Amertume et négativité: et si la pandémie nous avait changés?

Dernière mise à jour 15/10/22 | Article
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La crise sanitaire a exercé sur la population une pression sans précédent: la distanciation des liens sociaux, la peur en règne et, pour certains, la perte d’un être cher. Comment se reconstruire lorsque notre santé mentale a été mise à rude épreuve?

Durant des mois, nous avons vécu au rythme des statistiques, des recommandations et des restrictions en lien avec le Covid-19. La pandémie a occupé tout l’espace médiatique, ou presque. Elle nous a en outre coupés de nos ressources sociales. La peur et l’incertitude ont, quant à elles, régné en maîtres. Au cours de cette période, des symptômes anxieux et dépressifs ont émergé chez une grande partie de la population, tandis que les idées suicidaires et les tentatives de suicide ont augmenté en Suisse. Le Covid-19 a atteint notre santé physique mais aussi mentale, en nous privant des ingrédients essentiels qui la maintiennent à flot. En effet, l’être humain a fondamentalement besoin, pour son équilibre et sa santé psychique, de contacts et de relations humaines, en témoigne Martin Debbané, professeur associé à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève (UNIGE): «Il est très important de se sentir appartenir à un groupe, d’être aimé, d’être dans la tête et les projets des autres, de pouvoir jouer un rôle dans la société et se projeter dans l’avenir. Les études le montrent, les comportements d’auto et d’hétéro-agression diminuent en fonction de la qualité de nos relations aux autres et vice-versa…»

Si certains ont su réinventer des manières d’être ensemble ou ont profité de la crise sanitaire pour être davantage en lien avec eux-mêmes, d’autres ont particulièrement souffert de la solitude et l’isolement. Dans certaines familles, la disparition d’un proche a rendu cette période encore plus difficile.

Remède à l’incertitude

Dans l’épreuve, nous avons chacun et chacune nos vulnérabilités et des manières différentes de gérer les émotions négatives. Souvent, nous avons tendance à désigner un coupable: soi ou autrui. «Croire qu’il y a une cause derrière une expérience négative est un remède à l’incertitude. Notre âme n’aime pas y être confrontée. En se blâmant ou en accusant l’autre, on gagne un brin de contrôle et le sentiment qu’une action pourrait tout résoudre», explique le PrDebbané. Lorsque l’on a subi des pertes et que l’on a fait face à l’impuissance, il peut être difficile de se projeter dans l’avenir. L’amertume et la négativité peuvent prendre le dessus. On devient alors moins insouciant et notre sensibilité à l’égard des problèmes se renforce. La peur de l’avenir peut, avec le temps, se traduire par une anticipation maladive des problèmes et une dramatisation des événements. Chez certains, l’éloignement d’avec les autres aura renforcé l’idée selon laquelle on ne peut compter que sur soi-même, dans une dynamique d’auto-suffisance.

Oser réinvestir les relations

Comment se départir de ces schémas et renouer avec une vision du monde plus positive? Pour le PrDebbané, il s’agit d’abord de reconnaître l’impact majeur qu’a eu la pandémie sur notre santé mentale. Ensuite, il est nécessaire d’oser réinvestir les relations sociales et de vivre de nouvelles expériences afin de modifier peu à peu ces points de vue acquis à force d’épreuves. «En restant chez soi, on entretient sa négativité et son amertume. Alors qu’en s’exposant à l’incertitude et à la nouveauté, de nouvelles solutions et manières de penser peuvent naître», commente le spécialiste.

Au même titre que la forme physique, la santé mentale se cultive. Concrètement, on peut prévoir des temps de qualité avec les personnes que l’on aime: des repas partagés, des activités ou des sorties en famille. Pour les couples, des instants à deux où on se sent écouté. Il est important aussi d’être en lien avec soi-même. «Prenez votre agenda et examinez-le: quand avez-vous pris rendez-vous avec vous-même?», sourit le PrDebbané. Il est question de moments axés sur son plaisir et sur les relations qui nous font du bien et non de ceux où l’on répond aux besoins de notre entourage. «Il est essentiel de faire preuve de compassion avec soi-même avec autant de sensibilité, de talent et de souplesse qu’avec les autres», conclut le professeur genevois.

Demander de l’aide

Parfois, après une période difficile, on peine à relever la tête et à avancer sereinement, malgré les efforts accomplis. Des comportements agressifs envers soi ou envers les autres doivent alerter. Cela peut s’exprimer de différentes manières: vous (ou un proche) n’arrivez plus à prendre soin de vous, vous n’avez pas envie de vous lever le matin, vous êtes sans cesse dans la critique ou l’autocritique, vous vous énervez facilement, vous criez sur les autres, vous vous montrez impatient, sec, froid, critique, désobligeant, voire violent, etc. L’abus de substances, les prises de risque, l’automutilation et les passages à l’acte sont d’autres signes à prendre au sérieux. Dans ces situations, il est recommandé de consulter un médecin ou un psychothérapeute pour évaluer votre état et voir si un travail psychologique plus approfondi est nécessaire pour retrouver joie et sérénité.

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Paru dans Générations, Hors-série «Comment rebondir… dans son corps, dans sa tête, dans son couple, dans sa famille, dans sa vie», Octobre 2022.

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