Les bêtabloquants sont-ils vraiment bons pour le cœur?

Dernière mise à jour 15/10/15 | Article
Les bêtabloquants sont-ils vraiment bons pour le cœur?
Selon une très large étude, ces médicaments ne seraient pas efficaces. Révolution en vue?

Les bêtabloquants sont bien connus des étudiants qui doivent passer un examen ou des conférenciers stressés, car ils régulent le rythme du cœur et gomment les manifestations du stress. Au-delà de cette utilisation anecdotique, ces médicaments sont largement prescrits pour les personnes qui ont eu un infarctus ou qui souffrent de maladies coronariennes. Selon une large étude parue dans la revue médicale américaine JAMA1, la prescription de ces médicaments n’apporterait rien. Un constat concernant les patients ayant eu un infarctus, ceux qui souffrent d’une maladie coronarienne reconnue et ceux qui ont un profil à risque. Que faire? Renoncer aux bêtabloquants? Réponse de François Mach, médecin-chef du service de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève.

L’étude porte sur près de 45000 patients, suivis pendant 44 mois. Est-ce que ces résultats remettent en cause l’utilisation des bêtabloquants?

François Mach: Il s’agit d’une étude de suivi d’une cohorte de patients. Elle n’a pas la même portée qu’une étude randomisée en double aveugle, dans laquelle le médicament est comparé à un placebo. Cette étude comprend aussi certaines limitations, d’ailleurs soulignées par les auteurs. Néanmoins, le nombre de patients et la longueur du suivi lui donnent un impact certain. Le corps médical devrait réfléchir à l’utilisation des bêtabloquants après un infarctus, dans les maladies coronariennes et chez les patients à risque de coronaropathies. Dans d’autres indications, cette classe de médicaments est par ailleurs très efficace.

Le traitement actuel des maladies coronariennes, et notamment des infarctus, serait basé sur de «vieilles» études. Qu’est-ce qui a changé depuis?

Il y a une quinzaine d’années, le cœur perdait environ 50% de sa fonction après un infarctus. Aujourd’hui, les interventions, comme déboucher une artère, se font plus vite. Pour autant que le patient arrive promptement à l’hôpital, son cœur sera revascularisé rapidement. Il subira moins, voire pas de dégâts. En conséquence, le patient n’aura pas besoin de bêtabloquants sur le long terme, pour autant qu’il ne souffre pas d’insuffisance cardiaque.

Les bêtabloquants ne sont-ils pas contre-indiqués en cas d’insuffisance cardiaque?

On l’a longtemps pensé. Mais il a été démontré depuis une dizaine d’années que les bêtabloquants amélioraient la fonction cardiaque. Et depuis deux ou trois ans, nous préconisons de ne surtout pas arrêter ces médicaments, même lors d’une décompensation cardiaque. Je dirais donc que, dans ce cas précis, il faut conserver un traitement au long cours. Par contre, il faut cesser de prescrire systématiquement ce médicament sur le long terme après un infarctus ou dans les coronaropathies, comme cela se fait couramment.

Dans quels cas les bêtabloquants sont-ils encore indiqués?

En cas de persistance de douleurs d’angine de poitrine chez les patients ayant subi un infarctus. Et dans les troubles du rythme cardiaque [ndlr: lorsque le cœur bat irrégulièrement]. Ces médicaments ont aussi une efficacité prouvée pour le traitement de l’hypertension artérielle ainsi que pour diminuer la fréquence cardiaque. Et, dans un autre domaine, pour le traitement de la migraine.

Une étude faite pendant la Coupe du monde de Munich a montré une augmentation des infarctus et des morts subites chez les spectateurs. Faudrait-il recommander des bêtabloquants aux personnes à risque pendant ce type d’événement?

Le bon sens le voudrait puisque ce type de médicament régule la fréquence cardiaque, mais aucune recommandation ou indication n’est reconnue. Dans l’étude sur la Coupe du monde s’ajoutaient aussi au stress des facteurs comme le manque de sommeil, le tabagisme et une consommation plus élevée d’alcool.

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1. JAMA, October 3, 2012, vol. 308, N° 13.  

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Extrait de :

Check-Up. Les réponses à vos questions santé
de Marie-Christine Petit-Pierre
Ed. Planète Santé / Le Temps, 2014

            

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