La médecine intégrative, aussi en cas de cancer

Hypnose, méditation de pleine conscience, phytothérapie, médecine traditionnelle chinoise, etc. De nos jours, la médecine classique s’ouvre de plus en plus aux médecines complémentaires. C’est le cas également en oncologie, où leur essor est majeur, confirme la Dre Marie-Estelle Gaignard, médecin au Service d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG): «En Suisse, plus de 50% des personnes touchées par un cancer ont recours aux médecines complémentaires. Pour les professionnels de la santé, il s’agit de répondre au mieux à ce besoin et de réfléchir à la façon d’intégrer ces thérapies dans la prise en charge des patients.»

Au vu de cet intérêt toujours plus grand, il est en effet indispensable d’ouvrir le dialogue, poursuit la spécialiste: «Le risque que les patients se détournent de la médecine classique existe, surtout s’ils ne se sont pas sentis écoutés ou si leurs attentes à l’égard de la prise en charge n’ont pas été comblées. Plus on aura une attitude d’ouverture avec nos patients, ainsi que les compétences pour les informer des bénéfices et des possibles risques de ces thérapies, plus on pourra construire avec eux une relation thérapeutique de confiance.»

Pas d’exclusion

Il n’est pas question ici d’exclure les traitements classiques visant à détruire les tumeurs, mais d’être dans une approche globale, centrée sur la personne, et dans laquelle on tient compte de son histoire, de ses envies, besoins et croyances. Ainsi, différentes thérapies interviennent en complément des traitements oncologiques standards. Elles ont pour but de mieux soulager les symptômes des patients en lien avec leur maladie ou leur traitement et, in fine, d’améliorer leur qualité de vie ainsi que leur évolution clinique au long cours. Car l’annonce d’un diagnostic de cancer reste un grand bouleversement dans une vie, notamment sur le plan psychique.

Recevoir du soutien pour affronter les différentes étapes de la maladie est crucial. Aussi, les différentes approches corps-esprit peuvent aider les personnes touchées à traverser cette épreuve. «À l’heure de la médecine personnalisée et de son intérêt grandissant pour l’infiniment petit et le "moléculaire", nous devons également encourager la démarche inverse, soit de nous intéresser à la personne malade dans son entièreté, dans sa relation à elle-même, aux autres, au monde. Ainsi, la médecine intégrative, dont le rôle est d’intégrer ces polarités, est pour moi le développement naturel de la médecine et non une discipline à part. Dans ce processus d’intégration des différentes approches, l’alliance thérapeutique se voit valorisée et renforcée, celle-ci étant clé pour le bien-être et la bonne évolution des patients», explique la Dre Gaignard.

Faire le tri

L’offre étant toujours plus florissante, il est nécessaire, aux yeux de la médecin, d’apporter plus de clarté et d’aider ainsi les patients à naviguer dans ce champ de possibilités. Les recherches scientifiques sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses en médecine intégrative, y compris dans les centres hospitaliers universitaires romands. Le but de ces études: connaître avec plus de précision les indications, les bénéfices et les risques potentiels des approches complémentaires. «Beaucoup d’entre elles ont démontré leur innocuité, mais il est impératif de réfléchir à une bonne utilisation des ressources et savoir lesquelles ont montré leur efficacité et dans quelles situations cliniques, commente la Dre Gaignard. Mais aussi prévenir les risques. Face à l’intérêt toujours plus prononcé de la population pour les produits naturels, par exemple, il est indispensable d’acquérir des connaissances sur les interactions médicamenteuses potentielles afin de pouvoir conseiller nos patients à ce sujet.»

Que sait-on concrètement des apports des différentes médecines complémentaires sur la qualité de vie des personnes souffrant de cancer? Plusieurs évidences commencent à se dessiner. La méditation de pleine conscience est par exemple indiquée dans la gestion des troubles anxieux et dépressifs ainsi que, de façon plus générale, pour améliorer la qualité de vie. Il a également été démontré scientifiquement que l’activité physique est l’approche la plus efficace pour faire face à la fatigue imposée par la maladie et ses traitements. Les approches corps-esprit, comme le yoga ou le taï-chi, sont à ce titre également recommandées. Des séances d’acupuncture peuvent aider à soulager la fatigue ainsi que les douleurs articulaires et les bouffées de chaleur chez les femmes sous hormonothérapie en raison d’un cancer du sein. «Beaucoup de ces patientes abandonnent leur traitement à cause de ces effets secondaires. Si on parvient à diminuer l’impact de ces symptômes par l’activité physique ou l’acupuncture, par exemple, on améliorera leur compliance au traitement et ainsi leur évolution clinique dans le futur. La synergie entre thérapies complémentaires et médecine conventionnelle prend alors tout son sens», conclut la doctoresse.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 48 – Mars 2023