Soigner les maux par les mots
En mettant par écrit son expérience de la maladie, ses pensées et ses espoirs, mais aussi en composant des poèmes, inventant des histoires et faisant travailler son imagination, on peut se faire du bien. À ce titre, il arrive que l’écriture thérapeutique soit intégrée dans une prise en charge médicale. Les patients peuvent participer à des ateliers d’écriture en groupe ou en individuel, encadrés par un art-thérapeute ou un médecin (lire encadré).
L’écriture thérapeutique est principalement utilisée en psychothérapie et en psychiatrie, ainsi qu’auprès de personnes âgées (EMS, services gériatriques). Mais d’autres domaines commencent également à y avoir recours. «Elle se pratique, dans une moindre mesure, en cancérologie ou pour des maladies chroniques comme le diabète», confirme Aude Fauvel, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut des humanités en médecine à Lausanne.
Améliorer la communication
En psychiatrie, la pratique est reconnue et très utilisée depuis les années 1980. Dans les autres domaines en revanche, les avis sont divergents: «Certains voient l’écriture comme une occupation. Elle aurait un rôle de soutien et permettrait aux personnes d’être simplement actives, typiquement en prison, déclare Aude Favel. D’autres pensent qu’il y a un réel aspect thérapeutique dans la pratique de l’écriture, avec des améliorations apportées à la fois au pronostic des patients et aux rapports qu’ils ont aux institutions de santé et aux professionnels de soin».
L’écriture a l’avantage de permettre d’extérioriser ses émotions. Pour Nayla Chidiac, docteure en psychopathologie, fondatrice des ateliers d'écriture thérapeutique au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris, elle est une forme de purification. «Tous les mots qui tournent en boucle dans la tête sortent au moment où on les écrit, ce qui permet de faire de la place», explique-t-elle. L’écriture permet ainsi de se libérer des pensées et émotions qui débordent, comme un défouloir. En écrivant, c’est aussi le subconscient qui s’exprime. «Selon moi, ce qui a fondamentalement des vertus thérapeutiques, c’est la surprise, estime Katia Delay, directrice de la Fadak, un centre d’art-thérapie lausannois. Lorsqu’on écrit, parfois surgit un personnage, un symbole ou un objet, complètement inattendu, et qui, après coup, va nous ouvrir les yeux sur un implicite non nommé et lui donner forme.»
L’écriture permettrait également de s’occuper des facettes parfois sous-estimées de la maladie: la perception subjective et individuelle, ainsi que le vécu social de la maladie, l’étiquette que doit porter un cancéreux ou un schizophrène par exemple. «Ce n’est pas parce que l’on va mieux sur un plan biologique que l’on arrive à mieux vivre. L’écriture serait un moyen de faire ressortir ces autres facettes dans la prise en charge médicale», avance Aude Fauvel. L’expérience individuelle peut être clairement formalisée par l’écriture. Écrire permet de donner une forme à ce qui n’en a pas, mettre des mots sur quelque chose qui est de l’ordre de la souffrance. Cela permet aussi de s’en éloigner.
Enfin, écrire permet de témoigner. En écrivant ce qui lui arrive, un patient peut faire comprendre aux médecins des aspects de la maladie qui n’ont pas affaire avec le biologique. Dans le cas d’un diabète chronique par exemple, le praticien qui se concentre sur le taux de sucre n’est pas forcément conscient de tout l’aménagement de la vie sociale que son traitement implique.
Des effets le corps
Du côté de la recherche, la plupart des études sur le sujet sont qualitatives, mettant en avant la singularité des patients et la subjectivité de leur vécu de la maladie à travers l’écriture.
Une recherche quantitative a toutefois montré que le fait d’écrire ses émotions dans un journal allège leur impact sur le psychisme. Cela diminuerait en effet l’activité de l'amygdale cérébrale, la zone du cerveau qui donne naissance à ces émotions. Du côté des personnes âgées souffrant de démences, des études ont montré que l’écriture thérapeutique participe au maintien des fonctions cognitives.
Des ateliers d’écriture
Des institutions de soins et des centres spécialisés en art-thérapie proposent différents types d’ateliers d’écriture. Au Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) par exemple, des ateliers regroupent chaque semaine six à huit adolescents pendant une heure et demie. En début de session, l’animateur annonce un mot, un début de roman, une photo, voire une musique. À partir de là, les participants sont libres d’écrire ce qui leur vient à l’esprit. Dans un deuxième temps, les textes sont lus devant le groupe. «S’exprimer par écrit est parfois plus simple que par oral, explique Anne Edan, médecin responsable de l’Unité de crise MALATAVIE, partenariat public-privé des HUG et de la fondation Children Action. Et comme les écrits restent, ils peuvent être repris et nuancés par la suite pendant une psychothérapie, ce qui n’est pas le cas avec la parole.»