Végétarisme: tous les légumes ne se valent pas
Un régime basé uniquement sur des végétaux n’est pas forcément sain. C’est le résultat d’une vaste étude statistique menée par une équipe de chercheurs en nutrition à la Chan School of Public Health de Boston (Massachusetts). Publiée en juillet dans le Journal of the American College of Cardiology, elle comporte une analyse inédite des régimes à base de plantes. C’est en effet la première fois que des chercheurs s’intéressent au degré de transformation et aux modes de consommation des aliments, ainsi qu’à leurs divers effets sur la santé.
Pour cette étude, qui s’est déroulée de 1984 à 2013, les nutritionnistes ont suivi plus de 200’000 hommes et femmes, âgés de 25 à 75 ans, ne présentant aucune maladie cardiovasculaire. Tous les deux ans, les participants devaient remplir un questionnaire sur leur alimentation et leur santé. À partir de ces données, les scientifiques ont élaboré un nouvel indicateur, baptisé PDI pour plant-based diet index («index de régime à base de plantes»). Dans le calcul, des points positifs sont attribués aux plantes tandis que les denrées animales reçoivent des points négatifs. Un PDI élevé correspond donc à une alimentation riche en végétaux, quelle qu’en soit la forme ou la nature.
Le sain et le malsain
L’aspect inédit de l’étude, c’est l’introduction de deux sous-groupes: le «sain» et le «malsain». Le premier attribue un poids plus grand aux céréales complètes et aux fruits et légumes sous leurs formes les plus brutes. Plus le score est élevé, plus le régime est riche en végétaux de qualité. Le PDI «malsain» attribue quant à lui un score positif aux céréales raffinées, aux boissons sucrées telles que les jus de fruits, ou aux fritures, bref, à tous les produits passés à la moulinette de l’industrie alimentaire. Plus la valeur du PDI «malsain» est haute, plus les qualités nutritionnelles des produits, tout végétaux qu’ils sont, sont basses. Rien d’étonnant: les aliments transformés sont riches en sel, en sucres et en graisses et pauvres en micronutriments. Tous les ingrédients nécessaires pour faire le lit des maladies cardiovasculaires.
Au terme de leurs travaux, les chercheurs ont analysé le PDI de chaque participant et ont croisé ce chiffre avec celui de la fréquence des infarctus du myocarde, mortels ou non, pour tenter d’établir un lien entre eux. Sans surprise, l’analyse a révélé que plus le PDI général est élevé, plus le risque de développer une maladie cardio-vasculaire est bas. Un résultat similaire à celui enregistré dans le cadre de recherches sur le diabète de type 2.
Cette tendance se renforce pour la version «saine» du PDI. L’étude révèle qu’adopter les variantes les plus équilibrées de régime peut permettre de réduire jusqu’à 25% les risques de maladies des artères coronariennes. Plus l’alimentation végétarienne est composée de fruits, légumes et céréales à l’état brut, plus elle est bénéfique.
Le rapport s’inverse toutefois avec le PDI «malsain»: les aliments ultra-transformés augmentent fortement la fréquence des maladies coronariennes. Les variantes les moins bénéfiques correspondent à une augmentation des risques de plus de 30%, souligne l’étude.
Un choix difficile
Nutritionniste aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), le Dr Dimitrios Samaras valide chaque aspect de l’étude. «Plus le produit est brut, mieux c’est. On consomme ainsi moins de sel surajouté, de sucres raffinés et d’acides gras délétères pour la santé et présents dans les produits transformés». Il souligne aussi que, dans le cadre d’un régime sain, «consommer des légumes cuits à la vapeur ou sautés à l’huile de noix ou de tournesol, ce n’est pas la même chose. Une orange, une orange pressée ou un jus d’orange industriel, ce n’est pas pareil non plus en termes de valeur nutritionnelle.» Et de conclure que cette étude illustre «une dimension à laquelle on ne fait pas souvent attention lorsqu’on fait le choix de son alimentation: c’est combien il est difficile aujourd’hui d’amener quelque chose de sain dans son assiette».
Les chercheurs prévoient d’exploiter leur PDI pour établir d’éventuels liens entre alimentation végétale et d’autres pathologies, telles que l’obésité.
Demain, tous vegans?
De plus en plus d’études montrent que le végétarisme est bénéfique pour la santé et plus sain que l’alimentation omnivore. «D’un point de vue nutritionnel, le risque de carences est relativement faible. La seule préoccupation à avoir, c’est le dosage en vitamine B12, qui est donc à surveiller», précise le Dr Dimitrios Samaras.
On a aussi toujours plus de preuves que la viande transformée est un cancérogène de type 1 selon le classement de l’ONU, soit la même catégorie que le tabac, tandis que la viande rouge est considérée comme potentiellement cancérogène (type 2A selon l’ONU). Le nutritionniste en est convaincu : au cours des prochaines années, les recommandations en matière d’alimentation vont changer en faveur d’une nutrition basée sur les végétaux. «Le but n’est pas de devenir vegan, mais d’adopter des habitudes alimentaires basées sur les fruits, les légumes, les légumineuses et les céréales. Le niveau de consommation de produits provenant des animaux est un choix personnel. L’idée est de faire du mieux que l’on peut, pas de faire parfaitement!»
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Paru dans Planète Santé magazine N° 29 - Mars 2018