Bien vieillir se prépare tôt
Il n’y a pas si longtemps, 65 ans était un âge qui se vivait dans l’ombre d’une jeunesse révolue, les épaules voûtées par le poids des ans. Aujourd’hui, sous nos latitudes privilégiées, cet âge est bien souvent celui d’un renouveau vers une vie plus légère, débarrassée des contraintes professionnelles, et surtout en pleine santé. «L’écart entre l’âge chronologique, objectif et implacable, et l’âge biologique reflété par le corps peut être impressionnant», constate la Dresse Nicole Doser, gériatre à l’Ensemble hospitalier de La Côte (EHC) à Morges. Si ce décalage est souvent réjouissant, il se révèle aussi très disparate selon les individus. Terrain génétique, épreuves traversées, qualité de l’hygiène de vie: les années ne se soldent pas par le même décompte pour tout le monde. Les critères évalués lors des bilans? «La présence de maladies chroniques et de facteurs favorisant leur survenue, tels que le surpoids, le tabagisme ou encore le manque d’activité physique, mais également l’autonomie dans les tâches quotidiennes, les capacités cognitives (mémoire, raisonnement) et physiques (marche, équilibre notamment). Cela nous donne une photographie de la santé de la personne et surtout de ses besoins, explique la spécialiste.
En bref
Chiffres
En Suisse, l’espérance de vie a atteint 81 ans pour les hommes et 85,2 ans pour les femmes en 2014, du jamais vu. D’ici 2030, 20% de la population vaudoise aura plus de 65 ans.
OMS
Entre 2000 et 2050, la proportion de la population mondiale de plus de 60 ans va doubler, passant d’environ 11 à 22%. Face à ce «tsunami gris» annoncé par les spécialistes, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis sur pied une stratégie et un plan d’action mondiaux (GSAP) dont l’objectif est aussi ambitieux que simple à résumer: que chacun puisse vieillir en bonne santé. Premier volet d’action dès 2016, en perspective d’une décennie mondiale pour le vieillissement en bonne santé (2020-2030). A suivre.
Vaud
Parmi les structures d’aide présentes dans le canton de Vaud:
- Centres d’accueil temporaire (activités, soins, suivi médicosocial): www.vd.ch/cat
- Etablissements médicosociaux et Bureau régional d’information et d’orientation médico-sociale: www.vd.ch/ems
- Quatre centres de mémoire dans le canton de Vaud (informations, prise en charge médicale, aide à domicile): www.vd.ch/centres-memoire
- Alzheimer Vaud et Alzami Pro (aide à domicile pour les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer): www.alzheimer-vaud.ch
- Pro Senectute (conseils, visites, activités): www.vd-prosenectute.ch
Repousser la perte d’indépendance
Derrière cela, un objectif clair: repousser toujours plus loin la perte d’indépendance, ennemie majeure de l’âge avançant. «Trois profils se dessinent lors des consultations, expose la Dresse Doser. Il s’agit des types “robuste”, “vulnérable” et “dépendant“». Les termes sont techniques, mais les réalités qu’ils reflètent, très concrètes: «Une personne “robuste” présente parfois une maladie chronique mais elle est en bonne santé générale. Une personne “vulnérable” vit avec au moins deux maladies chroniques et une fragilité l’exposant à un haut risque de dépendance si un incident physique ou psychique survient. Quant à la personne devenue “dépendante”, elle a besoin d’une aide 24 h sur 24 h pour subvenir à ses besoins quotidiens, explique la gériatre. Tout l’enjeu est de retarder au maximum le passage de l’une à l’autre de ces catégories».
Le secret? Il se concocte dans chaque recoin d’une vie qui se veut la plus saine possible… Le plus tôt possible. Les ingrédients: une activité physique régulière (viser une demi-heure de marche trois à cinq fois par semaine par exemple, mais aussi des étirements et des pratiques faisant travailler l’équilibre, comme le Tai Chi), une alimentation équilibrée (miser notamment sur les produits laitiers pour l’apport en calcium, des fruits et des légumes variés pour limiter les risques de maladies cardio-vasculaires), une réduction des substances délétères que sont le tabac et l’alcool en excès, une bonne couverture vaccinale (contre la grippe, mais également contre la pneumonie dès 65 ans). Les bienfaits de ces démarches se multiplient entre elles: «Le fait d’adopter un mode de vie plus sain profite aux artères, aux organes, mais également à nos neurones!, indique la Dresse Doser. Bien sûr faire des exercices pour stimuler la mémoire est profitable, mais la meilleure façon de l’entretenir est d’adopter un mode de vie sain.»
En EMS, nouveau souffle… connecté
Espace cybercafé, wi-fi dans les chambres, activités via tablettes et objets high-tech: les établissements médico-sociaux (EMS) se réinventent! «Nous sommes dans un entre-deux, explique Olivier Talon, responsable animation EMS et centre d’accueil temporaire (CAT) à l’Ensemble hospitalier de La Côte à Morges. La plupart de nos résidants sont peu familiarisés avec Internet, mais certaines personnes que nous accueillons ont conservé leur ordinateur pour suivre l’actualité, répondre à leurs mails. Nous nous préparons à ce changement dans les habitudes et objets du quotidien et nous intégrons déjà ces nouveaux outils dans les animations proposées.» Si ces innovations donnent un nouveau souffle à la vie des EMS, elles s’imposent en parallèle d’un autre impératif: développer un accompagnement toujours plus personnalisé. «Cet objectif est crucial, indique Olivier Talon. Pour certains, il s’agira de rétablir un lien social au sortir d’années de solitude, pour d’autres de raviver des passions éteintes par la maladie… Au cas par cas, l’enjeu est de miser sur les ressources restantes et tout faire pour qu’à travers elles, les personnes se sentent valorisées à nouveau, bien vivantes et toujours elles-mêmes.»
La solitude
Un autre ennemi, plus insidieux, est à traquer: la solitude. «Le retrait de la vie sociale et l’isolement au quotidien sont très dangereux, alerte la gériatre. Moins sollicités, corps et esprit perdent de leur vivacité avec le risque d’un glissement vers un état de faiblesse et de déprime dont il peut être difficile de se relever avec l’âge.» Et de témoigner: «A l’inverse, les personnalités vives, qui auront toute leur vie été animées d’une belle force de caractère et d’une ouverture d’esprit, auront sans le savoir préparé leur confrontation à la vieillesse. Car bien souvent, nous affrontons les difficultés liées à l’âge comme nous avons affronté les autres épreuves jusque-là. Bien vieillir est en réalité le travail de toute une vie.»