2021 en mode zen
Inoubliable année pandémique, 2020 aura été particulièrement éprouvante pour le corps et l’esprit. Comment se remettre de tant de fatigue et de stress? En se focalisant sur le mieux-être. Pour cela, on peut miser sur certaines pratiques de médecines alternatives qui, par une approche globale de l’individu centrée sur un certain art de vivre, peuvent renforcer le capital santé et aider à trouver en soi-même des ressources pour faire face au stress contemporain. Contrairement à une idée largement répandue, elles sont facilement accessibles et relativement bon marché – voire gratuites. Voici cinq pistes, parmi une pléiade d’autres, pour commencer 2021 sur un bon pied.
Effet placebo et pensée positive pour gérer ses émotions
Dans certaines formes de maux de dos ou de côlon irritable, il peut être efficace de donner au patient un comprimé sans substance active. Il l’aide à aller mieux… en jouant sur le fait que la personne anticipe ou pense simplement que le traitement administré va être efficace. Le principe est donc celui du classique effet placebo. Mais avec une obligation pour respecter le droit à une décision informée: «On parle de placebo ouvert: on informe le patient du fait qu’il prend un placebo, explique la Pre Chantal Berna Renella, du centre de médecine intégrative et complémentaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). À ce stade, nous offrons des placebos ouverts seulement dans un contexte de recherche.»
Le rapport avec les émotions? Dans une étude récente, des chercheurs américains ont montré que ce procédé pouvait jouer un rôle dans la détresse émotionnelle ressentie en réponse à des images dérangeantes. Ils ont ainsi donné un spray différent à deux groupes de personnes qui devaient regarder et juger des images négatives. Au premier groupe était affirmé que le spray allait les aider à gérer leurs émotions, alors qu’au second, il était expliqué que le spray permettait simplement de mieux mesurer leurs ondes cérébrales. À la fin de l’expérience, le premier groupe se disait significativement moins marqué par les images négatives. «Cette étude apporte une première preuve, chez des volontaires sains, de véritables effets psychobiologiques d’un placebo ouvert», se réjouit Chantal Berna Renella.
Cette démarche montre la puissance que peut avoir l’esprit sur le corps, un concept cher au professeur Jeremy Howick, auteur du best-seller Docteur vous. Pour lui, le message délivré et les croyances qu’elles activent peuvent mettre en route «l’usine intérieure» du corps humain qui peut alors s’autoguérir. Selon le docteur en philosophie de l’Université d’Oxford, la pensée positive pourrait être une forme d’autoplacebo aidant à mieux résister aux émotions négatives.
Cela dit, s’entraîner à ne pas ruminer et penser négativement n’est pas chose aisée et il n’existe aucune méthode toute faite. Une piste parmi d’autres: Jeremy Howick conseille de rédiger une liste de ses pensées négatives et de la jeter à la poubelle ou encore de s’écrire une lettre de compassion. Le résultat n’est pas garanti mais essayer vaut la peine. Ce d’autant que, selon plusieurs études, les optimistes vivent plus longtemps que les pessimistes!
Méditer, oui mais comment?
On ne compte plus les bienfaits de la méditation sur la santé. Dès quinze minutes de pratique quotidienne, elle permet de lutter contre l’anxiété, la dépression, l’hypertension ou encore l’asthme. Des scientifiques de l’Université de Harvard ont par ailleurs montré que participer à un programme de méditation dite de pleine conscience de huit semaines parvient à modifier les parties du cerveau associées à la mémoire, à l’estime de soi, à l’empathie et au stress.
Pour le Pr Pierre-Yves Rodondi, qui a assuré la validation scientifique de la traduction du Guide de médecine intégrative de la Clinique Mayo, détaillant tout un éventail de méthodes alternatives, «il faut démystifier la méditation». Accessible et peu coûteuse, elle est un équivalent de l’exercice physique appliqué à l’esprit. Elle ne demande pas de matériel particulier et peut se pratiquer n’importe où. Pour le spécialiste, si toutes les formes de méditation visent à focaliser son attention en offrant des moyens d’être plus présent au monde qui nous entoure, leurs méthodes diffèrent. Le plus important est de trouver une technique qui nous convienne. On peut en effet méditer en marchant, en se répétant un mot, en choisissant une posture ou simplement en s’exerçant à bien expirer et inspirer. «Pour ma part, j’ai choisi la méthode Silva, glisse le directeur de l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg. Aucune n’est meilleure qu’une autre, mais celle-ci me correspond bien.» Certes. Mais pour le non-spécialiste, comment parvenir à cette correspondance entre soi-même et une méthode? Par exemple en téléchargeant une des applications qui les présentent, telle «Petit Bambou», la plus connue. Et ensuite, se lancer sans a priori.
Marcher en forêt ou jardiner en ville: les bienfaits du contact avec la nature
Réduction de la pression sanguine et du rythme cardiaque, mais aussi amélioration de la santé mentale: de nombreuses études montrent que le contact avec la nature est associé à des bénéfices à court et à long terme pour la santé humaine. Pour le Pr Nicolas Senn, qui vient de publier avec le Centre de durabilité de l’Université de Lausanne dans la Revue Médicale Suisse un article sur les co-bénéfices entre santé et environnement, il y aurait une tendance inhérente à l’individu à se lier à des processus naturels dont il fait partie. «On appelle cela la biophilie, explique le professeur de médecine générale d’Unisanté. Effectuer des activités dans la nature est en soi bénéfique en raison de la relation que les humains entretiennent avec leur environnement.» Pourquoi? Ce pouvoir de la nature viendrait de notre histoire évolutive. Nous nous sommes développés dans un monde naturel et non construit. Marcher en forêt serait ainsi meilleur pour la santé que de faire le même exercice en ville, simplement parce qu’il se déroule dans ce milieu naturel qui nous relie à notre histoire longue.
Cela dit, la notion de nature peut être comprise de manière très large. Ainsi, les jardins communautaires qui fleurissent un peu partout dans les villes s’avèrent également bénéfiques pour les populations et les individus. Le rattachement à un objectif concret et tangible – la production de nourriture – ainsi que l’expérience esthétique offerte par les jardins contribuent à créer du sens, de la satisfaction, un sentiment de fierté et des valeurs pour les jardiniers. Tout cela crée un sentiment de bien-être. «Les jardins communautaires renforcent le lien social et l’implication dans la communauté, en offrant un lieu d’interactions avec les proches et les autres jardiniers», commente encore Nicolas Senn. Des bénéfices auxquels s’ajoute, bien sûr, celui de consommer des aliments frais et non transformés. Des activités qui, tout en étant bonnes pour la santé humaine, contribuent à préserver l’environnement. C’est tout le concept du co-bénéfice.
Nourriture et décision: le menu chinois 2021
En médecine traditionnelle chinoise, tout est question d’équilibre. Entre le chaud et le froid, entre le clair et l’obscur, entre le Yin et le Yang. Millénaire, cette philosophie de vie est un système total dans lequel corps et esprit ne sont pas séparés. L’individu y est pensé dans sa relation à l’environnement et à la saisonnalité. Autrement dit: elle représente une médecine écologique avant la lettre. «Selon la pensée chinoise, 2021 sera l’année dite du Bœuf de Métal», explique Fabrice Jordan, médecin spécialiste des arts taoïstes au centre Ming Shan de Bullet. Inutile de sourire: les animaux mythiques choisis par la pensée chinoise ne sont en fait que des images mnémotechniques permettant d’engager une discussion sur la temporalité à venir. Accrochez-vous. Le bœuf, ou Chou, ne représente ainsi pas un animal mais l’élément de la terre. En l’occurrence une terre Yin, une terre meuble, apte à recevoir une semence et a priori fertile pour peu qu’on en prenne soin.
Le métal 2021 est aussi un métal Yin, un métal fin et tranchant. «D’un point de vue psychologique, on peut dire que la terre, symbole de la stabilité, de la réflexion et de la pensée, va soutenir le métal, commente Fabrice Jordan. Le métal est ce qui tranche et délimite.» Combinant les deux, il semble que 2021 sera une bonne année pour avoir une réflexion fructueuse à propos de la détermination de nos justes limites. Elle devrait nous aider à trouver ce point d’inflexion où l’on s’exclame: «Jusque-là et pas plus loin!»
D’un point de vue physique, la terre représente l’estomac et la rate. «Pour soutenir le poumon représenté par le métal, conclut le médecin vaudois, il faudra apporter une attention toute particulière à la nourriture.» Un discours tout en images qui, dans la pensée chinoise, est une invitation à entamer une discussion avec soi-même pour prévenir, plutôt que guérir, les maux qui viennent.
Expérimenter la flottaison pour s’extraire du monde
Bruits, stress, pollution: pas facile de trouver un moment pour soi dans l’ébullition quotidienne, surtout lorsque notre mental est tiraillé entre les anticipations du futur et les aléas du passé. S’isoler du monde pour se reconnecter à soi, à ses ressentis, à sa réalité de l’instant, c’est le concept de la flottaison, dont le nombre de centres est en augmentation en Suisse. Le principe? Se coucher dans un cocon rempli de 1000 litres d’eau et de 550 kilos de sel d’Epsom (sulfate de magnésium), plongé dans l’obscurité et l’absence de bruit, pour atteindre un repos complet des sens. «La densité de l’eau fait que la substance ressemble plus à un fluide qu’à un liquide», explique le Dr Michael Ljuslin, conseiller médical du centre de flottaison Origin à Genève, qui propose cette expérience depuis quelques semaines.
En apesanteur, le corps «flotte», libéré de la contrainte de la gravité. Avec une eau à 36,4°, la température de la peau, le corps n’a plus besoin de générer de chaleur. «Le but est de se couper de toutes les sensations et sollicitations extérieures pour être totalement présent à sa réalité personnelle de l’instant», poursuit le médecin genevois. La flottaison crée une bulle qui permet aux différents potentiels humains de se révéler, potentiels qui sont spécifiques à chacun. Pour le spécialiste, «ces expériences, qui sont très similaires à la méditation, peuvent être provoquées parce que l’activité du cerveau ralentit et passe dans un mode plus intégratif».
Des sportifs l’utilisent également pour faciliter l’entraînement et la récupération. En 2018, le neuropsychologue Justin Feinstein a démontré dans une étude que cette technique réduisait considérablement l’humeur anxieuse et dépressive et générait en contrepartie du calme et du bien-être qui perdurent au-delà de la flottaison. Mais plus largement, même si les mécanismes à l’œuvre ne sont pas encore totalement compris, l’isolement sensoriel en apesanteur créé par le cocon pourrait avoir des effets bénéfiques sur le sommeil, la créativité et le stress. En attendant plus d’études sur le sujet, la flottaison est en tout cas un bon moyen de lâcher prise et de se régénérer pour ceux qui en ont besoin.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 10/01/2021.