Le syndrome de Meares-Irlen causerait migraines et dyslexie
De quoi on parle?
Les faits
Un article du quotidien britannique The Telegraph fait un rapprochement entre la couleur bleue des verres de lunettes que porte Johnny Depp et un trouble lié à un stress visuel peu connu: le syndrome de Meares-Irlen. Ce stress pourrait contribuer à des maux aussi divers que la dyslexie, l’autisme ou les migraines. Et il semble que la couleur bleue des verres du plus célèbre pirate de Hollywood calme ces tempêtes visuelles. Même si l’acteur n’a pas confirmé, l’intérêt pour ce syndrome mal défini augmente.
Interrogé par le magazine Rolling Stone en juin dernier sur ses habituelles lunettes bleues, l’acteur américain Johnny Depp a déclaré qu’il s’agissait de verres optiques. «J’en ai absolument besoin, sans elles ma vision est très floue», expliquait-il en substance. Et si l’acteur souffrait du syndrome de Meares-Irlen? C’est en tout cas ce que suggère le chroniqueur du quotidien britannique TheTelegraph, lui-même atteint de ce trouble assez mal défini.
Le syndrome de Meares-Irlen (ou d’Irlen) serait dû à une hypersensibilité de l’œil à certaines longueurs d’ondes, ce qui provoquerait une activité électrique trop élevée dans le cortex visuel, selon une des théories avancées. C’est pourquoi on parle aussi de «stress visuel». Les personnes qui en souffrent ressentent un inconfort de vision lié à la lumière: lorsque le regard se fixe sur une structure régulière et très contrastée (un texte ou un tissu pied-de-poule, par exemple), les lignes se décalent, bougent, «vibrent». Cette situation favoriserait l’apparition de nausées, de migraines et de certaines formes de dyslexie. Des troubles que l’on peut soulager, voire faire disparaître dans certains cas, avec des verres qui filtrent la lumière.
Ondes brouillées
«C’est un peu comme si on écoutait la radio sur une mauvaise longueur d’onde: les mots sont indistincts, c’est fatigant et énervant. Le port de filtres apporte un confort immédiat. Mais il ne guérit pas. Dans certaines migraines, par exemple, les crises s’espacent, diminuent d’intensité, voire disparaissent, mais si l’on retire les filtres, elles reviennent», explique Karin Schwarz, optométriste à Yverdon (VD).
La méthode a d’abord été appliquée aux enfants dyslexiques. «Cela a été et reste la source de certaines confusions, reprend Karin Schwarz, car les enfants qui améliorent leurs problèmes de lecture grâce aux filtres ne sont en fait pas dyslexiques selon la description classique. Ils ont une hypersensibilité à la lumière qui rend leur lecture difficile. Si l’on arrive à corriger cela, leurs problèmes de lecture se résolvent. Mais s’ils sont vraiment dyslexiques, cela ne change rien.»
Et pour compliquer le tout, le syndrome de Meares-Irlen peut vraiment cohabiter avec des troubles dyslexiques. De la même manière qu’il peut s’ajouter à des problèmes de vertiges liés à l’oreille interne, de migraine ou de handicaps visuels. On diagnostique ce syndrome lorsque les filtres soulagent effectivement les symptômes. «Chez une de mes patientes malvoyantes, par exemple, le port de lunettes avec un filtre a permis de diminuer la correction et de se passer de loupe», relève Karin Schwarz qui est spécialisée dans l’appareillage des personnes malvoyantes. Ces filtres pourraient d’ailleurs être bénéfiques pour les enfants autistes, qui ont une hypersensibilité à la lumière.
Etudes controversées
Pour l’instant, les études sur le syndrome de Meares-Irlen restent très controversées. Les pays anglo-saxons sont les plus ouverts à l’ensemble de la théorie. En Arizona, un programme pilote de dépistage obligatoire va même être mis en place dans les écoles. A l’opposé, une récente étude parue dans la revue médicale Pediatrics conclut que l’efficacité de la méthode qui consiste à corriger le syndrome en portant des filtres teintés est incertaine.
Avinoam Safran, ancien chef du service d’ophtalmologie des Hôpitaux universitaires de Genève et professeur à l’Université Paris VI, confirme que divers aspects du syndrome font l’objet de débats. «Des travaux très sérieux n’ont pas réussi à démontrer un effet significatif des filtres. Mais les études sont rendues difficiles en raison de la variété des troubles décrits.»
Les filtres soulagent sans guérir
Remède
Le syndrome de Meares-Irlen a été décrit dans les années 80 par Olive Meares et Helen Irlen, qui ont établi une méthode basée sur l’utilisation de filtres de couleurs pour éliminer ou atténuer les couleurs mal supportées par le patient. Cette méthode brevetée n’est cependant pas la seule: l’Institut d’optométrie de Londres, notamment, propose aussi un système comprenant des filtres.
Mais avant d’entreprendre la démarche, une consultation chez un médecin spécialiste est indispensable pour éliminer les causes de stress visuel liées à des problèmes ophtalmologiques.
Dans un premier temps, le patient répond à une trentaine de questions permettant de cerner ses problèmes. Puis, si l’on continue à soupçonner un stress visuel lié aux couleurs, le thérapeute essaie d’identifier la ou les couleurs problématiques avec un système de transparents teintés correspondant aux différents types de longueur d’onde.
Le système de transparents suffit à certains patients. D’autres souhaitent avoir ce filtre en permanence sur leurs lunettes. Dans ce cas, on peut encore définir la densité du filtre.
Les patients pour lesquels le système est approprié sont immédiatement soulagés. En revanche, le port de verres filtrants n’a aucun effet curatif à long terme: lorsque le patient retire ses filtres, les symptômes reviennent.
Pour le professeur, à l’évidence, la lumière n’a pas le même effet sur le fonctionnement de tous les systèmes nerveux: «Certaines personnes en bonne santé éternuent lorsqu’elles ouvrent leurs stores le matin. Regarder la télévision accentue les contractions des paupières chez les patients atteints de blépharospasme (vibration des paupières). Par ailleurs, certaines formes de migraine ou d’épilepsie sont dites photosensibles: les crises peuvent être déclenchées par une lumière papillotante chez les uns, par des reflets intenses sur l’eau chez les autres. Dans le syndrome d’Irlen, les manifestations neurologiques semblent être accentuées par certaines longueurs d’ondes de lumière. Des filtres de couleurs spécifiques apaiseraient ces manifestations. Cela reste très empirique. Mais si certains patients bénéficient de l’usage des filtres, il vaut la peine d’essayer.»
Anne-Caroline Bessero, neuro-ophtalmologue à Sion, arrive à la même conclusion. Elle mène une recherche sur la neige, dans laquelle des filtres de couleurs sont testés: «Certains patients atteints de cette hyperconscience visuelle ressentent un mieux-être, tandis que d’autres ne perçoivent aucune amélioration. La méthode doit donc être évaluée au cas par cas. Avec le surmenage visuel induit par notre façon de vivre, on peut facilement penser au syndrome d’Irlen, d’autant plus en cas de troubles de lecture. Avant de céder à l’effet de mode, il faut donc rechercher les causes de l’inconfort visuel et choisir le traitement le plus adapté.»
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