Vivre une scolarité heureuse malgré ses troubles d’apprentissage
Pratique
L’Aspedah (association suisse romande de parents et d’adultes concernés par le trouble du déficit d’attention/hyperactivité) propose des informations, des adresses de spécialistes, du coaching parental, des rencontres et des conférences pour aider les familles et les personnes touchées à mieux vivre avec le TDA/H.
www.aspedah.chPas facile de suivre un programme d’enseignement quand les élèves ont différents troubles qui nécessitent une attention particulière. «Lorsque l’enseignant constate un problème chez un de ses élèves, il est primordial qu’il ne reste pas seul avec cette difficulté. Il peut alors mettre en place un réseau avec des experts afin de croiser les regards et d'évaluer les besoins spécifiques de l’enfant, explique Nicolas Bindschedler, attaché de direction au Département de la formation et de la jeunesse du Canton de Genève. Les solutions inclusives sont préférées dans une logique de bien-être de l’enfant.» Pour parvenir à bien encadrer ces élèves, le canton de Genève déploie, depuis la rentrée 2017, des équipes pluridisciplinaires composées d’un logopédiste, d’un psychologue, d’un éducateur et d’un enseignant spécialisé. «Cela permet de proposer un meilleur suivi scolaire, voire d'anticiper d'éventuelles situations de crise en améliorant la capacité d'encadrement de l'école primaire», poursuit Nicolas Bindschedler.
Dans le canton de Vaud, les établissements scolaires ont des enseignants spécialisés qui viennent en renfort des enfants ayant des problèmes d’apprentissage. Les autres spécialistes interviennent également en fonction des troubles associés. «La pédagogie dispensée dans la classe est la clef du succès, affirme Philippe Nendaz, chef d’office au Service de l'enseignement spécialisé et de l'appui à la formation. Proposer un casque à l’enfant pour lui éviter les distractions sonores, structurer son activité, lui proposer une tablette ou un ordinateur pour varier ses supports sont de petits aménagements qui peuvent faire la différence. Aujourd’hui, une classe dont aucun élève n’a de besoins particuliers, c’est très rare. Il faut donc impérativement outiller le mieux possible les enseignants.» La nouvelle loi sur l’enseignement spécialisé qui entrera en vigueur en 2019 dans le canton de Vaud devrait octroyer davantage de moyens à l’école afin de renforcer les ressources à disposition des élèves avec des troubles de l’apprentissage, des retards de développement et même des handicaps.
Même son de cloche en Valais, où des enseignants spécialisés interviennent régulièrement dans les classes pour soutenir les enfants concernés par un trouble de l’attention. De plus, chaque enseignant reçoit une fiche de conseils pour mettre en place les meilleures stratégies possible. En cas de difficultés sévères, une scolarisation dans une institution spécialisée peut être envisagée. «Il n’existe toutefois pas de classes réservées uniquement aux troubles de l’attention, explique Guy Dayer, chef de l’Office de l’enseignement spécialisé du Valais. Comme ces élèves ont souvent d’autres problèmes associés (par exemple dyslexie, dysorthographie, etc.), nous essayons d’avoir une approche globale qui prenne en compte les besoins individuels».
«Il y a dix ans on parlait d’enfants agités, on ne connaissait pas vraiment ce trouble»
Rebecca* enseigne depuis dix ans dans une école primaire d’une commune de l’ouest lausannois. La jeune femme a chaque année plusieurs enfants présentant des troubles de l’apprentissage. Elle a mis au point différentes stratégies pour réussir à les canaliser et leur permettre d’apprendre aussi bien que les autres. «Je n’ai reçu aucune formation sur le TDA/H et il a fallu que je me documente par moi-même afin de faire face aux problèmes de ces enfants particuliers», explique-t-elle.
Les réseaux, ces rencontres avec les différents thérapeutes et spécialistes qui suivent l’enfant, sont indispensables pour mieux cerner le problème et aider l’élève en fonction de ses difficultés. En classe, certains aménagements sont nécessaires. «Je commence par bien expliquer le déroulement de la journée afin qu’il y ait le moins d’inconnues possible, poursuit Rebecca. Cela limite le stress. Je propose également des pauses actives pendant les cours à tous mes élèves. On fait des exercices d’agilité, de concentration. De manière générale, on bouge énormément. Comme l’élève TDA/H a besoin de se lever, c’est lui qui distribue les feuilles à ses camarades, ou qui ouvre les fenêtres, arrose les plantes, entre autres.»
L’enseignante, qui a une classe de cinquième primaire, adapte également son matériel de cours pour éviter de perdre l’attention des enfants TDA/H. Les consignes sont courtes et les tâches sont fractionnées. «Il faut aussi éviter toute source de distraction, précise-t-elle. L’élève ne doit pas être assis près de la porte ou de la fenêtre. Je le place suffisamment proche du tableau sans pour autant le mettre trop près de moi, ce qui pourrait l’angoisser. Au besoin, je mets des classeurs de part et d’autre de son bureau pour créer une bulle autour de lui.»
Avec la politique de l’école inclusive, Rebecca constate que son métier est en mutation. «Nos classes changent énormément et nous aurions besoin d’un coaching approprié pour gérer les particularités multiples de nos élèves. Elles engendrent une charge de travail monumentale car, pour quelques étudiants sur une vingtaine, je dois totalement revoir mon programme. Je suis pleinement d’accord avec l’école inclusive, mais c’est une utopie de croire que nous pouvons y arriver sans moyens supplémentaires.» La jeune femme déplore notamment un manque d’espace en classe, car il y a trop d’élèves dans chacune d’elles, et des aires de récréation pas adaptées, ne permettant pas aux TDA/H de se dépenser suffisamment.
* Prénom d’emprunt.
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Publié dans le supplément «Votre santé» de La Côte Hebdo en novembre 2018.