Pour bien vieillir, prenez soin de vos dents et de votre bouche!

Dernière mise à jour 02/02/16 | Article
Pour bien vieillir, prenez soin de vos dents et de votre bouche!
Les répercussions d’une mauvaise santé bucco-dentaire sur la santé des personnes âgées sont encore sous-estimées. Or le vieillissement de la population en fait un enjeu de santé publique majeur.

De quoi on parle

Au début du mois de décembre, les Ligues de la santé ont alerté la population sur une problématique qui prend de l’importance avec le vieillissement de la population et qui tend à devenir un problème de santé publique majeur: la santé bucco-dentaire des personnes âgées. Bien que la santé bucco-dentaire ait une forte influence sur la qualité de vie tant physique que psychique des aînés, on estime qu’en France elle est mauvaise chez plus de 35 à 50% des personnes âgées. En Suisse, plus de 30% des personnes entrant en EMS seraient affectées.

Autrefois, dans certains cantons, les jeunes mariés peu fortunés se faisaient arracher l’ensemble des dents et poser un dentier pour se mettre à l’abri de futurs coûts dentaires. Même sans en arriver là, les personnes âgées ont longtemps eu un dentier. On considérait même qu’il était normal de perdre ses dents en vieillissant. Mais les temps changent. Parmi les pays en pointe de la santé des personnes âgées, le Japon a institué un objectif de santé publique pour ses aînés: 20 dents en bon état à 80 ans! La santé bucco-dentaire n’est pas qu’une question esthétique ou concernant la qualité de vie. Elle a de larges répercussions sur la santé en général. «Il s’agit d’un élément clé du bon vieillissement, alors que de nombreuses personnes âgées ont une mauvaise santé buccale. C’est une problématique que l’on retrouve dans tous les pays industrialisés», explique Patrick Hescot, chirurgien-dentiste en France, expert pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et président de la Fédération dentaire internationale.

La conséquence principale d’une mauvaise santé buccale chez la personne âgée est la malnutrition. Un tableau excessif? Pas du tout! L’inconfort ou la douleur provoqués par un appareil mal adapté, des maux de dents ou une infection buccale empêchent en effet une bonne mastication. La personne sollicite alors moins les muscles de sa mâchoire qui s’atrophient, tandis que la mastication devient encore plus difficile. Au plan général, l’assimilation des aliments se faisant mal, la masse musculaire corporelle fond, ce qui accroît le risque de chute et fragilise les os. La malnutrition de la personne âgée a aussi pour conséquence une baisse de son immunité, alors même qu’elle se trouve déjà dans une situation fragile à cet égard.

La maladie parodontale

La santé dentaire des aînés peut aussi être mise en péril par une diminution du flux salivaire. Celle-ci résulte généralement d’une atrophie des glandes salivaires liée à l’âge, mais peut aussi être liée à la prise de certains médicaments. Or la salive joue un rôle très important dans la prévention des caries car elle permet un nettoyage naturel des dents, en tout cas partiel. Elle possède en plus un rôle antibactérien, participe à la digestion et reminéralise l’émail. Tout cela fait qu’une diminution de la salive favorise l’apparition de la plaque bactérienne et l’inflammation des gencives (parodontie, voir infographie). En résultent fréquemment des caries, mais les lésions peuvent aller jusqu’à la destruction de l’os de la mâchoire.

Problèmes rhumatismaux et cardiovasculaires

Patrick Hescot rappelle également le lien existant entre une mauvaise santé bucco-dentaire et des pathologies non buccales, en particulier certaines infections, mais aussi des problèmes rhumatismaux et cardiovasculaires. Comment est-ce possible? «Les vaisseaux des dents sont reliés à l’organisme par des vaisseaux sanguins. Par conséquent, leurs microbes peuvent toucher l’ensemble du corps. Un staphylocoque d’origine dentaire peut ainsi infecter le cœur, les poumons, les articulations, les yeux ou encore le nez avec à la clé des maladies graves, en particulier chez une personne âgée déjà vulnérable.»

Conseils d’hygiène bucco-dentaire

Comment garder la meilleure dentition possible au fil des ans?

Le docteur Hescot rappelle quelques principes de base: 

  • Brossage de deux minutes deux fois par jour en utilisant un dentifrice fluoré. 
  • Entretien soigneux de la prothèse s’il y en a. 
  • Recours au fil dentaire le soir. 
  • Bains de bouche en complément. 
  • Chewing-gum sans sucre après une prise d’aliment. 
  • Alimentation équilibrée (attention aux sucres cachés et au grignotage!). 
  • Boire souvent en petite quantité (voire utiliser de l’eau en spray et des gels humectants) pour combattre la sécheresse buccale. 
  • Visite régulière, au moins une fois par an, chez le dentiste. 
  • Détartrages réguliers chez l’hygiéniste dentaire.

Enfin, en raison de l’inflammation qu’il provoque, le mauvais état des gencives est un facteur de risque cardiovasculaire supplémentaire. Christophe Bula, chef de la gériatrie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), confirme que le risque infectieux chez les personnes âgées est lié à la santé dentaire: «Chez ces personnes, le risque de malnutrition est multiplié par quatre ou cinq, explique le professeur. Les problèmes infectieux augmentent également et sont encore accentués chez les patients qui ont des problèmes de déglutition liés à une maladie (alzheimer, par exemple). Ces personnes avalent une salive chargée en bactéries, ce qui augmente le risque de faire une infection des voies respiratoires. Mais on peut faire diminuer ce risque en améliorant la santé bucco-dentaire grâce à des soins comme le détartrage, les visites régulières chez le dentiste, etc. Cela a été notamment démontré au Canada chez des résidents d’EMS.»

Baisse de l’estime de soi et isolement social

Le problème de la santé bucco-dentaire des personnes âgées renvoie par ailleurs à une réalité sociale et individuelle délicate. «Nous voyons régulièrement en soins aigus des patients qui ont des prothèses inadaptées ou des problèmes de santé dentaire, poursuit Christophe Bula. Si l’état est catastrophique, cela peut traduire un problème d’intégration sociale. C’est aussi un marqueur global de l’état de santé de la personne.»

Un EMS aménage dans son enceinte un cabinet dentaire à destination de ses résidents

La Fondation Primeroche a profité de la construction de son nouveau bâtiment Le Grand Pré à Prilly (VD), un EMS psycho-gériatrique, pour améliorer la prise en charge des soins dentaires de ses résidents. Un modèle qui pourrait inspirer les autres établissements du genre. 

Un espace bien-être a été aménagé dans lequel se trouve un cabinet dentaire avec chaise, fraise, bassin. En d’autres termes, tout ce qui est nécessaire pour le traitement des dents. Le tout est mobile, si bien que les patients peuvent être traités dans leur lit si nécessaire. «Cela diminue beaucoup le stress des résidents», explique Christian Weiler, directeur de la fondation. 

Cela n’empêche pas les personnes qui le désirent de se faire soigner par leur dentiste habituel. Mais le déplacement est souvent source de stress et de complications. 

«C’est assez nouveau que les résidents entrent chez nous encore pourvus de leurs dents. Le personnel était habitué à s’occuper des prothèses, mais les soins dentaires demandent une qualification. Nous pouvons ainsi proposer les soins d’une hygiéniste dentaire et d’un dentiste. Quand nous avons ouvert, plus de 30% de nos patients souffraient de problèmes d’hygiène dentaire ou de problèmes dentaires», explique Christian Weiler.

Pour le directeur, de bons soins dentaires représentent un élément essentiel de la qualité de vie de la personne âgée, au même titre que la vue et l’audition.

Une mauvaise santé dentaire représente enfin un facteur d’isolement social. «J’ai vu des gens dont l’état des dents les empêchait de sourire, de prendre part à une conversation, c’était une vraie barrière aux contacts sociaux», souligne Christophe Bula. Les raisons peuvent être multiples: isolement, difficulté à se déplacer pour aller chez le dentiste. Difficultés financières aussi, puisque les soins dentaires ne sont pas pris en charge par les assurances en Suisse. Mais il y a aussi une retenue du personnel soignant, que ce soit à domicile ou en institution, à aider une personne âgée qui ne le demande pas, à brosser ses dents par exemple, alors que cela se fait sans problème pour les prothèses. «On entre dans la sphère intime. Il faut que l’on trouve la bonne distance pour ne pas infantiliser les gens», commente le professeur. La solution passerait-elle par une offre, dans les EMS, de soins dentaires spécialisés? A en croire certains établissements (lire encadré), cette utopie est en passe de se réaliser.

En collaboration avec

Le Matin Dimanche

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