Café: pour le cerveau du futur bébé, mieux vaut ne pas trop en consommer
Plus qu’une véritable découverte c’est une confirmation: une femme enceinte qui consomme quotidiennement trop de café expose son enfant à certains risques neurologiques. Telle est la conclusion d’une étude française menée chez la souris et qui vient d’être publiée dans la revue spécialisée Science Translational Medicine1. Une équipe de chercheurs de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Université Aix Marseille, annonce qu’elle décrit pour la première fois un effet jusqu’ici inconnu de la caféine sur le cerveau en développement de souris de laboratoire. Ce travail constitue une alerte concernant potentiellement une plus grande sensibilité aux crises d’épilepsie et aux troubles de mémoire.
Caféine psycho-active
On sait que la caféine est une substance psycho-active, de nature à modifier l’activité de certaines cellules cérébrales. C’est précisément pour cette raison que le café est à ce point consommé par l’homme. On sait aussi que durant la grossesse cette molécule traverse la barrière placentaire, c’est pourquoi des recommandations internationales (OMS) ou nationales suggèrent actuellement des limites maximales de 300 mg ou 200 mg par jour pendant la grossesse (et l’allaitement); soit une tasse ou moins de café par jour.
«La caféine est la substance psychoactive la plus consommée au monde, y compris pendant la grossesse», rappelle Christophe Bernard, qui a dirigé cette recherche. L’équipe a tenté de reproduire chez les rongeurs une consommation de café régulière (ajout de caféine à leur eau de boisson), l’équivalent à deux ou trois tasses de café quotidiennes dans l’espèce humaine – et ce tout au long de la gestation et jusqu’au sevrage. «Ces chercheurs révèlent que la caféine affecte le cerveau en développement, entraînant chez la progéniture une plus grande sensibilité aux crises d'épilepsie et des problèmes de mémoire, souligne l’Inserm. Bien qu'ayant recours à un modèle animal, se pose la question des conséquences de la consommation de caféine par la femme enceinte.»
Informer les femmes concernées
De nombreuses substances agissent directement sur le fonctionnement du cerveau, en modifiant l’activité des neurones. C’est notamment le cas des antidépresseurs, des anxiolytiques, de la nicotine, de l’alcool et des drogues récréatives comme le cannabis, l’héroïne, la cocaïne, etc. Ces substances psycho-actives se fixent sur des molécules situées dans les cellules cérébrales et modifient ainsi leur activité. Il faut donc ajouter le café à cette liste et informer de ces effets les femmes concernées.
«Les bébés souris étaient beaucoup plus sensibles aux crises d’épilepsie et, une fois devenues adultes, nous avons observé qu'elles présentaient d’importants problèmes de mémoire spatiale, c'est-à-dire des difficultés à se repérer dans leur environnement», commente Christophe Bernard, principal auteur de l'étude. Les scientifiques annoncent être parvenus à identifier le mécanisme par lequel la caféine affecte les cerveaux murins en construction. Pendant le développement cérébral certaines cellules migrent vers les régions dans lesquelles elles sont destinées à fonctionner. C'est tout particulièrement vrai pour certains neurones qui libèrent le GABA – un des principaux médiateurs chimiques du cerveau. Ces neurones migrent notamment vers l'hippocampe, une région cérébrale impliquée dans les processus de mémorisation.
Crises d’épilepsie et pertes de mémoire
Or les chercheurs observent que chez la souris la caféine va directement influencer la migration de ces neurones. Le principe actif du petit noir va se fixer sur un récepteur particulier de ces derniers (dénommé A2AR). Ce faisant il ralentit leur vitesse de déplacement (on observe ici ce phénomène). «Ces cellules arrivent alors plus tard que prévu à l'endroit où elles étaient destinées à s’établir, expliquent les chercheurs. Ce retard de migration va se répercuter tout au long du développement et entraîner des effets néfastes sur le cerveau des souris à la naissance (excitabilité cellulaire et sensibilité aux crises d’épilepsie) et à l'âge adulte (perte de neurones et problèmes de mémoire).»
Les auteurs suggèrent de développer désormais dans l’espèce humaine des études longitudinales pour évaluer, à court et surtout à long terme, les conséquences de la caféine chez les nouveau-nés. Ces études devraient porter sur les nouveau-nés exposés à la caféine pendant la grossesse et/ou pendant l'allaitement; elles devraient également porter sur les nouveau-nés qui, victimes de «l'apnée du nourrisson», ont été traités avec du citrate de caféine.
1. Un résumé (en anglais) de cette étude peut être lu ici. On trouvera d’autre part ici le communiqué de presse de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) résuma résumant ce travail