La mort subite affecte aussi les sportifs amateurs
Tous les matchs du pays ont été suspendus en Italie, le lendemain, en signe de deuil.
Permario Morosini est la dernière victime en date d’un malaise cardiaque frappant des sportifs de haut niveau en plein effort. Avant lui, ils sont nombreux ceux qui, comme le footballeur camerounais Marc-Vivien Foé, le marathonien américain Ryan Shay ou le hockeyeur russe Alekseï Tcherepanov, pour ne citer qu’eux, ont connu le même sort. L’espoir du foot britannique Fabrice Muamba qui s’est lui aussi écroulé en plein match le 17 mars, a finalement eu de la chance puisqu’il se remet aujourd’hui doucement dans l’hôpital londonien où il a été transporté. Les autres ont succombé à la mort subite d’origine cardiaque ou mort subite du sportif.
On nomme ainsi un décès «non traumatique, non violent, inattendu et qui survient dans l’heure qui suit les premiers symptômes au cours d’une activité sportive ou après», explique Gérald Gremion, médecin-chef du Swiss olympic medical center du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne. Un événement qui reste rare – «il toucherait 7 à 15 personnes en Suisse par an» – mais qui ne concerne pas que les joueurs et athlètes de haut niveau. Il peut frapper les sportifs amateurs, et même tout un chacun, y compris au repos. Mais c’est essentiellement pendant l’exercice physique que le malaise survient. «Les sportifs de haut niveau ont 40 à 50 fois plus de risques d’être victimes de cette mort subite que les sédentaires, quelle que soit leur discipline, précise le médecin du sport. En revanche, pour la population générale, pratiquer un entraînement régulier diminue ce risque de deux à trois 3 fois par rapport au manque total d’exercice.»
Pendant l’effort, on assiste en effet à «une décharge d’adrénaline qui, chez les personnes à risque, diminue le seuil de déclenchement de l’arythmie», précise François Mach, médecin-chef du service de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
C’est cette irrégularité du rythme cardiaque qui est à l’origine du mal. Le cœur s’emballe soudain, pouvant battre jusqu’à 200 ou 250 pulsations par minute (contre 60 à 80 en moyenne pour un adulte au repos). A cette fréquence, «le sang ne peut plus entrer dans le cœur et ne peut donc plus en sortir non plus», explique le cardiologue genevois. Le sang ne circule plus dans les artères coronaires qui vascularisent le cœur. Celui-ci s’arrête, «au bout de 15 à 25 secondes».
Tout dépend de l’âge
Pourquoi le cœur accélère-t-il la cadence à ce point? «Les causes varient avec l’âge», répond le médecin Gérald Gremion. Chez les moins de 35-40 ans, les plus fréquentes sont liées à une malformation cardiaque, héréditaire. L’anomalie peut se manifester dans le tissu cardiaque «qui peut être trop épais, ou renfermer des fragments anormaux, ou encore avoir une texture inhabituelle. Elle peut aussi affecter le circuit électrique qui produit les contractions cardiaques», précise son collègue genevois.
Mais un cœur normalement constitué peut également lâcher lorsque son propriétaire se livre au dopage qui favorise l’arythmie. Ou à la suite d’une commotio cordis, autrement dit d’un choc sur le cœur. Une balle de baseball ou un palet de hockey frappant brusquement le thorax, un trop fort coup de karaté porté à la poitrine peuvent dérégler le rythme cardiaque.
Ce genre de commotion peut arriver à tout âge. Toutefois, chez les plus de 35-40 ans, la mort subite est généralement due « à des maladies coronariennes connues ou inconnues», constate François Mach. Comme l’athérosclérose, provoquée par l’accumulation de corps gras dans les artères. C’est dire que les facteurs de risque sont ceux qui favorisent les maladies cardiovasculaires: hypertension, cholestérol, diabète, obésité, tabagisme et manque d’exercice physique.
Prévention efficace
Il existe toutefois des moyens de prévenir la mort subite. «Chez les moins de 35 ans, souligne Gérald Gremion, une électrocardiographie (ECG) suffit à repérer les malformations; en cas de doute, on peut aussi faire une échographie cardiaque.» En Suisse, contrairement à certains autres pays, cet examen n’est pas obligatoire pour les sportifs de haut niveau. «Cela fait des années que l’on en discute, mais la question est de savoir qui doit payer». Seul, l’Etat de Vaud propose un programme de dépistage gratuit aux étudiants des classes sports/études.
Aux plus de 40 ans qui pratiquent un sport, François Mach préconise de «faire un check-up comprenant une prise de sang, une mesure de la tension artérielle, une auscultation du cœur, un ECG, un examen du cœur aux ultrasons et un test à l’effort. Ces investigations ne comportent aucun risque, leur coût est modéré et leur bénéfice est important». Et ceux qui ont le feu vert de leur médecin pourront se lancer sans appréhension dans le marathon de Genève ou les 20 km de Lausanne.
Dix règles d’or pour éviter l’attaque cardiaque
- S’échauffer pendant dix minutes avant l’activité sportive.
- Boire quelques gorgées d’eau toutes les dix minutes pendant l’exercice.
- Éviter l’activité intense lorsque la température extérieure est inférieure à -5° C ou supérieure à 30° C.
- Ne pas fumer une heure avant ni deux heures après la pratique sportive.
- Ne pas prendre de douche froide dans les quinze minutes qui suivent l’effort.
- Éviter l’exercice physique intense quand on a de la fièvre ou dans les huit jours qui suivent une grippe.
- Faire un bilan médical avant de reprendre une activité sportive à plus de 40 ans.
- Signaler à son médecin toute douleur dans la poitrine ou tout essoufflement anormal pendant l’effort.
- L’informer de toute palpitation cardiaque pendant ou juste après l’effort.
- Lui rapporter tout malaise survenant pendant ou juste après l’effort.
Chaque minute compte
Un sportif s’écroule sur le terrain, un passant s’effondre sur le trottoir. Ces personnes sont inconscientes, leur pouls ne bat plus, elles ne respirent plus. Elles ont fait un malaise cardiaque.
Il faut agir, et vite, car si l’on intervient dans la première minute, «on augmente de 60% les chances de survie», souligne Gérald Gremion, médecin-chef du Swiss olympic medical center du CHUV.
Que faut-il faire? D’abord, donner l’alerte en composant le 144 pour appeler les secours. Puis faire un massage cardiaque, en appuyant fort et vite sur la poitrine du malade. «Même si vous ne savez pas le faire, il faut essayer», conseille François Mach, médecin-chef du service de cardiologie des HUG. En revanche, précise-t-il, «la ventilation, c’est-à-dire le bouche à bouche, n’est pas obligatoire». Enfin, s’il y a un défibrillateur aux alentours – de nombreux lieux publics en possèdent – l’utiliser en suivant les instructions vocales.
La clé du succès réside dans la rapidité. Plus on attend, moins on a de chance que le cœur se remette à battre et, même s’il repart, le cerveau qui a été privé d’oxygène risque d’en garder des séquelles.