Incontinence urinaire: deux techniques passées au crible
Plus de 15% des femmes souffriraient d’incontinence urinaire et 9% d’incontinence anale. C’est ainsi qu’une sur quatre serait concernée par une dysfonction pelvienne. Des troubles très fréquents donc, qui altèrent considérablement la qualité de vie et le bien-être des femmes au quotidien mais qui restent tabous et largement méconnus.
Les différents types d’incontinence urinaire
Selon l’International Continence Society, l’incontinence urinaire est définie comme toute perte involontaire d’urine. Cette pathologie souvent mal connue est divisée en trois groupes, en fonction notamment des mécanismes en jeu et des circonstances dans lesquelles les fuites se produisent. Il y a d’abord l’incontinence urinaire par «urgenturie», caractérisée par des envies très pressantes d’uriner. Il y a ensuite celle d’effort, liée à une activité physique ou à une toux, et enfin l’incontinence mixte, regroupant les deux premières.
Leurs principaux facteurs de risque sont bien connus: les grossesses et les accouchements, la chirurgie gynécologique, l’âge, l’obésité ou encore certains troubles gastro-intestinaux. La prise en charge pour tenter d’atténuer les conséquences de ces dysfonctions pelviennes passe généralement par des séances de physiothérapie. Les séances d’EMPP, pour «entraînement des muscles du plancher pelvien», permettent en effet, par contraction directe, de renforcer ces muscles, fragilisés par exemple par une grossesse. Cette technique est actuellement la rééducation la plus efficace et la plus largement proposée. Mais d’autres formes de rééducation existent, moins connues et dont l’efficience n’est pas toujours évaluée. C’est le cas de la gymnastique abdominale hypopressive (GAH).
GAH, késako?
Pour rappel, les muscles pelviens jouent un rôle essentiel dans le contrôle de la pression abdominale. Affaiblis, ils peuvent par exemple devenir moins efficaces pour retenir l’urine lors d’une toux, d’un éternuement ou encore pendant une activité physique. On parle alors d’incontinence urinaire d’effort (lire encadré). La GAH, approche globale datant des années 1980, combine contraction abdominale, postures et respiration pour dynamiser les muscles pelviens. Des scientifiques suisses* ont cherché à évaluer l’efficacité de cette technique en sélectionnant plusieurs études publiées sur le sujet dans des journaux scientifiques.
Des résultats contrastés pour la GAH…
Certaines de ces publications suggèrent que la GAH pourrait, dans certains cas, augmenter la force et le tonus des muscles pelviens et, plus largement, la qualité de vie des personnes qui la pratiquent. Ainsi, selon l’une des études en question, les femmes auraient obtenu des effets relaxants intéressants, mais aussi gagné en confort et en bien-être. Cette pratique aurait aussi amélioré l’image qu’elles avaient de leur corps. Des résultats positifs, confirmés par le fait que les personnes ayant essayé cette technique en étaient globalement satisfaites.
Toutefois, les résultats restent moins probants que ceux récoltés par le traditionnel entraînement des muscles pelviens. Et la différence entre les deux est nette. L’EMPP resterait donc bien la technique la plus bénéfique, sur le plancher pelvien lui-même comme sur les symptômes et la qualité de vie des femmes.
… qui ne rendent toutefois pas cette technique dénuée d’intérêt
Reste que «l’utilisation de la GAH peut être intéressante dans le domaine de la physiothérapie», nuancent les auteures, tout en précisant qu’elle ne pourrait pas devenir la proposition unique de rééducation en cas de dysfonction pelvienne. Néanmoins, elle pourrait trouver sa place en tant que technique complémentaire. «La GAH peut (…) être utilisée dans un objectif de bien-être en lien avec l’amélioration de la qualité de vie de la femme, en complément de l’entraînement du plancher pelvien», confirment les chercheuses.
Et de poursuivre: «La gymnastique abdominale hypopressive devrait être envisagée comme une technique globale possible parmi un ensemble d’outils favorisant le bien-être de la femme.» À noter enfin qu’aucune des études analysées dans le contexte de ce travail n’ayant évalué la gymnastique abdominale hypopressive sur la durée, de nouvelles recherches restent nécessaires pour se prononcer sur ses effets à long terme.
_______
* Adapté de: Le Baron-Bocaert M, Buttet O, Herde C, Bertuit J. Effets de la gymnastique abdominale hypopressive sur les dysfonctions pelviennes chez la femme: une revue systématique. Mains Libres 2024;2:72-84.