Mieux tolérée, la chimiothérapie par aérosol
Les chimiothérapies classiques sont administrées par voie veineuse, avec comme conséquence d’importants effets secondaires: perte de cheveux, troubles digestifs, extrême fatigue, entre autres. Lors de carcinose péritonéale, c’est-à-dire lorsque les cellules de certains cancers (celui des ovaires, du pancréas, de l’estomac ou encore du côlon) se dispersent dans le ventre, il devient urgent de trouver une méthode plus adaptée et ciblée. Cette technique existe depuis une quinzaine d’années et s’appelle PIPAC, pour chimiothérapie intrapéritonéale pressurisée par aérosols. Utilisée pour la première fois aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) en 2019, elle fait actuellement l’objet d’un essai clinique.
Le principe: injecter directement dans le ventre les médicaments de chimiothérapie. «Nous pouvons ainsi administrer des doses dix fois inférieures à celles données en intraveineuse tout en appliquant une plus grande quantité de produit directement sur les cellules tumorales, grâce à la forte pression de l’aérosol. Comme il y a beaucoup moins de chimiothérapie qui circule dans le corps, les effets secondaires sont très atténués», explique la Dre Manuela Undurraga, médecin adjointe à l’Unité d’oncogynécologie chirurgicale des HUG.
Préconisée pour traiter les cancers souvent diagnostiqués à un stade avancé, la PIPAC se pratique sous anesthésie générale et nécessite une courte hospitalisation de 48 heures. «Nous procédons par laparoscopie (technique introduisant une caméra dans la cavité abdominale, ndlr), une approche peu invasive ne laissant que deux petites cicatrices discrètes. Une fois le ventre gonflé avec du CO2, nous administrons le médicament par aérosol là où se trouvent les cellules cancéreuses. L’intervention dure environ 90 minutes», précise le Pr Frédéric Ris, médecin adjoint au Service de chirurgie viscérale des HUG.
Grâce à une quantité de chimiothérapie injectée très faible, les formules sanguines des patients restent dans la norme: leurs globules rouges et blancs ainsi que leurs plaquettes ne sont pas détruits. «Nous proposons un traitement innovant à des personnes âgées ou fragiles épuisées par la chimiothérapie intraveineuse», précise la Dre Intidhar Labidi-Galy, médecin oncologue responsable des cancers gynécologiques aux HUG.
Une étude prometteuse
L’étude clinique en cours regroupe les expertises des services de gynécologie, chirurgie viscérale et oncologie. «À l’heure actuelle, 5 personnes, sur un total de 36 envisagées, ont déjà été prises en charge par PIPAC dans le cadre de l’étude. Nous souhaitons introduire un maximum de produit dans la cellule tumorale tout en minimisant les effets secondaires», poursuit la Dre Labidi-Galy.
Et la Dre Undurraga de conclure: « Les cancers ainsi traités sont déjà à un stade avancé, en guérir est donc très difficile. Cependant, ce traitement pourrait les transformer en maladies chroniques. Les malades pourraient venir une fois par mois pour une PIPAC et garder une bonne qualité de vie, ce qui n’est pas toujours le cas lors d’une chimiothérapie classique.»
«C’est un traitement formidable»
Émilie* est enthousiaste. Cette jeune grand-mère atteinte d’un cancer des ovaires a déjà bénéficié de deux PIPAC. «Je récupère très bien après chaque intervention. Je me sens beaucoup moins fatiguée qu’après une chimiothérapie intraveineuse et je n’ai pas d’effets secondaires. La seule chose que j’évite de faire, c’est de porter mes petits-enfants après l’opération. Mes marqueurs sanguins du cancer ont déjà baissé. Je trouve ce traitement formidable: un maximum de médicament est envoyé au bon endroit sans que cela ne se diffuse partout ailleurs.» La sexagénaire devait se rendre une fois par semaine à l’hôpital pour ses chimiothérapies en intraveineuse; avec la PIPAC, c’est une fois par mois. «Malgré la courte hospitalisation, ce traitement impacte beaucoup moins mon quotidien.»
* Prénom d'emprunt
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Article repris du site pulsations.swiss