«Femmes cougars»: et si elles n’existaient pas?
Des universitaires du Colorado se sont intéressés à cette question. Leur travail vaut que l’on s’y attarde : il ne manque pas de surprendre. Mais sans doute faut-il d’abord rappeler ici ce qu’est le couguar. Longtemps ce fut un majestueux félidé des Amériques généralement connu, sous nos contrées, sous le nom de puma (à ne pas confondre avec la panthère et ses rosettes, une panthère dont il est le cousin issu de germains).
Mais le couguar c’est aussi «une femme d’un certain âge» qui aurait pour caractéristique majeure de lorgner sur des hommes nettement moins âgés qu’elle. On écrit alors cougar selon un anglicisme popularisé avec la diffusion en France d’une série télévisée qui eut son heure de gloire, Cougar Town. Cougar, un mot donc aux frontières de l’argot et des marches conduisant à l’entrée dans les dictionnaires. On fera ici l’économie de la séduisante Ford Cougar (texte en allemand) et du puissant hélicoptère européen du même nom.
Trente-cinq ans (ou plus) et huit années (ou plus) de différence d’âge
Des intellectuels des antipodes se sont aussi intéressés de très près à la question1. Selon eux « la définition la plus simple et la plus largement utilisée est celle d'une femme de 35 ans ou plus qui sort ou cherche à sortir avec des partenaires ayant au moins huit ans de moins qu'elle. » Il arrive alors que l’on désigne ces partenaires comme étant des « toy boys », référence faite au film Toy Boy. Filant la métaphore animale on parle aussi parfois delionceaux.
Les chercheurs indiquent encore que tout serait né dans les années 1980 outre-Atlantique, pour faire référence aux supportrices (très attentionnées et d’un certain âge) des jeunes hockeyeurs canadiens (sur glace) de l'équipe des Vancouvers Canucks. Il faudrait aussi compter avec une nouvelle parue dans le Toronto Sun et un livre de Valerie Gibson (2002) intitulé «Cougar: A guide for older women dating younger men», sorte de bréviaire libérateur dans lequel elle évoque ses nombreuses relations avec des hommes de dix à vingt ans plus jeunes qu'elle, et dont elle tire la quintessence pratique pour les femmes envisageant de telles relations. Vint ensuite une «Croisière des cougars», sans parler des sites de rencontres spécialisés.
L’homme ne ressemble pas toujours à la femme
En 2011 une étude de chercheurs de l’Université de Cardiff (publiée dans Human & Evolution Behavior) centrée sur la différence d'âge au sein des couples a été menée auprès de 22 000 femmes de quatorze pays ayant indiqué sur des sites de rencontre leurs souhaits en matière de relations2. Elle fait valoir qu’il n’existerait pas de préférences des femmes pour des hommes plus jeunes : les préférences générales allaient alors vers des partenaires du même âge, voire plus âgés. A l’inverse, de manière complémentaire et sans vraies surprises, les hommes semblaient généralement attirés vers des partenaires plus jeunes, tendance qui irait croissant avec l'âge.
Dès lors, que conclure quant aux cougars? Serait-ce un mythe, cet animal humanisé ne se trouvant guère que dans les jungles épaisses du monde du spectacle?
Les mystères de l’attrait physique
C’est aussi à cette conclusion que parviennent les Prs Hani Mansour et Terra McKinnish, spécialistes d’économie à l'Université du Colorado3. Ces économistes ont travaillé sur une masse de données : celles rassemblées de 1960 à 2000 par l’U.S. Census Bureau data. Ils se sont intéressés à l'âge au moment du premier mariage, au niveau d’éducation, aux revenus. Mais ils ont aussi puisé leurs sources dans la cohorte National Longitudinal Survey of Youth pour mesurer les capacités cognitives. Et enfin sur celles de la National Longitudinal Survey of Adolescent Health pour – autant que faire se peut – évaluer ces mystères dans lesquels réside l'attrait physique.
Conclusions?
Les participants à niveau élevé d’études «interagissent» plus avec des partenaires du même âge. Les participants à faible niveau d’études ou qui travaillent dans des emplois peu qualifiés «interagissent» plus largement avec les différents groupes d'âge, ce qui augmente leur probabilité de se marier avec quelqu'un de beaucoup plus jeune ou beaucoup plus âgé.
Les hommes mariés à des femmes beaucoup plus jeunes ou plus âgées ont moins de revenus que ceux mariés à une femme du même groupe d’âge. Un exemple: les hommes mariés à des femmes plus jeunes ou plus âgées (de huit années ou plus) gagnent en moyenne 3 500 $ de moins par an que les hommes mariés à des femmes du même âge à un an près. Les hommes mariés à des femmes plus jeunes ou plus âgées de 8 ans ou plus font en moyenne 8,4 points de moins aux tests passés à l’école secondaire en expression orale, mathématiques et arithmétique. Cette différence est moins marquée pour les femmes.
Last but the least: sur une échelle de 1 à 5 (de «très peu attirant» à «très attractif») les personnes mariées à des conjoints à forte différence d'âge sont jugées moins attractives que celles mariées aux conjoints du même âge.
Une question sans réponse
Pour les auteurs, l’homme étant un animal social, tout est affaire de réseau. Moins les «atouts» (études, niveau socio-économique) sont importants, plus le réseau est ouvert sur des contacts de tous âges. Et tout bien pesé, lephénomène cougar serait une sorte de mirage médiatique avec Hollywood comme épicentre. Aucune donnée fiable ne témoigne d’une tendance croissante de femmes plus âgées à la recherche (ou mariées avec) des hommes beaucoup plus jeunes. «Nous n'avons trouvé aucune preuve d'un nouveau phénomène cougar, concluent les auteurs. Si cette typologie de couples a légèrement augmenté au fil du temps, alors les cougars sont parmi nous depuis les années 1960. La vraie tendance est le mariage de plus en plus fréquent entre personnes du même âge.»
Tous les éléments convergent depuis un demi-siècle vers un schéma majoritaire de conjoints du même âge. Des conjoints qui partagent plus d’activités dans plus d’espaces de temps libre. Des conjoints qui – autant que possible – prennent leur retraite en même temps pour – aussi longtemps que possible – vieillir ensemble.
Reste une question à laquelle personne ne semble vouloir répondre. S’il est acquis que la cougar n’existe pas, faut-il l’inventer?
1. Zoe Lawton et Paul Callister, chercheurs néozélandais, ont publié en 2010 et sous l’égide de l’Institut des Etudes politiques de Wellington un travail qui fait référence au sujet de cet article. On pourra le consulter ici en langue anglaise.
2. On en trouvera un résumé (en anglais) ici.
3. Ils viennent de publier leurs conclusions dans l’austère Review of Economics and Statistics. On trouvera ici le résumé (en anglais) de leurs conclusions.