Psychothérapie: quels sont ses bienfaits?

Dernière mise à jour 01/07/24 | Article
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De plus en plus de personnes ont recours à une aide psychologique au cours de leur vie. La psychothérapie est-elle efficace? Comment a-t-elle changé depuis le divan de Freud?

Dans le domaine de la santé mentale, l’accès aux soins est en plein boom. Après avoir été longtemps perçue comme un aveu de folie, réservée aux grandes souffrances existentielles ou aux pathologies sévères, la psychothérapie sous toutes ses formes se démocratise et la demande augmente. Selon une récente étude danoise, 8 personnes sur 10 rencontrent une difficulté psychique au cours de leur vie[1]. Un chiffre impressionnant qui révèle le besoin d’une aide spécialisée et disponible. Mais quels bénéfices est-il possible de retirer d’une psychothérapie? Et comment trouver la bonne personne pour nous accompagner?

Mouvements intérieurs

Le Pr Ueli Kramer, psychologue-psychothérapeute et chercheur à l’Université de Lausanne, s’intéresse à l’efficacité de la psychothérapie et en particulier au changement, soit les signes qui montrent que le travail thérapeutique est en train de fonctionner. «Pour la personne qui consulte, le but est généralement de faire diminuer la souffrance. Le changement est difficile à quantifier, mais une psychothérapie est en bonne voie quand on observe de premiers mouvements intérieurs déjà après une première séance: un changement de perception, de nouvelles idées ou l’espoir de réussir à progresser.»

Parmi les plus de 500 approches psychothérapeutiques existantes, encore faut-il savoir laquelle préférer pour obtenir les meilleurs résultats. Un choix difficile, selon les recherches du Pr Kramer: «Plusieurs méta-analyses indiquent que l’ensemble des psychothérapies testées produisent des effets comparables. La vraie question est: quelle approche est la plus adaptée à quel problème ou personne en particulier?».

Le bon feeling

Comment choisir son ou sa psy?

La première étape, c’est d’identifier ce dont vous avez besoin. Les critères peuvent être pragmatiques: homme ou femme, localité, remboursé par l’assurance? Vous pouvez également vous interroger sur le style thérapeutique qui vous conviendrait. Préférez-vous quelqu’un qui interagit beaucoup, qui laisse de la place au silence, qui propose des exercices pratiques à la maison? Il est cependant difficile de savoir ce dont on a besoin sans l’avoir expérimenté. Pour cette raison, le Pr Ueli Kramer, psychologue-psychothérapeute et chercheur à l’Université de Lausanne, recommande de s’autoriser à essayer: «Je conseille de se laisser du temps. On a le droit de faire quelques séances avec plusieurs thérapeutes pour comparer.»

Une question à laquelle s’attache par exemple à répondre l’association Trajectoires* à Genève, qui informe et oriente vers la psychothérapie. Selon son directeur clinique, le psychologue-psychothérapeute Marc Baertschi, il s’agit avant tout d’une affaire de compatibilité entre deux personnes: «La psychothérapie a de meilleures chances de réussite si on trouve la bonne combinaison thérapeute-patient ou patiente. Notre mission est d’orienter vers le réseau en proposant à chaque personne un projet de soins sur mesure, adapté à qui elle est et à ce qu’elle souhaite travailler.» À l’issue de deux entretiens, l’association oriente ainsi vers un à trois psychothérapeutes, conseillés selon les besoins exprimés.

Et la science le confirme. Si l’efficacité de la psychothérapie est similaire quelle que soit la technique choisie, c’est parce que le facteur déterminant, c’est le ou la psy. «Certains thérapeutes ont de meilleurs résultats que d’autres. Ce n’est pas l’approche qui compte, c’est la personne», concorde le Pr Kramer. Autrement dit, il faut que le ou la thérapeute soit habile (lire encadré) et que le courant passe. Un mélange de compétences professionnelles, de collaboration mutuelle et de feeling aussi appelé alliance thérapeutique. Cette notion permettrait d’expliquer pourquoi l’efficacité ne relève pas des méthodes thérapeutiques en tant que telles, mais d’un partenariat consenti des deux côtés du divan.

Explorer la vie profonde

Mais ce divan, précisément, est-il toujours d’actualité? Outil historique de la psychanalyse de Freud, il est aujourd’hui minoritaire dans les cabinets. La disposition face à face est souvent préférée par les patientes et patients, qui attendent souvent plus d’échanges avec leur thérapeute. De même, les trois à quatre consultations par semaine préconisées par la «cure de la parole» de Freud il y a cent ans ne sont souvent plus possibles. La psychanalyse s’est donc adaptée et enrichie de nouveaux courants plus contemporains.

Si la technique psychanalytique a évolué, elle reste un outil très utilisé. Partant du principe que la part inconsciente de notre cerveau est vaste mais cachée, elle cherche à développer son accès afin d’identifier les racines de nos souffrances, notamment en investiguant les expériences de la petite enfance. «La psychanalyse est un instrument d’exploration de la vie profonde. En plus de supprimer les symptômes, ce que les autres approches psychothérapeutiques visent aussi, elle va plus loin en favorisant une meilleure connaissance de sa vie intérieure, ce qui permet de se sentir plus libre. C’est une ambition qui va au-delà de soigner», défend Hervé Bridy, psychologue psychothérapeute et psychanalyste à Genève.

Défendre la psychothérapie

Qu’elle soit psychanalytique, cognitivo-comportementale ou systémique, la psychothérapie a le vent en poupe. Depuis juillet 2022, elle peut être remboursée par l’assurance de base sur prescription médicale, ce qui contribue à élargir encore l’accès aux soins psychiques. Une démocratisation qu’observe l’association Trajectoires. «Il y a peut-être moins de freins et de tabous par rapport à la santé mentale. Les gens osent plus facilement dire “J’ai besoin d’aide”. D’un autre côté, la société est moins soutenante qu’auparavant, il y a plus d’isolement, plus de pression», constate Marc Baertschi.

Une raison de plus pour promouvoir la psychothérapie et ses bienfaits, selon le Pr Kramer: «La pandémie nous a mis la puce à l’oreille, nous avons pris conscience que nous devions prendre soin de notre santé mentale. Un tiers des personnes pourraient bénéficier d’un soutien professionnel. Il faut défendre l’accès aux différentes formes de psychothérapies, car la recherche montre qu’elles aident à surmonter les difficultés psychiques.»

Qu’est-ce qui fait un bon psy?

La recherche scientifique montre que les psys qui obtiennent les meilleurs résultats sont celles et ceux qui pratiquent un certain style communicationnel. «Il s’agit d’une manière de communiquer marquée par l’empathie, la capacité à se mettre à la place de l’autre, une fluence verbale, une capacité de persuasion, d’exprimer ses émotions de manière adéquate et de parvenir à identifier et réparer les difficultés de collaboration», explique le Pr Ueli Kramer, psychologue-psychothérapeute et chercheur à l’Université de Lausanne. Pour Marc Baertschi, directeur clinique de l’association Trajectoires à Genève, «un bon ou une bonne psy est également quelqu’un qui va s’impliquer personnellement et proposer quelque chose d’unique».

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*www.trajectoires.ch

Paru dans Le Matin Dimanche le 30/06/2024

[1]https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/article-abstract/2806888