Faut-il reconsidérer la contraception?
Aux Etats-Unis, une grossesse sur deux n’est pas désirée! Une incidence beaucoup plus élevée que dans les autres pays industrialisés. Le phénomène est particulièrement préoccupant chez les adolescentes. Toutes classes d’âge confondues, 50% des cas sont imputables à une mauvaise observance de la contraception. La grande majorité des femmes se fie à la pilule. Pourtant, une étude prospective parue dans le New England Journal of Medicine1 montre que les contraceptifs à longue durée –stérilets, implants hormonaux– s’avèrent beaucoup plus efficaces. Des méthodes peu utilisées et que l’on préfère éviter chez les jeunes. Faut-il revoir notre façon d’envisager la contraception? L’avis de Dorothea Wunder, médecin-cheffe de l’unité de médecine de la reproduction et d’endocrinologie gynécologique au CHUV.
Trois millions de grossesses indésirées aux Etats-Unis, 1,2 million d’avortements… Les chiffres sont-ils aussi impressionnants en Suisse?
Dorothea Wunder: Non, le taux de grossesses non désirées en Suisse est particulièrement bas: 6,8 cas pour mille femmes par an. En comparaison européenne, il y a 20,8 cas pour mille en Suède et dix-sept pour mille en Grande-Bretagne.
L’étude américaine sur l’efficacité de la contraception à longue durée présente-t-elle un intérêt pour les femmes en Suisse?
Oui, car elle nous oblige à reconsidérer notre manière de concevoir la contraception. Cette étude montre clairement que l’on peut diminuer de moitié le risque de grossesse non désirée en optant pour un contraceptif à longue durée. L’effet est encore plus marqué chez les moins de 21 ans. Lorsqu’il faut penser à prendre sa pilule, à changer son anneau contraceptif, son patch ou même à renouveler une injection hormonale, il y a des oublis. En particulier dans les populations à risque, comme les très jeunes femmes et les personnes de milieux défavorisés.
Le stérilet n’est-il pas déconseillé aux jeunes?
Cette méthode repose sur un dispositif intra-utérin, ayant une double action contraceptive. Le stérilet agissant à la fois contre les spermatozoïdes et, s’il y a malgré tout fécondation, contre la nidification de l’ovule fécondé. La réticence des médecins à poser un stérilet chez de jeunes femmes est liée à la crainte d’une infection des trompes, qui pourrait éventuellement aboutir à une stérilité. Toutefois, une lecture attentive de la littérature montre que ces craintes ne sont pas fondées. Pour autant que le stérilet soit bien posé, et que l’on prenne certaines précautions évidentes. Comme de ne pas le poser pendant une infection, ou encore trop rapidement après un accouchement.
Et les implants hormonaux, sont-ils sans danger?
Il s’agit de bâtonnets hormonaux placés sous la peau. L’effet dure trois ans. Comme ces hormones circulent en permanence dans tout le corps, il peut y avoir des effets secondaires; prise de poids, état dépressif. Il faut faire une incision dans la peau pour placer l’implant et pour le retirer. Parfois, le retrait s’avère difficile, tant l’implant s’est collé aux tissus, et il faut l’enlever en salle d’opération. Pour ma part, je trouve ce système beaucoup plus invasif que le stérilet, qui, lui, est très facile à retirer en tout temps.
Les dernières générations de pilules contraceptives ont suscité la polémique. Est-ce la fin de cette méthode?
La pilule reste le premier moyen de contraception. Celles qui contiennent de la drospirénone (type Yasmin) augmentent en effet le risque de thrombose artérielle et veineuse par rapport à celles qui contiennent du lévonorgestrel (Microgynon). Mais chez les femmes de moins de 35 ans, sans cofacteurs comme le tabagisme, le diabète ou d’autres maladies, le risque absolu est très faible. Pour celles qui souffrent d’un syndrome prémenstruel et désirent une contraception, cette pilule constitue une excellente solution. C’est très individuel. Dans ce contexte, il est intéressant de reconsidérer la contraception sur la longue durée.
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1. NEJM, May 24, 2012. www.nejm.org
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Extrait de : Check-Up. Les réponses à vos questions santé |
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