L’hypnose en 10 questions
1. En quoi consiste réellement l’hypnose?
Loin des séances spectaculaires mises en scène ou intimidantes, la pratique de l’hypnose vise surtout à se laisser absorber tranquillement dans ce que l’on perçoit dans l’instant. Cela peut être dans un simple but d’ancrage – le fameux «ici et maintenant» – ou avec un objectif plus spécifique. Il peut par exemple s’agir d’affronter une situation stressante, la douleur ou encore la mise à distance d’une substance addictive. La souffrance vient de l’incapacité à «faire avec» ce qui se passe. Or si on ne peut changer certaines situations a priori immuables, on peut en revanche modifier la façon dont on les vit. C’est ce que propose l’hypnose: parvenir à composer avec notre réalité perçue, même pénible, et la laisser se transformer en une forme d’apaisement.
2. Existe-t-il des indications spécifiques à la pratique de l’hypnose?
Pas vraiment. Dans la vie de tous les jours, pratiquer l’hypnose constitue surtout une occasion de prendre soin de soi. Elle représente un moment à la fois sûr et intime permettant de se «ré-ancrer», de faire une pause en s’éloignant de ses préoccupations pour se retrouver simplement avec soi-même, en se laissant vivre le cours de son existence. Sans le savoir, il s’agit d’un processus que nous faisons chaque jour ou presque. Ce sont tous ces moments où nous nous laissons aller et relâchons la pression. Parler d’hypnose revient à mettre un nom sur une expérience en réalité très naturelle où nous plongeons dans l’intensité de l’instant. Pour certains, le processus se fera au détour d’une balade, en contemplant la nature, pour d’autres, en se laissant emporter par une musique ou en savourant un café et en laissant son esprit s’évader. Ces moments sont propres à chacun. Il est précieux de pouvoir identifier les siens pour les cultiver.
3. Certains bienfaits de l’hypnose dite «médicale», autrement dit pratiquée dans le cadre de soins, ont-ils été démontrés?
Désormais objet de recherches poussées, l’hypnose a prouvé son efficacité dans plusieurs domaines, en permettant au patient de mieux «faire avec» ce qu’il perçoit de sa maladie, de son traitement ou de son existence. Parmi ses bénéfices concrets: un moindre recours aux antalgiques chez des personnes souffrant de douleurs ponctuelles ou chroniques, la possibilité d’envisager des anesthésies locales et non plus générales pour certaines interventions, ou encore une meilleure récupération physique après des opérations chirurgicales. Elle est par ailleurs de plus en plus utilisée en pédiatrie où ses résultats sont spectaculaires chez des enfants en proie à des peurs phobiques face aux piqûres ou à des examens médicaux.
4. Est-il nécessaire d’être accompagné d’un thérapeute pour s’initier à l’hypnose?
Si on ne traverse pas de difficulté particulière, il est tout à fait possible de s’initier seul. Et pour cause, l’exercice ne demande pas de compétence théorique particulière et est sans danger. La seule condition, mais qui peut constituer un frein en cas de trouble psychique, est de pouvoir mobiliser son attention. Pour le reste, la pratique peut être ludique et légère. De nombreux supports audio ou vidéo sont disponibles. En revanche, si l’on est dans une détresse particulière, liée à la maladie, à une peur ou à une situation de vie éprouvante, un accompagnement peut être salutaire. La pratique de l’hypnose prend d’ailleurs là tout son sens, car la notion de détresse renvoie à une épreuve de solitude angoissante, d’impuissance et surtout d’incapacité à «faire avec» ce qui se passe.
5. Comment bien choisir son hypnothérapeute?
Une ressource intéressante est la fondation IRHYS*, qui propose la liste des praticiens certifiés en hypnose. Mais il est également crucial d’écouter son ressenti et d’évaluer les résultats au fil des séances. L’hypnose est pratiquée lors de thérapies dites «brèves» qui s’étendent généralement sur une à trois séances pour un problème donné. Cela ne signifie pas que celui-ci se résoudra forcément aussi vite, mais qu’une évolution peut être attendue assez rapidement.
6. Un protocole précis doit-il être respecté pour en tirer des bienfaits?
Trois aspects intriqués dans l’expérience hypnotique peuvent être identifiés (lire encadré): l’induction (on se pose dans l’«ici et maintenant»), la transe hypnotique (l’esprit vogue vers une mission préalablement définie ou dans un simple but de détente) et la sortie de transe (le retour à un régime d’activité de veille ordinaire). Mais ces étapes constituent surtout un repère didactique pour les séances menées dans un cadre de soin. Une pratique d’«évasion» au quotidien se fait généralement d’elle-même et l’expérience est tout aussi intéressante. Quand nous nous laissons absorber par un paysage par exemple, la phase d’induction s’est faite d’elle-même, imperceptiblement, et nous sommes déjà dans une forme de transe, d’abandon. Quant à la sortie de transe, elle se fait à la seconde où nous reprenons nos esprits, qu’un son nous perturbe ou que quelqu’un nous interpelle. La bulle dans laquelle nous nous étions glissés a éclaté, mais le bienfait des quelques minutes d’évasion demeure, tout comme la possibilité d’y retourner à tout moment.
7. Sous hypnose, perdons-nous le contrôle?
Bien au contraire. Même dans le cadre d’une séance formelle, menée par un professionnel, la personne reste maîtresse d’elle-même et de la situation, à l’image du spectateur au cinéma, captivé par le film mais tout à fait apte à s’agacer si un téléphone sonne. La mission de l’hypnothérapeute est d’apporter un cadre sécurisant et bienveillant, puis d’accompagner la personne en veillant à ce qu’elle chemine bien vers l’objectif de soulagement préalablement défini. Ni plus, ni moins.
8. Existe-t-il une formule idéale pour ancrer la pratique au quotidien?
L’idéal est de pouvoir égrainer chaque jour de moments où on se laisse aller à cette expérience hypnotique. Cela peut s’organiser à partir des trois aspects identifiables de l’expérience autohypnotique (induction, transe hypnotique et sortie de transe) ou par de simples moments de détente. L’important est de pouvoir repérer ces temps où la conscience est mise sur pause pour nous permettre de développer une capacité de lâcher prise, comme si nous nous laissions aller dans le courant doux d’une rivière, sans lutter ou tenter de nager à contre-courant. Avec le temps, ces bulles d’expérience se glissent d’elles-mêmes dans nos vies.
9. Comment provoquer ces «temps de pause»?
Les techniques dites d’induction sont innombrables et s’appuient souvent sur la respiration. Mais nos cinq sens peuvent constituer de puissants alliés. Il est par exemple possible de s’installer confortablement et de porter son attention sur un objet présent devant nos yeux ou sur la lumière filtrant à travers nos paupières quand les yeux sont fermés, sur le goût présent sur notre langue, sur les sons ambiants, les odeurs propres à l’endroit où nous nous trouvons, ou encore sur les zones d’appui ou de tension de notre corps. Ce travail facilite le recentrage et éloigne subtilement les pensées préoccupantes. Allégé, l’esprit peut voguer…
10. La pratique de l’hypnose a-t-elle le pouvoir de nous changer?
Absolument. Petit à petit, et même si cela est subtil, la capacité de «faire avec» ce qui se passe s’installe. En effet, s’exercer l’espace de quelques secondes ou minutes à se laisser aller à l’instant finit par se transposer à la vie dans sa globalité, dans un mélange d’humilité et d’abandon au cours de l’existence. Nous expérimentons aussi cela au moment de l’endormissement. L’entrée dans le sommeil nécessite de se détacher des préoccupations du moment, d’avoir confiance en ce qui nous entoure, en notre propre corps, pour nous abandonner au monde, tel qu’il est.
Place à la pratique!
Acquise avec l’aide d’un thérapeute ou découverte par exemple grâce à des enregistrements, l’autohypnose est accessible à tous. Si on souhaite l’aborder dans les règles de l’art, elle comporte trois aspects identifiables quoique fluctuants – les mêmes que ceux qui caractérisent une séance d’hypnose : l’induction, la transe hypnotique et la sortie de transe. Découverte avec un exercice baptisé «La petite pause» **, dont le but est de libérer les tensions et faire le plein d’énergie.
Induction
Asseyez-vous avec les pieds bien à plat sur le sol. Votre respiration se fait naturellement, sans effort particulier. Concentrez-vous sur votre respiration et identifiez la petite pause naturelle qu’il y a entre la fin de l’expiration et le début de l’inspiration.
Transe hypnotique
- Phase 1 - Libération des tensions: à chaque nouveau cycle respiratoire, concentrez-vous sur le contact de vos pieds avec le sol pendant cette petite pause. Votre perception s’intensifie progressivement. Laissez «sortir» par les pieds «ce qui a besoin de sortir». Progressivement «soudés», vos pieds se confondent presque avec le sol (grounding). Cette sensation s’étend aux orteils, au talon, à la malléole et finalement à toute la cheville.
- Phase 2 - Remontée d’énergie: à chaque nouveau cycle respiratoire, concentrez-vous pendant toute la phase d’inspiration. Votre concentration se fixe sur la sensation de «plein d’énergie» venue du sol, de la plante de vos pieds. La sensation monte progressivement dans les chevilles, tibias, genoux, cuisses, puis le bassin, le ventre et ainsi de suite jusqu’à la nuque. Quand la sensation est montée à son faîte, prenez une profonde inspiration et bloquez l’air dans vos poumons. Gardez l’air le plus longtemps possible, puis relâchez-le brusquement et fortement avec une petite explosion de la bouche («pah!» ou «tah!»).
Sortie de transe
Bougez vos doigts, vos mains, vos orteils et vos pieds. Étirez-vous copieusement.
** Extrait du livre J’ai envie de comprendre… L’hypnose, de Yseult Theraulaz, Eric Bonvin, Adriana Wolff, Ed. Planète Santé, 2016.
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* Institut romand d’hypnose suisse (IRHYS): www.irhys.ch
Paru dans Esprit(S), la revue de Pro Mente Sana, Mai 2021.