Accouchement: à la quête de la position idéale
Lorsqu’un accouchement se passe bien, les mouvements du bébé et de la mère se synchronisent naturellement. Une femme qui écoute son corps sent en général de manière instinctive quelle position adopter pour mettre son enfant au monde. Dans certains pays moins médicalisés, où les conventions sociales sont moins ancrées, les femmes n’hésitent pas, par exemple, à se mettre à quatre pattes ou accroupies si elles en ressentent le besoin.
Mais malgré tout, il arrive qu’en fin de travail, le bébé reste «bloqué» au niveau du bassin et n’avance plus. Dans le langage médical, ce phénomène s’appelle une dystocie. Une situation qui conduit encore souvent à une césarienne. Il semble pourtant qu’une position parfaitement ajustée permette une meilleure progression du bébé, améliore la contraction utérine et, dans certains cas, permette de poursuivre l’accouchement par voie basse sans recours à la césarienne.
Capturer le mouvement
Suisse: haut taux de césariennes
Le nombre de césariennes en Suisse ne cesse d’augmenter. Selon les chiffres de l’OMS, le taux est passé de 23% en 1998 à 32% aujourd’hui. La moyenne mondiale se situe, quant à elle, plutôt entre 10 et 15%. Au sein du corps médical, de nombreuses voix s’élèvent désormais contre la banalisation de la césarienne, qui peut entraîner des complications souvent mal connues du grand public.
En 2017, le Dr David Desseauve, obstétricien au CHUV, a publié avec ses collègues une étude sur l’évolution du taux de césarienne à la maternité lausannoise. Deux pistes se dégagent alors pour tenter d’infléchir la courbe: réduire les déclenchements chez les femmes à bas risque qui accouchent pour la première fois et ne pas proposer systématiquement une césarienne aux femmes qui en ont déjà eu une lors d’un précédent accouchement.
Au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), le Dr David Desseauve, obstétricien, mène l’une des rares études scientifiques consacrée à la mécanique obstétricale. En collaboration avec l’EPFL et le Swiss motion lab du CHUV, il tente de comprendre tous les mécanismes liés à ces accouchements difficiles. Un projet récemment récompensé par l’obtention du prix Leenaards 2019 pour la recherche médicale translationnelle.
«Les dystocies surviennent parfois même si le bébé n’est pas trop gros et que le bassin de la mère est normal, constate le spécialiste. L’objectif est donc de savoir ce qui se passe exactement pour proposer d’autres solutions que la césarienne.» Lors de ces accouchements plus délicats, les femmes sont souvent sous péridurale. L’insensibilité que cela provoque dans le bas du corps empêche alors la mère d’être complètement connectée à la position de son corps et aux mouvements de son enfant.
Afin d’identifier cette «position idéale» individuelle, les chercheurs misent sur la modélisation. Des marqueurs sont disposés sur la peau de la femme en train d’accoucher et des caméras captent leur position pour reconstituer les mouvements en trois dimensions sur ordinateur. L’activité du muscle utérin est mesurée grâce à des électrodes placées sur le ventre. Parallèlement, la progression du bébé est observée à l’aide d’images échographiques. «Les laboratoires de l’EPFL et du CHUV vont collaborer pour centraliser ces informations et synchroniser les dispositifs de mesure», explique le Dr Desseauve.
Le prochain défi sera de rendre ce matériel de pointe adapté à la maternité. «Nous essayons de miniaturiser au maximum l’équipement, afin que les mères soient parfaitement surveillées tout en se sentant comme chez elles et en sécurité.» A noter que l’objectif n’est pas de poser des capteurs à toutes les patientes qui franchissent les portes de l’hôpital. Ces mesures resteraient réservées aux accouchements difficiles.
Salle d’accouchement du futur
De manière générale, les locaux et le mobilier des hôpitaux ne favorisent pas beaucoup la mobilité. Cette recherche a donc aussi pour objectif de faire évoluer les mentalités. «Il y a encore beaucoup de progrès à faire pour adapter l’environnement de la salle d’accouchement, souligne le Dr Desseauve. On pourrait imaginer créer des pièces consacrées aux situations de dystocie, avec du mobilier spécifique qui permette de varier les positions et trouver le meilleur axe pour l’accouchement.»
Depuis de nombreuses années déjà, les sages-femmes et le personnel médical sont sensibilisés de manière empirique à l’importance de la position pendant la naissance. Des exercices en mouvement et des variations de postures sont proposés aux femmes dans la grande majorité des hôpitaux. «Mais il existe par exemple des dizaines de façons de se tenir accroupie. Grâce à cette étude, nous allons peut-être pouvoir définir des paramètres indiscutables et ainsi proposer un catalogue de positions optimales», espère l’obstétricien.
Delphine, 29 ans, Nyon: «J’ai accouché à quatre pattes et sur le côté»
«Avoir un accouchement le plus naturel possible a toujours été mon souhait. Lors de ma grossesse, je me suis renseignée sur les différentes positions possibles pour donner naissance. J’étais vraiment ouverte à essayer autre chose que la position classique sur le dos, qui ne me semblait pas tellement instinctive. Lorsque je suis arrivée à l’hôpital pour l’accouchement, les sages-femmes ont remarqué que ma fille n’avait pas la tête tournée de manière idéale. Elle regardait vers mon ventre, ce qui peut rendre l’expulsion un peu plus douloureuse et compliquée. On m’a donc proposé de me mettre à quatre pattes sur un ballon. Et ça a marché! Au bout d’un moment, ma fille s’est retournée dans le bon sens et est descendue plus facilement. Si j’avais pu, j’aurais bien aimé terminer l’accouchement dans cette position, mais j’étais à bout de forces. Les sages-femmes m’ont donc allongée sur le côté avec une jambe relevée pour la phase d’expulsion. Grâce à tout cela, j’ai vécu un super accouchement. C’était ce que je voulais et je ne peux que recommander aux futures mamans de s’écouter».
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Paru dans le Quotidien de La Côte le 10/04/2019.