IST: focus sur la gonorrhée

Dernière mise à jour 19/12/19 | Article
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La recrudescence de la gonorrhée dans le monde et notamment en Suisse inquiète les autorités sanitaires. L’absence fréquente de symptômes qui retarde le dépistage et la résistance grandissante de la bactérie aux antibiotiques sont en cause.

87 millions. C’est le nombre de nouveaux cas de gonorrhée répertoriés chaque année à travers le monde d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et les pays occidentaux ne sont pas épargnés, loin de là. «On assiste en Suisse à une recrudescence depuis plus de quinze ans de cette maladie, qui s’explique en partie par de plus grandes prises de risques lors de rapports sexuels», constate le Dr Frank Bally, médecin-chef du Service des maladies infectieuses à l’Institut central des hôpitaux à Sion. Après des décennies de campagnes contre le VIH – qui ont porté leurs fruits –, certaines populations se sentent aujourd’hui hors de danger. «Il est vrai que la crainte du VIH a considérablement diminué, mais cela ne doit pas faire oublier le risque de contracter d’autres infections sexuellement transmissibles (IST).» La gonorrhée en fait partie.

Aussi appelée blennorragie, cette maladie existe depuis longtemps, et sa cause bactérienne a été reconnue vers la fin du 19e siècle. Le gonocoque se développe sur les muqueuses génitales et se transmet lors d’un contact génital (sexe/sexe), rectal (sexe/rectum), génito-buccal ou oro-anal (rectum). Les symptômes, lorsqu’il y en a, peuvent être, chez l’homme, des écoulements de pus par l’urètre avec de vives douleurs ressenties en urinant, ce qui vaut à la gonorrhée son surnom de «chaude-pisse». Chez les femmes, elle provoque parfois des douleurs pelviennes, des pertes vaginales inhabituelles ou encore des souffrances pendant les rapports. «Mais bien souvent, elle se propage silencieusement, c’est-à-dire qu’elle est peu ou asymptomatique, surtout chez les femmes, mais aussi chez les hommes, précise le Dr Bally. Le sujet ne se sent pas malade et peut ainsi transmettre l’infection à son insu, ce qui retarde le dépistage et le traitement.»

Des complications parfois graves

Sournoisement, la gonorrhée s’installe donc sans faire de bruit, et peut mener à terme à des complications importantes, comme des problèmes de stérilité tubaire chez les femmes, si elle n’est pas traitée rapidement. Chez celles-ci, elle peut également favoriser les grossesses extra-utérines, les fausses couches et les infections post-partum, notamment une infection des conjonctives du nouveau-né.

Mais alors, comment se prémunir de cette maladie? Pour le spécialiste, la première des précautions est de se protéger lors de rapports sexuels (y compris oraux et anaux) avec un nouveau partenaire. «Lorsque la relation s’installe, un dépistage de l’ensemble des IST pour chacun des deux partenaires est recommandé avant de se passer d’une protection.» En cas d’infection au gonocoque, un traitement combiné de deux antibiotiques (ceftriaxone et azithromycine) est prescrit au patient, ainsi qu’à son ou ses partenaires récents afin de réduire le risque de propagation ou de recontamination. Mais là encore, les choses ne sont pas si simples…

Une superbactérie ultrarésistante

Outre sa propagation en hausse, la gonorrhée inquiète aussi par sa capacité à s’adapter. Jusqu’à présent, tous les traitements mis au point ont provoqué l’émergence de résistances chez le gonocoque. «C’est une bactérie très intelligente», commente la Dre Emilie Alirol, responsable du projet MST au Global antibiotic research and development partnership (GARDP), qui travaille actuellement avec la biotech américaine Entasis Therapeutics sur le développement d’un nouvel antibiotique très prometteur. «La recommandation actuelle est la suivante: une fois que l’on atteint 5% de résistance parmi la population, il faut changer d’antibiotique. Le problème c’est qu’aujourd’hui, nous avons épuisé les alternatives, et que la résistance progresse plus rapidement que la recherche scientifique.»

Les cas de gonorrhée résistante vont donc vraisemblablement augmenter dans les années à venir. Pour faire face à cet inquiétant tableau, l’OMS a inclus le gonocoque dans la liste des pathogènes prioritaires, tentant d’inciter ainsi les équipes de recherche et les compagnies pharmaceutiques à se pencher sur cette problématique. «C’est un besoin de santé publique pressant et nous nous attelons à trouver rapidement de nouvelles solutions, déclare la Dre Alirol. Car quand des cas de résistance extrême commencent à émerger – comme cela a été rapporté récemment en Europe –, ce n’est qu’une question de quelques années avant que la souche résistante ne se propage dans le monde entier.»

Faites-vous dépister

Pour qui? Toute personne ayant eu un rapport sexuel non protégé.

Quand? Idéalement avec chaque nouveau/nouvelle partenaire. Pour les personnes ayant des rapports non protégés avec des partenaires multiples: tous les 3 à 12 mois.

Qu’est-ce qu’on recherche? Chlamydia, gonorrhée, syphilis, VIH et hépatite C: cela dépend du profil des risques pris.

Comment? Par prélèvement sanguin, urinaire, et frottis des muqueuses pharyngées, anales et génitales.

Où? Chez son médecin traitant ou son gynécologue, dans les consultations spécialisées, dans un centre Check Point (pour les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes).

Et la vaccination? Le vaccin contre l’hépatite B est recommandé pour tous, et celui contre les papillomavirus (HPV) pour les femmes et les hommes âgés de moins de 26 ans, tous deux idéalement avant le début de l’activité sexuelle. La vaccination contre l’hépatite A est recommandée pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes.

La prévention des infections sexuellement transmissibles passe par une protection systématique lors de rapports sexuels (génitaux, oraux ou anaux) avec de nouveaux partenaires.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 36 - Décembre 2019

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