De l’acupuncture avant l’opération?
Des aiguilles pour rendre votre opération plus confortable? C’est ce que proposent quelques centres en Suisse romande où l’on adjoint l’acupuncture à la chirurgie. Cette conjugaison promet des effets positifs avant et après l’opération, notamment moins de stress, moins de douleur et moins de nausées.
La plupart des patients intéressés connaissent déjà l’acupuncture, explique la doctoresse Graziella Pacetti, qui intervient notamment à la Clinique Générale Beaulieu à Genève. Leur motivation première? Arriver sereins à l’intervention et diminuer préventivement les douleurs. Sur le premier point, la réduction de l’anxiété est «vraiment importante», constate la spécialiste. On a ainsi montré que les patients ayant bénéficié de traitement d’acupuncture prenaient plus rarement des somnifères pour dormir après l’intervention. Contre les douleurs postopératoires ensuite, «des études ont observé que les doses de médicaments antidouleur étaient moins fortes et moins fréquentes chez les patients traités avec l’acupuncture», ajoute la spécialiste.
Contre l’angoisse: l’hypnose
L’hypnose est une autre technique que l’on peut utiliser autour d’une opération. Aux Hôpitaux universitaires de Genève on la pratique ainsi à la demande des patients ou sur la suggestion des chirurgiens, explique la doctoresse Adriana Wolff, médecin adjoint en anesthésie. «L’hypnose peut traiter certains problèmes comme l’angoisse de l’opération, celle de l’anesthésie, la phobie des aiguilles, la crainte des nausées ou de la douleur.» Quelques séances effectuées avant l’opération peuvent rendre ces angoisses tolérables, relate la spécialiste. Etre en «transe hypnotique» ce n’est pas dormir, poursuit-elle. Au contraire, il s’agit d’un état de conscience modifié où l’on est hypervigilant et «où la tête travaille». «On peut contrôler la douleur, par exemple par la distraction ou en se focalisant dessus et en modifiant sa forme, son intensité… en travaillant avec l’imaginaire du patient.» Plusieurs niveaux d’intervention sont d’ailleurs possibles. Avant l’opération, le patient peut ainsi apprendre avec le thérapeute à atteindre par lui-même cet état. Mais le thérapeute peut également l’accompagner au bloc opératoire, même sans entraînement préalable.
En regard des bénéfices qu’elle permet, l’hypnose est encore sous-exploitée, estime la doctoresse Wolff. D’autant plus que «dans un environnement hospitalier, les patients sont très réceptifs aux suggestions, qu’elles soient positives ou négatives».
Aiguilles semi-permanentes
Le Dr Pierre-Yves Rodondi, responsable du centre de médecine intégrative et complémentaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv), lui emboîte le pas à ce sujet: «Nous avons de bonnes données scientifiques sur le contrôle de la douleur postopératoire par l’acupuncture; elles doivent toutefois encore être confirmées. Les résultats d’études sont par contre solides sur l’efficacité de cette thérapie contre les nausées après une anesthésie générale.»
Le traitement a lieu lors d’un rendez-vous quelques jours avant l’opération. La technique la plus commode est l’auriculothérapie: il s’agit de planter des aiguilles sur l’oreille où 200 points d’acupuncture correspondent chacun à une zone du corps. Avantage de l’auriculothérapie, on peut placer dans l’oreille des aiguilles semi-permanentes, comme une tête d’épingle ou un bijou extrêmement discret. Elles resteront insérées jusqu’à trois semaines avant de s’en aller naturellement. Le point d’acupuncture est donc activé durant toute cette période, permettant d’avoir un effet avant, pendant et après l’opération. «Les points choisis sont ceux accroissant la détente et ceux en rapport avec l’organe opéré, explique la doctoresse Pacetti. Un effet similaire peut être atteint avec l’acupuncture «classique» où l’on plante des aiguilles sur des points du corps, mais cela demandera davantage de séances.
Mais encore
Et avec un peu de froid?
Les points d’acupuncture des oreilles peuvent également être activés à l’aide d’une application très précise de froid intense. «On crée une microbrûlure, explique la doctoresse Pacetti. Cela peut créer un petit point blanc qui disparaît par la suite.» L’activation du point permise par ce biais est analogue à celle produite par une aiguille semi-permanente.
Remboursées
L’acupuncture et l’auriculothérapie sont remboursées par l’assurance de base, pour autant que le thérapeute soit médecin et titulaire d’un diplôme reconnu par la Fédération des médecins helvétiques (FMH). Par ailleurs, un traitement périopératoire peut se faire chez tous les acupuncteurs et auriculothérapeutes, précise la doctoresse Pacetti.
Contre l’obésité
Dans une petite étude sud-coréenne (58 sujets), l’auriculothérapie a montré une aide modérée à la perte de poids. Durant huit semaines, les participants pratiquaient de l’activité physique et une réduction calorique. Après cette période, ceux qui avaient été traités par auriculothérapie avaient réduit deux fois plus leur indice de masse corporelle (IMC). Soit un IMC diminué de 6% au lieu de 3%. Des résultats encourageants mais qui doivent être confirmés.
Un lien attesté
L’effet précis du traitement n’est pas entièrement compris par la science. Les explications varient d’ailleurs selon que l’on parle d’auriculothérapie ou d’acupuncture. Cette dernière est une composante de la médecine chinoise, rappelle la doctoresse Pacetti, et «dans celle-ci, l’énergie doit circuler le plus librement dans le corps». Activer un point est donc un moyen de ménager un passage à l’énergie à un endroit où elle rencontre une résistance. Dans l’auriculothérapie, c’est le contraire: on cherche à diminuer l’activité du point, reflet d’une sollicitation exagérée d’un organe donné.
Pour aller plus loin dans la compréhension de l’acupuncture, les chercheurs ont du pain sur la planche, observe le Dr Rodondi: «Quand vous piquez quelqu’un sur un point, il semble qu’un réflexe antidouleur se déclenche. De plus, on a observé qu’activer un point d’acupuncture lié en théorie à une zone du corps donnée stimule bien les régions du cerveau en lien avec cette partie du corps. Mais on n’a aucune idée de ce qui se passe entre les deux et, aujourd’hui, il n’existe aucun modèle explicatif pour décrire le phénomène global à l’œuvre dans l’acupuncture.»