Des biologistes chinois ont à nouveau modifié le génome d’embryons humains

C’était dans le numéro de mai 2015 de la revue Protein & Cell. Une équipe dirigée par Junjiu Huang (Université Sun Yat-sen, Canton) y expliquait comment elle avait réussi à modifier des génomes humains. Objectif affiché: corriger un gène responsable de la bêta-thalassémie (une maladie du sang). Objectif non déclaré: prendre de l’avance dans la course à un nouvel eldorado, celui des modifications génétiques du génome humain dans l’espèce humaine – modifications transmissibles à la descendance. Un tabou éthique.
L’affaire avait ému, au point que l’on parla (y compris dans certains cénacles scientifiques) de la nécessité d’une forme de moratoire: «Maintenant que les Chinois peuvent modifier génétiquement les humains, si on appuyait sur "pause" pour réfléchir un peu?» (Slate.fr, 17 mai 2015).
Résistance au VIH
Un an a passé. Et une nouvelle publication a paru, cette fois dans le Journal of Assisted Reproduction and Genetics: «Introducing precise genetic modifications into human 3PN embryos by CRISPR/Cas-mediated genome editing». Il s’agissait ici de modifier génétiquement des embryons humains afin de les rendre résistants à l’infection du VIH. Une manière de présenter les choses tout en marquant l’opinion. Il s’agissait, comme dans la publication de l’an dernier, d’embryons chromosomiquement non viables et donc non destinés à être implantés. Un essai de faisabilité. Pour autant, c’est bien évidemment un deuxième coup de semonce.
L’équipe (Xiangjin Kang, Wenyin He, Yuling Huang, Qian Yu, Yaoyong Chen, Xingcheng Gao, Xiaofang Sun) était dirigée par Yong Fan (Key Laboratory for Major Obstetric Diseases of Guangdong Province, Key Laboratory of Reproduction and Genetics of Guangdong). Collecte de 213 ovocytes humains d’avril à septembre 2014. Travail sur 87 ovocytes fécondés dotés d’une paire de chromosomes supplémentaires. Recours à la technique CRISPR-Cas9 pour introduire une mutation connue pour être un obstacle naturel à l’infection cellulaire par le VIH (mutation CCR5Δ32). Opération génétique réussie dans quatre embryons sur 26. L’affaire est commentée dans Nature: «Second Chinese team reports gene editing in human embryos. Study used CRISPR technology to introduce HIV-resistance mutation into embryo.»
Une digue qui se fragilise
Conclusion factuelle: confirmation que CRISPR permet d’introduire une modification génétique avec succès sur des embryons humains. Et il reste du chemin à faire avant d’obtenir des taux de succès véritablement signifiants. De nombreux scientifiques ne voient aucun problème éthique à des tels travaux sur l’humain. Ils font valoir qu’un comité d’éthique local les avait approuvés et que les donneurs étaient «consentants».
Moins loin que la Chine, au Royaume-Uni, des travaux voisins vont être bientôt menés, après feu vert des autorités, au Francis Crick Institute. Menée pour mieux comprendre les causes des interruptions précoces de certaines grossesses, cette recherche anglaise sera effectuée sur des embryons humains à la condition que ces derniers soient détruits au plus tard après quatorze jours de développement. L’impression, de plus en plus marquée, d’une digue qui se fragilise, de lézardes sur un mur de soutènement, d’une soif d’agir qui efface les vieilles frontières.
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Source

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