L’activité physique pour «muscler» le cerveau
Bouger est bon pour le cerveau: la science l’a prouvé. L’exercice physique améliore les fonctions cognitives, c’est-à-dire les capacités intellectuelles. «Les études ont montré des effets positifs sur la mémoire même avec des efforts de très petites durées, comme un quart d’heure de vélo trois fois par semaine», déclare le Dr Idris Guessous, chef de clinique a l’Unité de prévention communautaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et médecin responsable de l’Unité d’épidémiologie populationnelle aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Parmi les bénéfices constatés: des scores plus élèves aux tests de mémorisation, des réactions plus rapides et une amélioration de l’état d’esprit. Et ce, au bout de quelques mois déjà. «Ces résultats sont assez consistants dans la littérature scientifique», confirme le spécialiste.
Le lien entre activité physique et capacités de mémorisation a été démontré aussi bien chez les jeunes adultes que parmi les sujets âgés. Récemment encore, une étude, réalisée a l’Université de l’État du Michigan, aux États-Unis, a confirmé que les personnes physiquement actives retenaient plus facilement des associations de mots (par exemple «clé» et «porte», «voiture» et «roue», «savon» et «baignoire») que les personnes sédentaires. Les scientifiques admettent également que la pratique d’une activité physique pendant une demi-heure trois fois par semaine contribue à freiner le déclin des capacités mentales lié à l’avancement en âge. Certains affirment même qu’une heure d’exercice par jour permettrait de diminuer presque de moitié l’incidence de la maladie d’Alzheimer. D’après Laura Jean Podewils, chercheuse au Center for Disease Control and Prevention (CDC) à Atlanta, on est «proches de placer la prévention des détériorations cognitives liées à la démence sénile dans la longue liste des bienfaits de l’activité physique».
Pourquoi ça fonctionne
Comment expliquer ces effets? On dit que le sport «oxygène le cerveau». Plus concrètement, il entraîne la formation de nouveaux neurones. Les parties du cerveau sollicitées lors de tâches cognitives comme la lecture ou les maths, par exemple, sont activées. Mais la pratique régulière du sport ferait aussi augmenter le volume de l’hippocampe, une zone du cerveau où sont stockées les informations de la mémoire. Normalement, avec l’avancement en âge, la taille de l’hippocampe rétrécit, induisant des déficits de la mémoire et un risque accru de démence. Cependant, cette évolution naturelle apparaît moins marquée chez les personnes physiquement actives. La pratique sportive permettrait même de retarder le processus d’une année, voire de deux. Elle entraînerait une augmentation du volume de la partie antérieure de l’hippocampe pouvant aller jusqu’à 2%, ce qui se traduirait concrètement par une amélioration de la mémoire spatiale. Des chercheurs américains ont établi que cet effet de l’exercice physique sur l’hippocampe peut se produire même à un âge avancé, lorsque la taille de cette région cérébrale a déjà diminué. «En fait, on pourrait presque dire que l’activité physique fait augmenter le volume du cerveau comme elle permet de gagner du muscle au niveau du corps», déclare Idris Guessous.
L’effet bénéfique de l’activité physique sur l’humeur est également bien documenté. Des équivalences ont été établies avec les antidépresseurs. Ainsi, il suffirait de trente minutes d’exercice intense par semaine pour soulager les symptômes d’une dépression majeure aussi bien que peuvent le faire ces médicaments. Le taux de rechute à une année d’intervalle serait même quatre à cinq fois plus faible! Dans une prise de position scientifique datant de 1999, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) affirme que la pratique d’une activité physique comme la course à pied réduit le risque de dépression de plus d’un tiers. Ce qui représenterait un potentiel d’économies de 531 millions de francs par an au niveau national.
S’il semble assez évident qu’une bonne oxygénation du cerveau profite au psychisme, les scientifiques sont bien en peine quand il s’agit de décrire les mécanismes responsables des propriétés antidépressives de l’activité physique. «On n’a pas, ou peu, de pistes d’explication, reconnaît le Dr Idris Guessous. En fait, on ne sait pas pourquoi les gens se sentent mieux lorsqu’ils font du sport. On peut tenter d’établir des associations, mais il est délicat de conclure à des liens de causalité.» Relevons que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de pratiquer une activité physique d’intensité modérée à raison de deux heures et demie par semaine au moins. A intensité élevée, il faut compter une heure pour satisfaire aux recommandations officielles.
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Paru dans Générations, Hors-série «Tout savoir sur notre mémoire», Novembre 2016.