Médecine intégrative: une plante chinoise testée pour soigner la bronchite
Je tousse, que faire?
«Il faut en premier lieu se poser la question d’une infection au Covid-19 et faire rapidement un test de dépistage chez soi et/ou dans un centre de test, pour connaître son statut et ne pas contaminer autrui», indique le Pr Pierre-Yves Rodondi, directeur de l’Institut de médecine de famille à l’Université de Fribourg. Hormis le Covid-19, la toux peut avoir de nombreuses causes, parmi lesquelles une bronchite, une sinusite, une pneumonie, de l’asthme, du reflux gastrique, des problèmes cardiaques, plus rarement un cancer. Au bout de trois jours, si la toux persiste, s’aggrave ou s’accompagne d’autres symptômes, il faut voir un médecin. En cas de fièvre, de sang dans les expectorations, de peine à respirer ou d’une maladie pulmonaire ou cardiaque déjà présente, il faut également consulter sans attendre.
La bronchite aiguë est l’un des dix motifs de consultation les plus fréquents au cabinet du médecin, surtout pendant la période hivernale. Elle se manifeste par une toux, le plus souvent grasse, avec parfois des expectorations, mais rarement de la fièvre. Moins présente cet hiver en raison du port du masque qui limite les contaminations, l’infection des bronches peut toucher tout le monde. Généralement, des antitussifs, des bronchodilatateurs et des médicaments destinés à fluidifier les sécrétions sont prescrits pour soulager les symptômes. Mais «ces médicaments n’ont pas montré de bénéfices significatifs et sont à risque d’effets indésirables», indique la Pre Chantal Csajka, directrice du Centre de recherche et d’innovation en sciences pharmaceutiques cliniques (CRISP) du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et professeure à la Section des sciences pharmaceutiques de l’Université de Genève. Aussi, «ils n’ont d’effets ni sur la durée de la maladie, ni sur ses causes», ajoute le Pr Pierre-Yves Rodondi, directeur de l’Institut de médecine de famille à l’Université de Fribourg.
Et ce n’est pas tout. Selon certaines études, jusqu’à 53 % des patients se voient prescrire des antibiotiques en cas d’infection respiratoire – dont la bronchite fait partie – quand bien même la majorité d’entre elles sont d’origine virale. «Cette utilisation inappropriée contribue largement à la résistance aux antibiotiques et constitue une menace pour la santé publique», déplore la Pre Csajka.
Une plante médicinale comme alternative
Alors comment mieux soigner la bronchite? La solution pourrait bien se trouver du côté de la pharmacopée chinoise. Les deux experts romands ont lancé un projet de recherche unique, en collaboration avec l’Université de Nanjing en Chine et la Clinique Mayo aux États-Unis et soutenu par la fondation Leenaards (via son initiative Santé intégrative & société), afin d’en améliorer la prise en charge. La médecine chinoise recourt depuis des millénaires aux plantes pour soigner les maladies bronchiques. Après une revue de la littérature, les chercheurs ont sélectionné l’Andrographis paniculata, une plante asiatique traditionnellement utilisée dans la prophylaxie et le traitement symptomatique des infections respiratoires supérieures. «Plusieurs recherches ont montré ses effets sur la toux et la bronchite, mais ces dernières n’ont pas été réalisées de manière standardisée. Notre étude vise à évaluer sa sécurité et son efficacité sur la sévérité et la durée des symptômes, sur la base d’une méthodologie scientifique rigoureuse», explique le Pr Rodondi. Il s’agit également d’estimer la proportion de patients ayant reçu des antibiotiques et de déterminer dans quelle mesure la prescription de cette plante médicinale pourrait être intégrée dans un contexte de médecine conventionnelle.
Dans cette étude contrôlée et randomisée, un groupe de patients est soigné avec la plante chinoise et l’autre avec les traitements habituellement prescrits ou sans traitement. Des personnes par ailleurs infectées par le Covid-19 sont incluses dans l’échantillon, pour évaluer l’impact sur leurs symptômes.
De multiples vertus
Mais quelles sont au juste les vertus de cette plante médicinale, qui par ailleurs figure sur la liste de plantes reconnues par Swissmedic, l’organe de surveillance des médicaments? «Les feuilles et les parties aériennes possèdent des propriétés antivirales, antimicrobiennes, anti-inflammatoires et immunomodulatrices», indique la Pre Csajka. «Elle a également l’avantage de provoquer très peu d’effets indésirables», ajoute le Pr Rodondi.
Les résultats seront connus en 2023. Si l’efficacité de l’Andrographis paniculata est prouvée dans cette indication, de nouvelles recherches devront être menées pour le confirmer et déterminer les dosages adéquats pour un usage sûr. Si tout va bien, cette plante pourrait alors entrer dans l’arsenal thérapeutique de la médecine occidentale tout en limitant la surutilisation des antibiotiques (lire encadré). Dans la mesure où un patient sur trois recourt chaque année à la médecine complémentaire, ce type d’études répond vraisemblablement à un besoin et contribue à une meilleure connaissance en phytothérapie.
L’antibiorésistance, une menace à prendre très au sérieux
«La résistance aux antibiotiques est la conséquence d’une modification structurelle des bactéries susceptible d’entraîner une perte d’efficacité d’un ou de plusieurs antibiotiques sur l’infection bactérienne ciblée», explique la Pre Chantal Csajka, directrice du Centre de recherche et d’innovation en sciences pharmaceutiques cliniques (CRISP) du CHUV et professeure à la Section des sciences pharmaceutiques de l’Université de Genève. Conséquence: les infections bactériennes deviennent de plus en plus difficiles à traiter. Chacun peut être concerné. Selon l’OMS, l’antibiorésistance constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale et la sécurité alimentaire. La résistance aux antibiotiques s’est progressivement développée et concerne désormais l’ensemble des bactéries pathogènes. L’administration répétée de traitements antibiotiques, autant chez l’être humain que chez l’animal, a créé des conditions favorisant l’acquisition et la dissémination de souches résistantes. Si bien qu’aujourd’hui, les nouvelles molécules à disposition sont rares et il devient difficile, voire impossible, de traiter certaines infections.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 20/02/2022
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