologues, des radio-oncologues, des pathologistes, des radiologues et des nucléaristes. Chaque cas est discuté avec l’ensemble des spécialistes afin d’assurer une prise en charge globale et personnalisée, du diagnostic au suivi des patients. L’inauguration du centre sera l’occasion de découvrir les points forts d’une pluridisciplinarité coordonnée, à travers des témoignages et la présentation de cas cliniques.
Plus d’infos sur www.hug-ge.ch/cancerprostate
2. Moins de séances de radiothérapie pour les cancers localisés
Un des traitements curatifs du cancer de la prostate à tout stade de développement est la radiothérapie, technique qui utilise des rayons de haute énergie capables de détruire les cellules cancéreuses. «Les résultats oncologiques de contrôle de la maladie sont tout à fait comparables à ceux de la chirurgie», explique le Dr Thomas Zilli, radio-oncologue aux HUG. «Comparativement à la chirurgie, le traitement de radiothérapie se déroule en ambulatoire sur une durée qui varie en fonction du stade de la maladie. Pour certains stades, le choix entre un traitement chirurgical ou la radiothérapie revient au patient. Et c’est là tout l’avantage du centre qui vient d’être créé aux HUG: chaque cas est discuté dans une consultation multidisciplinaire et une solution différenciée selon le stade de propagation de la maladie et son agressivité est proposée au patient. Informé, il peut ainsi mieux participer à l’élaboration de son traitement.» Grâce aux nouvelles technologies, note encore le radio-oncologue, la radiothérapie est devenue moins contraignante, plus précise et plus efficace. «On est passé de traitements réalisés sur plusieurs semaines, à raison de 38 à 40 séances, à des irradiations curatives réalisées en cinq séances seulement en tout, relève le Dr Zilli. Afin de réduire au maximum les toxicités radio-induites, la technique s’est par ailleurs perfectionnée: un gel sépare le rectum de la prostate pour le protéger des radiations, et des marqueurs positionnés à l’intérieur de la prostate permettent de localiser précisément la position de la tumeur et, en agissant comme un véritable navigateur, de repérer ses mouvements pendant l’irradiation.»
3. Chimiothérapie précoce pour les cancers métastatiques
Lorsque le cancer est diagnostiqué à un stade avancé, le traitement classique de première intention est une hormonothérapie (aussi appelée déprivation androgénique). «Ce traitement vise à supprimer le taux de testostérone circulant, responsable d’une stimulation hormonale des cellules cancéreuses», explique la Dre Marie-Laure Amram, oncologue aux HUG. La très grande majorité des hommes réagissent au traitement pendant un certain temps. Mais il arrive toujours un moment où le traitement ne va plus fonctionner. Le patient entre dans un stade appelé résistance à la castration: la maladie ne répond plus à l’hormonothérapie.» Entrent alors en jeu d’autres formes de traitement et notamment la chimiothérapie. «Après près de dix ans de disette, nous avons en plus de la chimiothérapie de nombreuses nouvelles molécules à disposition et notamment des hormonothérapies de nouvelle génération avec de très bons résultats oncologiques, poursuit l’oncologue. Mais le vrai changement de paradigme, c’est l’administration simultanée de la chimiothérapie et de l’hormonothérapie, bien plus efficace en termes de survie. Les patients gagnent en effet plus de vingt mois de vie en débutant précocement une chimiothérapie au moment où le cancer avancé est diagnostiqué, alors qu’on en est à deux mois et demi avec un traitement instauré plus tardivement au stade de résistance à la castration.» Le traitement est certes palliatif dans ce cas et s’accompagne d’effets secondaires parfois importants (perte de cheveux, diarrhées, etc.). Mais «d’un point de vue oncologique, ces résultats sont sans précédent. Il s’agit bel et bien d’un concept thérapeutique innovant dans la prise en charge des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique», conclut la spécialiste.
Zoom sur la prostate
Cancer du testicule
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 430 nouveaux cas de cancer du testicule, ce qui représente 2 % de toutes les maladies cancéreuses dans la population masculine. Le cancer du testicule touche surtout des hommes jeunes : 86 % des patients ont moins de 50 ans au moment du diagnostic.
Cancer de la prostate
Chaque année en Suisse, environ 6100 hommes développent un cancer de la prostate, qui est le cancer le plus fréquent en général: 30% des cancers chez l’homme sont des cancers de la prostate. Pratiquement tous les patients (99%) ont plus de 50 ans au moment du diagnostic; 47% ont même 70 ans et plus.