Après une excision le plaisir sexuel reste possible
De quoi on parle
Le 6 février dernier a eu lieu la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. Pour se souvenir que léser les organes génitaux de la femme sans raisons médicales a des conséquences potentiellement dévastatrices sur la santé physique, psychique et sexuelle. Aujourd’hui, environ 200 millions de femmes et de filles ont enduré des actes reconnus, au niveau international, comme une violation des droits fondamentaux.
Dans le monde, selon des chiffres de l’Unicef publiés en 2016, plus de 200 millions de jeunes filles et de femmes ont subi des mutilations sexuelles. Quarante-quatre millions ont moins de 14 ans. Une trentaine de pays africains (dont la Somalie, la Guinée, Djibouti, l’Egypte, la Gambie) pratiquent ces rituels, qui ont aussi cours en Asie (Indonésie, Malaisie), au Moyen- Orient (notamment en Iran et au Pakistan) et dans certaines régions d’Amérique du Sud. Mais on les rencontre aussi dans des nations occidentales au sein de certaines communautés issues de ces pays. Chaque année, plus de 3 millions de jeunes filles sont ainsi mutilées.
On considère comme mutilation sexuelle féminine toute intervention qui lèse les organes génitaux externes de la femme pour des raisons non médicales et qui porte gravement atteinte à la santé. Il en existe quatre types. La clitoridectomie, d’abord, consiste en l’ablation partielle ou totale du gland du clitoris, et plus rarement seulement du prépuce (repli de peau entourant le clitoris). L’excision, ensuite, est l’ablation partielle ou totale du gland du clitoris et des petites lèvres (voir infographie), avec ou sans ablation des grandes lèvres. Le troisième est l’infibulation, rétrécissement de l’orifice vaginal réalisé en suturant une partie des petites ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris. La dernière catégorie regroupe toutes les autres interventions altérant les organes génitaux à des fins non médicales.
Un vrai traumatisme
Pratiqués le plus souvent dans des conditions d’hygiène précaires, ces actes peuvent entraîner des douleurs violentes, de la fièvre, une hémorragie, des infections (tétanos, VIH), des problèmes de cicatrisation, un état de choc et parfois le décès. «C’est souvent un moment dévastateur, source de grande peur et à l’origine d’un véritable traumatisme psychologique, déclare le Dr Francesco Bianchi-Demicheli, responsable de la Consultation de gynécologie psychosomatique et de médecine sexuelle aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). A cela peut s’ajouter un sentiment de trahison.»
Les conséquences à long terme sur la santé et le bien-être sont liées à la sévérité des mutilations, aux complications médicales (urinaires, gynécologiques, sexuelles) et à la douleur: «Après une infibulation, la femme peut rencontrer des problèmes urinaires (miction obstruée) ou menstruels (sang qui s’écoule difficilement), détaille le Dr Jasmine Abdulcadir, médecin à la consultation spécialisée dans les mutilations génitales féminines des HUG. Les douleurs, quel que soit le type de mutilation, peuvent être chroniques.» Il arrive aussi que la femme soit sujette à des infections uro-génitales à répétition, ait des lésions cicatricielles ou des kystes bénins parfois douloureux sur le clitoris.
Les secrets du clitoris
Les mêmes gènes que dans les doigts
Saviez-vous que la fabrication des doigts et des organes génitaux externes (pénis et clitoris) mobilisait exactement la même machinerie génétique? C’est ce qu’a démontré il y a quelques années l’équipe de Denis Duboule, professeur au Département de génétique et évolution à l’Université de Genève et à l’EPFL, grâce à des expériences sur des souris qui lui ont valu une publication dans la revue Science. «La partie du clitoris amputée «correspond» génétiquement aux mains et aux pieds, car les mêmes gènes y sont déployés avec les mêmes chaînes de contrôle. Pourquoi donc ne pas amputer les filles à la naissance des mains et des pieds?» s’offusque le généticien. Les recherches ont en effet montré que le développement, chez l’embryon, de ces différentes extrémités (doigts et sexes) est réalisé par les mêmes gènes architectes (les gènes Hox). Et que ces derniers sont contrôlés, dans les deux cas, par le même système de régulation.
De telles séquelles ont évidemment des conséquences sur la vie intime. Leur impact varie néanmoins selon de nombreux facteurs individuels: l’étendue des lésions et la gravité des complications, l’image qu’a la femme de son corps, l’existence d’autres traumatismes, son âge ou son environnement social. «Les jeunes femmes issues de l’immigration qui grandissent ou vivent dans un pays où ces mutilations sont stigmatisées peuvent moins bien vivre leur sexualité que des femmes plus âgées vivant dans un environnement où ces rituels sont valorisés», explique la spécialiste. Mais contrairement à une idée répandue, les études montrent qu’il est possible pour ces femmes d’avoir du plaisir et des orgasmes. Et pour cause, dans le cas de l’excision, seule la partie externe du clitoris (le gland) est coupée. Or, «il y a à l’intérieur toute une structure complexe, mesurant entre 8 et 12 cm en moyenne, que peu de monde imagine», explique le Dr Bianchi-Demicheli. La petite boule visible est la conjonction de deux piliers qui convergent vers la symphyse pubienne et de deux bulbes vestibulaires, des structures symétriques qui entourent le vagin et l’urètre. Ces tissus très vascularisés et érectiles sont extrêmement riches en récepteurs nerveux, le clitoris étant l’organe le plus sensible du corps féminin. Par ailleurs, si ces femmes ont malgré tout accès au plaisir sexuel, c’est surtout parce que «la sexualité ne se résume pas à un organe et que le clitoris n’est pas la clé de tout», rappelle le sexologue. Se sentir belle, stimulée (par la voix, le toucher, les odeurs), avoir du plaisir à être avec l’autre, tout cela joue aussi un rôle, le désir étant une réponse psycho-physiologique multidimensionnelle. Sans oublier que le cerveau reste le grand chef d’orchestre de tout cela, puisque «des zones cérébrales hautement cognitives sont impliquées dans l’orgasme», complète le sexologue.
Réparations chirurgicales
Pour répondre aux besoins des femmes qui ont subi des mutilations, la consultation spécialisée des HUG offre une prise en charge multidisciplinaire, où les dimensions médicale, psychologique et culturelle sont prises en compte: «Nous explorons les fausses croyances en matière d’anatomie et de sexualité et offrons si nécessaire une éducation sexo-corporelle», illustre le Dr Abdulcadir. La chirurgie (réexposition du clitoris, réouverture de l’orifice vaginal, par exemple) peut apporter un mieux-être, surtout en cas de douleurs chroniques. Mais, constate la spécialiste, la majorité des patientes qui n’ont pas de douleurs n’y ont pas recours au terme de la prise en charge. Confier ses souffrances, mieux connaître son intimité et savoir qu’une grande partie de son anatomie génitale reste intacte suffisent parfois à apporter une réparation physique et psychologique.
Le clitoris et le pénis ont la même origine
Selon un rapport français de 2016 sur l’éducation sexuelle, un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu’elles ont un clitoris, et 83% des filles de 13-14 ans ignorent sa fonction. Dans la population en général, l’anatomie réelle du clitoris reste également peu connue. Et pour beaucoup, le vagin est considéré comme l’homologue féminin du pénis, alors que c’est le clitoris qui joue ce rôle. Durant la vie embryonnaire, il existe un stade où les structures génitales sont les mêmes: «Jusqu’à 7 semaines, ces dernières sont indifférenciées, c’est-à-dire qu’elles peuvent évoluer en un clitoris ou en un pénis. Selon la programmation génétique de l’individu et sous l’effet des hormones sexuelles, une différence est visible dès 11 semaines environ», explique le Dr Céline Brockmann, coresponsable du Bioscope, le laboratoire public des sciences de la vie de l’Université de Genève. Dans le cadre d’un projet soutenu par la Fondation privée des HUG, le Bioscope prépare, pour les élèves du cycle d’orientation, une activité d’éducation à la santé fondée sur la science, sur le sexe et le genre. «D’un point de vue embryologique, il y a un continuum entre garçons et filles. Comprendre les mécanismes du développement permet de sortir d’une vision binaire et purement anatomique du genre. Montrer qu’il n’y a pas une seule façon d’être fille ou garçon est important pour lutter contre les discriminations.»
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Référence:
Paru dans Le Matin Dimanche, numéro du 26 février 2017
"Focus sur la gynécologie pédiatrique "
Des consultations sur l'environnement et son impact sur la fertilité
Les smartphones associés à une baisse de concentration des spermatozoïdes
Urétrite (homme)
L'urétrite est une inflammation de l'urètre avec un écoulement anormal par le pénis. C'est la manifestation la plus fréquente d’une infection sexuellement transmise (IST) chez l’homme.