L’art au chevet de la santé mentale

Dernière mise à jour 09/10/24 | Article
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Qu’il s’agisse de danse, de sculpture, de dessin ou de musique, ces différentes formes d’expression aident les personnes en souffrance à aller mieux.

Qu’ont en commun la danse ou la peinture et les troubles alimentaires ou dépressifs? Les premières peuvent constituer une thérapie efficace pour soulager les seconds. On parle alors d’art-thérapie. «C’est une manière plus facile d’entrer en relation avec les personnes dont la parole n’est pas forcément le meilleur canal de communication. Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) par exemple, cela fait très longtemps que l’art est utilisé comme moyen thérapeutique supplémentaire. Bien avant que le métier d’art-thérapeute n’existe, des soignants ou des éducateurs proposaient déjà ce type d’approche», explique le Dr Rémy Barbe, médecin adjoint responsable de l’Unité d’hospitalisation et de l’interface santé social du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des HUG. 

Depuis une dizaine d’années, art-thérapeute est un métier reconnu par un diplôme fédéral. Un grand nombre d’institutions se tournent vers cette approche pour venir en aide à une patientèle très variée. «L’art-thérapie est favorable pour tout le monde et à n’importe quel âge, poursuit le spécialiste. Dans mon unité, nous proposons des séances en groupes à tous les jeunes hospitalisés. Contre le stress ou l’anxiété, dans le cas de troubles de personnalité ou alimentaires, l’art-thérapie a fait ses preuves. Elle est même utilisée en réhabilitation cardiaque». 

Se sentir exister

Mais comment le fait de dessiner, sculpter, danser ou peindre peut-il améliorer la santé mentale? «L’important, c'est le processus de création – et non pas le résultat –, qui permet d’activer un cycle fondamental à notre santé psychique: se laisser émouvoir et faire quelque chose de cette impression. Ce cercle vertueux est essentiel aux êtres humains, il permet de se sentir exister. Dans nos ateliers d'art-thérapie nous accompagnons les personnes à nourrir ce cycle dans la création et à le transposer dans la vie de tous les jours», explique François Lacroix, art-thérapeute et coordinateur pédagogique de la formation des art-thérapeutes à l’institut l’Atelier, à Genève. Pour ce spécialiste, cette approche est bénéfique pour traverser toutes les épreuves du quotidien (deuil, rupture, traumatismes, etc.) et aussi pour accompagner les affections plus graves comme la dépression, les troubles du spectre autistique ou encore les maladies mentales. «Les adolescents adorent la musique, c’est alors un bon moyen d’entrer en communication avec eux», précise le Dr Barbe. 

Au-delà des bénéfices apportés aux patients, l’art-thérapie est aussi un moyen de mieux les cerner. «Lorsque je reçois un jeune dans mon bureau, je ne vois qu’un aspect de son problème. Cela peut être difficile pour lui de me parler. Alors que lorsqu’il participe à un atelier, il se sent moins observé, il sera alors plus à l’aise pour participer à la séance et interagir. Le processus créatif va lui permettre de faire sortir ses émotions et également d’améliorer son estime de lui-même. Sa façon d’agir au sein du groupe est également un élément intéressant. La synthèse que l’art-thérapeute me livre sur un jeune m’en apprend beaucoup sur lui et enrichit la vision que j’ai de ce patient», conclut le Dr Barbe.

L’art sur ordonnance

Les personnes intéressées par l’art-thérapie peuvent s’inscrire à des ateliers sur conseil d’un médecin ou d’un thérapeute. À noter qu’une ordonnance est utile pour se faire rembourser et que toutes les assurances ne rentrent pas en matière. Toutefois, l’art – sous toutes ses formes – est de plus en plus reconnu comme un «médicament» bénéfique pour le cerveau et la santé générale. Ainsi, les HUG se sont associés au Musée d’ethnographie de Genève et au Musée Ariana pour proposer aux patients en réadaptation cardiaque des visites sur ordonnance couplées à un atelier créatif. Une façon de les faire sortir de chez eux et de leur permettre de se focaliser sur autre chose que la maladie. À Paris et à Montréal, entre autres, des initiatives semblables se sont déployées, comme un cours de yoga au milieu des collections de tableaux ou une visite lente et guidée par une sophrologue. L’art-thérapie se transforme alors en muséothérapie. Le principe est le même: permettre aux émotions de s’exprimer sans avoir forcément besoin de la parole pour le faire.