Image corporelle: l’accepter, c’est la clef!
L’importance d’un regard neutre et bienveillant
On parle de plus en plus de l’importance d’une «attitude positive» vis-à-vis de son corps, mais qu’est-ce que cela signifie vraiment? Isabelle Carrard, psychologue et professeure associée à la HEdS Genève, insiste sur un point important: «Avoir une image corporelle positive de soi-même ne signifie pas s’extasier sur son physique. L’adjectif "positive" peut prêter à confusion et on préfère parler d’image corporelle "neutre". L’idée est plutôt de s’accepter tel que l’on est et de mettre en valeur ses points forts, physiques et autres. Il faut surtout être attentif et attentive à ne pas se juger et à ne pas se dénigrer. L’auto-critique mène à des comportements qui peuvent être délétères pour la santé, soit par recherche d’une solution rapide, soit par démotivation. On ne décide pas de s’accepter, c’est plutôt un point vers lequel tendre, où l’on privilégie une autre manière d’être en relation avec son corps avec moins de préoccupations esthétiques.» Ainsi, se reconnecter avec ses besoins, et les respecter au mieux, est une étape importante pour faire la paix avec soi-même.
D’un côté, la «body positive» attitude laisse entendre que tous les corps, qu’ils soient minces, ronds, petits, longs, musclés, chétifs, sont beaux et sont à valoriser. De l’autre, les réseaux sociaux imposent des standards de beauté trompeurs, via des photos retouchées à grand renfort de filtres numériques. «Aujourd’hui, nous baignons dans un monde où les images sont omniprésentes. Les critères de beauté ont évolué au fil du temps et désormais il n’y a plus qu’un seul modèle à imiter mais plusieurs, ce qui est positif. Cependant, ces modèles sont toujours inaccessibles. L’industrie de la mode, de la beauté et des produits amincissants est responsable de cela et en tire profit car elle a toujours quelque chose à vendre pour améliorer notre physique, gommer un défaut, etc.», explique Isabelle Carrard, psychologue et professeure associée à la Haute école de santé de Genève (HEdS). Avec sa collègue, Sophie Bucher Della Torre, diététicienne et également professeure à la HEdS, elles ont mis sur pied un cours en ligne ouvert à tous (un MOOC, pour Massive Open Online Course) intitulé «Une image corporelle positive pour toutes et tous: comprendre et agir»[1]. Elle explique: «L’image corporelle n’est pas uniquement ce que l’on voit dans le miroir. Elle inclut aussi la façon dont on se sent, les sentiments que l’on nourrit pour certaines parties de son corps et ce que l’on pense de celui-ci. Elle n’a d’ailleurs pas la même importance pour tout le monde.»
Une construction dès l’enfance
Cette perception de soi se construit dès l’enfance, mais évolue avec le temps. «Une image corporelle positive n’est pas quelque chose d’acquis. Elle change à chaque phase de la vie et tout le monde peut, un jour ou l’autre, se relier à son corps et apprendre à l’accepter. Pour cela, il est important de se protéger des influences extérieures et de s’extraire des discussions qui se limitent à critiquer le physique. Notre corps n’est pas uniquement une apparence, c’est aussi le véhicule qui nous permet de faire ce que l’on aime et de vivre notre vie», poursuit la spécialiste.
Le MOOC, destiné tout d’abord aux professionnels travaillant en contact avec les enfants, est aujourd’hui apprécié d’un public plus large. Il est vrai cependant que les équipes éducatives, le corps enseignant et évidemment les parents jouent un rôle important dans la construction de l’image corporelle des plus jeunes. «Les adultes doivent valoriser les enfants non pas sur des critères physiques uniquement, mais sur l’ensemble de leurs compétences. Il est également important de sortir des stéréotypes de genre encore trop répandus qui consistent à complimenter les filles sur leur apparence et les garçons sur leurs actions», insiste Isabelle Carrard. Enfin, tout commentaire en lien avec la prise ou la perte de poids est évidemment à proscrire. «La beauté est partout. Il est inutile de vouloir se ressembler. Montrer la diversité, comme le font certaines campagnes de publicité, est une bonne chose car nous sommes tous différents et spéciaux», conclut la professeure.
Image corporelle positive: mode d’emploi
Tout au long de la vie, le corps change. Certaines périodes sont plus critiques que d’autres, comme l’adolescence, la grossesse, la ménopause, etc. La vision que l’on a de lui change donc également. Quelques conseils pour garder une image positive de soi-même et aider les plus jeunes à faire de même :
- Prendre de la distance par rapport aux images qui circulent sur les réseaux sociaux et dans les médias car elles ne reflètent pas la réalité.
- Développer un sens critique par rapport aux stéréotypes de beauté: ce qui est beau dans certaines cultures ne l’est pas forcément dans une autre (preuve que tout cela est subjectif).
- Éviter de se comparer aux autres et se protéger des critiques.
- Construire une relation bienveillante avec son corps et avec soi-même.
- Ne pas se dénigrer en jugeant son corps, tabler sur ses points forts.
- Ne pas se baser sur un chiffre sur la balance ou sur les étiquettes des habits, mais se mettre en valeur en fonction de ses goûts et non du «qu’en-dira-t-on».
- Prendre soin de son corps en écoutant ses besoins, notamment en termes de faim et de satiété, en valorisant une alimentation équilibrée et en misant sur une activité physique synonyme de plaisir.
______
[1] La prochaine session de ce MOOC débute le 18 mars 2024 (https://numerique.hes-so.ch/?redirect=0&cid=273). Elle dure 4 semaines, est gratuite et ouverte à tous. Renseignements sur hesge.ch. Ce MOOC est financé par Promotion Santé Suisse et la Direction générale de la santé du canton de Genève, plus spécifiquement par le secteur de promotion de la santé et de prévention du Service du médecin cantonal.