Au bloc sous hypnose
Subir une intervention chirurgicale en étant dans un état de conscience modifié, plutôt que sous anesthésie générale? Si l’idée en effraie encore certains, elle en rassure au contraire d’autres, et fait en tout cas son chemin dans les hôpitaux. Depuis quelques années déjà, l’hypnose y est entrée, jusque dans le bloc opératoire. Longtemps présentée comme magique ou charlatanesque, elle est aujourd’hui reconnue comme un outil de soins sérieux auquel on peut recourir dans de nombreuses situations. Une situation rendue possible grâce à des évolutions à la fois sociétales et scientifiques, comme l’explique la Dre Adriana Wolff, médecin adjointe au Service d’anesthésiologie et co-responsable du programme Hypnose aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG): «Les progrès de l’imagerie et des neurosciences ont donné à l’hypnose l’assise scientifique qui lui manquait. Les recherches ont permis de mieux comprendre ses mécanismes grâce à la visualisation de l’activité dans les aires cérébrales lorsqu’un patient est sous hypnose.» De nombreuses études ont par ailleurs mis en évidence les effets bénéfiques de cette pratique dans le cadre des soins, notamment pour diminuer l’anxiété et soulager la douleur.
L’hypnose peut ainsi être utilisée en chirurgie comme alternative à l’anesthésie générale. L’hypnosédation, comme on l’appelle, est souvent associée à une anesthésie locale, voire à une légère sédation pour aider le patient à se relaxer. À tout moment, l’anesthésie peut être renforcée si nécessaire.
Pour qui?
L’hypnose est une technique intéressante pour les patients qui sont à la recherche d’une médecine plus naturelle, pour ceux qui veulent à tout prix éviter une anesthésie complète en raison de mauvaises expériences, et pour ceux qui sont trop angoissés à l’idée de se faire endormir et de perdre le contrôle. Car l’hypnose permet justement au patient d’être acteur dans la prise en charge. Pour le comprendre, il faut rappeler qu’elle est un état de conscience modifié dans lequel le patient entre grâce aux suggestions d’un praticien formé. «L’état hypnotique amène le patient à focaliser son attention ailleurs que sur son environnement immédiat. Cet état de dissociation ne le prive pas pour autant d’un contrôle de la situation, mais lui donne au contraire la possibilité de modifier ses perceptions afin de vivre plus sereinement les événements», explique la Dre Wolff.
Cette hypnose médicale n’est pas une méthode directive, au contraire, elle s’appuie sur les ressources du patient, lui seul choisira où il veut aller. Le praticien n’est là que pour le guider et l’aider à activer ses propres ressources. Dans certains cas, par exemple lorsque le patient est âgé et qu’il cumule plusieurs problèmes de santé, l’hypnosédation s’avère moins risquée qu’une anesthésie générale qui le fragiliserait.
De nombreux atouts
Les avantages de l’hypnosédation sont nombreux : éviter les effets secondaires de l’anesthésie générale et réduire ses complications. Comme l’explique Adriana Wolff, «le patient reçoit moins de médicaments, ce qui rend les suites opératoires plus confortables. Il peut manger de suite après l’intervention et sortir plus vite de l’hôpital». Grâce à l’hypnose, on peut également agir sur les effets postopératoires, poursuit la spécialiste: «On peut rendre les douleurs plus acceptables, prévenir les hématomes, diminuer les saignements et les nausées, si bien que le patient peut reprendre ses activités plus vite.» On peut également recourir à l’hypnose lors d’une consultation préopératoire pour aider le patient à mieux appréhender les changements importants que provoquera l’opération, dans le cas d’une amputation par exemple. De même, elle peut aussi être utilisée pour apporter du calme et du réconfort au patient en vue d’une anesthésie générale et rendre ainsi son réveil plus serein.
Pour quelles interventions?
Pour celles qui peuvent se pratiquer sous anesthésie locale, telles que: ablation de thyroïde ou de tumeur mammaire, chirurgie plastique, opérations gynécologiques. En revanche, l’hypnose ne convient pas aux chirurgies en profondeur comme l’ablation de la vésicule biliaire, de l’appendicite, d’une tumeur dans un poumon par exemple.
Les indications sont potentiellement multiples et tendent à se développer de plus en plus, les études dans le domaine étant nombreuses. Mais toute situation doit être évaluée au cas par cas. Et surtout, plusieurs conditions doivent être réunies: «Le chirurgien doit être ouvert à l’hypnose. Un partenariat doit se créer avec le chirurgien, l’anesthésiste et le patient, dont la motivation est par ailleurs essentielle», conclut la Dre Wolff.
Mieux vivre les soins
Depuis 2007, les patients pris en charge au Centre des grands brûlés du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) peuvent bénéficier de séances d’hypnose. Cette technique aide à soulager la douleur, diminuer l’anxiété, restaurer l’image de soi ou retrouver le sommeil. Grâce à elle, le nombre d’anesthésies générales nécessaires à certains soins peut être réduit. Une discussion avec le patient afin de connaître ses attentes et ses besoins est indispensable. «On va à la rencontre des sensations du patient pour l’aider à prendre de la distance, en s’appuyant sur ses ressources personnelles», explique Maryse Davadant, infirmière spécialisée en soins intensifs et praticienne en hypnose. Si l’hypnose ne résout pas tout, elle amène le patient vers un meilleur vécu des soins. Il a été prouvé qu’elle accélère la cicatrisation, diminue la douleur et réduit le temps d’hospitalisation de plusieurs jours.
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Paru dans Générations, Hors-série « Se soigner autrement – Gros plan sur la médecine intégrative », Octobre 2019.