La pleine conscience bénéfique aussi pour les jeunes
«J’aime méditer et j’apprécie le lien que ça crée avec les autres. Je me sens moins angoissée et j’arrive même à utiliser ces outils lors de mes examens ou de mes auditions de flûte traversière», illustre Marie*, 12 ans. Les offres de cours de méditation s’élargissent et les parents sont toujours plus nombreux à inscrire leur enfant à des cours privés. Certains pays comme le Canada ou les Etats-Unis intègrent même la pleine conscience (mindfulness en anglais) dans les programmes scolaires. En Suisse, seules quelques écoles privées s’y sont mises. Si elle n’est pas proposée de manière formelle dans les établissements publics, certains enseignants s’en inspirent néanmoins. Mais à quoi ressemble la pleine conscience pour les jeunes?
«Les interventions proposées dans les hôpitaux et pratiquées dans les écoles sont basées sur la méthode instaurée en 1979 par Jon Kabat-Zinn, professeur de médecine à l’Université du Massachusetts, explique Russia Ha-Vinh Leuchter, pédiatre aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Baptisée Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR) ou “réduction du stress basée sur la pleine conscience”, elle s’appuie sur des techniques de méditation laïques et standardisées.» C’est principalement sur la MBSR que reposent les centaines d’études prouvant les bienfaits de la méditation.
Le moment présent
«Lors de la pratique de la pleine conscience, il s’agit de s’entraîner à maintenir son attention sur le moment présent, sans autre objectif», poursuit Russia Ha-Vinh Leuchter. Le développement de cette méthode chez les adultes a favorisé son utilisation chez les enfants et les adolescents. «Il existe encore peu de recherches sur les jeunes, mais on observe les mêmes bénéfices que chez les adultes», estime la pédiatre. Les adolescents suivent à peu près les mêmes programmes que leurs aînés. Mais la méditation doit être adaptée pour les plus petits: les sessions sont plus courtes et ludiques. «Les enfants peuvent débuter la pleine conscience autour de 4 ans, considère Arnaud Merglen, pédiatre aux HUG. Mais ils ne sont pas tous réceptifs. Et c’est plus efficace si les parents sont impliqués.»
Cette technique de méditation aide les jeunes à mieux gérer le stress, les émotions et les réalisations avec les autres. Elle améliore aussi leur capacité de concentration. «Notre société impose beaucoup de pression aux enfants et la pleine conscience peut influer sur leur qualité de vie, observe Russia Ha-Vinh Leuchter. Des pratiques régulières de cinq minutes suffisent à les apaiser.» Marie a ainsi débuté la pleine conscience afin de mieux gérer son stress quotidien: «L’accueil était chaleureux et je me suis tout de suite sentie bien.» Jérôme*, 8 ans, trouve quant à lui que «les exercices sont cool. J’ai aimé quand on a dû raconter ce que nous aimions. J’ai répondu le jaune et les sushis! Maintenant, je me sens un peu moins stressé.»
Chez les enfants souffrant de troubles spécifiques (douleurs chroniques, asthme, diabète, autisme, troubles de l’attention, etc.), la pleine conscience a aussi une action positive. Russia Ha-Vinh Leuchter, Arnaud Merglen et l’équipe de la Pre Petra Hüppi des HUG sont d’ailleurs sur le point de lancer une étude concernant les effets du mindfulness sur une population de jeunes âgés de 12 à 14 ans, nés grands prématurés. «La plupart d’entre eux effectuent une scolarité normale, explique Russia Ha-Vinh Leuchter. Néanmoins, ils souffrent fréquemment de troubles de la concentration et du comportement. Ils ont également plus de difficultés dans les interactions sociales. Nous allons évaluer ce que la pleine conscience peut leur apporter.»
Mieux gérer la douleur
De son côté, Arnaud Merglen a travaillé avec des groupes d’adolescents souffrant de douleurs chroniques au Canada. «Avec la pleine conscience, nous pouvons les aider à mieux gérer leurs douleurs. Celles-ci ne seront pas supprimées, mais la méditation permettra de réguler les émotions qui y sont liées, comme la peur.» Chez les jeunes adultes dépressifs, le mindfulness se révèle même tout aussi efficace que les médicaments. «Cette approche représentera de plus en plus un traitement parmi d’autres pour les jeunes et les enfants, considère le pédiatre. Mais elle exige beaucoup d’investissement et de régularité pour déployer ses bienfaits. C’est pourquoi elle ne peut pas représenter un traitement efficace pour tous.»
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*Prénoms d’emprunt
Article repris du site pulsations.swiss